Projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Jean-Claude Requier. C'est son grand retour !
M. Guillaume Arnell. Quel plaisir de retrouver l'hémicycle et de vous retrouver, mes chers collègues, après trois mois d'absence !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'ampleur inédite de la crise sanitaire qui nous frappe a fortement impacté les finances sociales et a mis notre système de sécurité sociale à rude épreuve.
Au début du mois de juin, le ministre de l'action et des comptes publics estimait que le déficit de la sécurité sociale s'établirait à 52,2 milliards d'euros en 2020, contre une prévision initiale de 5,4 milliards d'euros. Il est donc dix fois plus important que prévu.
Afin de répondre à l'aggravation du déficit, le Gouvernement nous propose ce projet de loi qui vise deux objectifs : transférer une partie de la dette à la Cades et créer une cinquième branche de la sécurité sociale relative à l'autonomie.
Sur le transfert de la dette, dans l'ensemble, les coûts considérables engendrés par l'épidémie de Covid-19 résultent notamment de la contraction de la masse salariale du secteur privé, des reports de cotisations accordés aux entreprises pour soulager leur trésorerie, des dépenses pour combattre la propagation du virus et rémunérer les personnels hospitaliers.
Si ces sommes colossales vont peser sur les finances publiques, elles n'en étaient pas moins nécessaires. Elles sont la résultante de mesures d'urgence, qui ont été prises en période de crise et que l'État se doit d'assumer.
Mais, quant à savoir qui va les prendre en charge, vous avez décidé, monsieur le secrétaire d'État, de transférer la dette sociale héritée de l'épidémie de Covid-19, non pas à l'État, mais à la Cades. Ce choix peut prêter à débat, mais est somme toute logique, puisque l'objectif de la Cades est d'apurer les déficits de la sécurité sociale, que la crise a aggravés.
En revanche, parmi les 136 milliards d'euros transférés figurent les 13 milliards d'euros de dette des hôpitaux que le Gouvernement, par la voix de Mme Agnès Buzyn, s'était pourtant engagé, au nom de l'État, à reprendre en novembre dernier. Ce transfert ne me paraît donc pas justifié.
Aussi, je me félicite que la commission des affaires sociales ait suivi la proposition de notre rapporteur de supprimer la reprise de la dette des hôpitaux par la Cades. Comme l'a rappelé notre président Alain Milon, les hôpitaux appartiennent à l'État et non à l'assurance maladie.
J'en viens à présent au deuxième enjeu de ce texte, la création d'une cinquième branche en faveur de la prise en charge de l'autonomie.
En 2060, les personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans seront près de 5 millions, contre 1,4 million aujourd'hui, et le nombre de personnes âgées en perte d'autonomie passera de 1,2 million en 2015 à 2,2 millions en 2050.
« Quand on a de l'espoir, la vieillesse même est belle », écrivait Anton Tchekhov. Nous sommes confrontés à un formidable enjeu de société, celui d'accompagner au mieux nos aînés, de leur offrir une qualité de vie digne et épanouissante.
Les sénateurs du groupe du RDSE plaident depuis de très nombreuses années pour la mise en place d'une grande réforme de la dépendance. Nous saluons donc cette mesure. Mais si l'on peut se réjouir que cette réforme soit enfin à l'ordre du jour, nous sommes plutôt réservés quant à la méthode choisie : créer une cinquième branche par le biais d'un amendement dans un projet de loi sur la dette sociale semble pour le moins incongru.
Pour mémoire, le système à quatre branches a été institutionnalisé il y a vingt-six ans par la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale. La création d'une cinquième branche est donc une réforme de grande ampleur, qui aurait mérité de faire l'objet d'un projet de loi à part entière ou, tout du moins, d'être examinée dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale d'autant que, comme l'a rappelé notre président Alain Milon, « son financement n'est pas assuré, ses bénéficiaires ne sont pas connus et sa gouvernance n'est pas définie ».
S'agissant de son financement, justement, si je salue l'affectation de près de 2,4 milliards d'euros à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour amorcer le chantier, je crains que cette enveloppe soit tout d'abord insuffisante.
Selon les estimations du rapport Libault, publié en mars 2019, les moyens supplémentaires nécessaires s'élèveront en effet à environ 6 milliards d'euros en 2024 et à plus de 10 milliards d'euros en 2030.
Nous craignons par ailleurs que ce financement n'intervienne trop tard, à l'instar de la CNSA qui a émis des réserves sur l'échéance de 2024, la jugeant « incompatible avec l'urgence de la mise en œuvre d'une grande loi Autonomie ». C'est pourquoi un amendement du groupe du RDSE visait à dégager de nouvelles ressources dès 2021 ; malheureusement, celui-ci a été déclaré irrecevable.
Quoiqu'il en soit, soyez assuré, monsieur le secrétaire d'État, que le groupe du RDSE, le moment venu, sera attentif aux modalités de mise en œuvre de cette nouvelle branche pour qu'elle puisse impulser une véritable politique de l'autonomie à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
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