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Proposition de loi modifiant la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin de préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE – Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit également.)

 

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier la commission des affaires économiques de la création du groupe de suivi de la loi Égalim auquel j'appartiens, ainsi que Daniel Gremillet, Michel Raison et Anne-Catherine Loisier de leur initiative.

Évaluer les décisions prises et les faire évoluer, le cas échéant, me semble être le b.a.-ba d'une démarche de responsabilité du Parlement envers les Français.

Trop de citoyens nous reprochent d'accumuler les lois sans en évaluer suffisamment les conséquences ni en tirer de bilan. Sur le terrain, les maires nous rappellent d'autres exemples, comme le fiasco de la réforme des rythmes scolaires et la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure. Comment leur répondre ? Comment leur expliquer que, trop souvent, les textes s'enchaînent et que l'énorme travail réalisé en commission est quelquefois balayé d'un revers de main pour des raisons d'entêtement politique ?

Se poser, écouter pour faire le point, est d'abord un geste d'humilité : il s'agit d'accepter que l'on puisse se tromper, que l'on puisse ne pas avoir perçu toutes les conséquences d'une loi et, après analyse, de la réajuster. Cette initiative de la commission nous permet de nous sentir responsables et efficaces.

La loi Égalim, je l'ai dit et répété, partait d'un bon sentiment : asseoir autour d'une table toutes les parties concernées via les État généraux de l'alimentation. Grâce à des réunions thématisées, les enjeux ont été posés et chacun a pu s'exprimer. Jusque-là tout allait bien : il s'agissait d'une posture innovante, à la hauteur des défis de notre agriculture. Malheureusement, les bonnes intentions se sont arrêtées là.

Dès l'examen du projet de loi, comme très souvent, nous avons assisté à un véritable déni de démocratie. Le Sénat vous avait averti des conséquences de certaines mesures, car nous sommes proches des territoires et de leurs acteurs.

Les responsables professionnels, qui ont aussi adopté une posture constructive en s'investissant dans les États généraux, nous avaient alertés sur certains points d'achoppement. Nous avons relayé ces craintes, mais nous n'avons pas été entendus.

Premier écueil : pourquoi généraliser une mesure destinée à gérer une problématique particulière, à savoir la commercialisation de certains produits trop conditionnés à des ventes en promotion ?

Pour répondre à ce contexte de menace pour nos éleveurs, par exemple dans la filière porcine, la loi a généralisé la limitation des ventes sous promotion sans tenir compte d'un argument soulevé durant les auditions : la difficulté annoncée de certaines entreprises ayant une agriculture de saison, comme vous venez de le reconnaître, monsieur le ministre.

Résultat prévu et aujourd'hui plus que subi : les petites entreprises, souvent familiales, qui ne peuvent se payer de publicité et qui vivaient grâce au système des promotions, sont en grand danger. C'est la raison pour laquelle nous demandons unanimement que seule l'autorité compétente, à savoir la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, définisse le caractère saisonnier. Faisons confiance à nos administrations, si toutefois elles sont libres de se prononcer.

Sans évolution, seules les grosses entreprises s'en sortiront. Les plus petites risquent de disparaître et, avec elles, les emplois. Cela nous oblige à réfléchir et à revenir sur un sujet de fond : l'avenir de notre agriculture. Voulons-nous maintenir les structures familiales ou privilégier les grosses unités ?

L'un des enjeux affichés des États généraux était une meilleure répartition de la valeur. Aujourd'hui, c'est encore un constat d'échec.

Nous le savons, le défi est majeur et complexe à appréhender dans un marché mondialisé et libéral. Dans la guerre des prix, il n'y a toujours qu'un perdant : le producteur. C'est la raison pour laquelle nous devons unir nos efforts et, surtout, les partager tout au long de la chaîne dans les mêmes proportions.

Le texte que nous examinons aujourd'hui s'intéresse aux prix abusivement bas. La volonté vertueuse de départ était de protéger les adhérents face à l'opacité de certains grands groupes coopératifs. Certaines structures, avec leurs filiales, à l'organisation très complexe, sont très difficiles à appréhender. Il faut donc prévoir des garde-fous pour protéger les adhérents de toute erreur de stratégie, car ce sont eux, in fine, qui verront leur rémunération baisser.

Mais là encore, il ne faut pas généraliser. Il existe de nombreuses coopératives petites et moyennes. J'ai déjà eu l'occasion de dire que les coopératives n'étaient pas des commerçants : elles n'achètent pas les produits des adhérents, mais les transforment et les vendent. S'il fallait toutefois toucher au statut de la coopération, ce serait au Parlement, et à lui seul, de le faire.

Vous l'avez compris, la loi Égalim, fruit d'une excellente méthode, s'est arrêtée en marche. Notre posture n'est pas politicienne. Seul l'avenir de notre agriculture compte. Souvenez-vous que le compteur tourne : chaque jour, un paysan se suicide. Il est urgent d'agir sans tergiverser, sans composer. Pour ma part, je voterai cette proposition de loi, comme une majorité de mes collègues du groupe RDSE ; les autres s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE – Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit également.)

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