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Proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

 

 

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, nous nous réunissons aujourd'hui pour examiner une proposition qui touche à un sujet auquel nous sommes, je crois, tous sensibles : la vie quotidienne des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés.

Attribuée à environ 1 million de personnes en situation de handicap, l'AAH prend en compte l'ensemble des ressources retenues dans le calcul de l'impôt sur le revenu.

Si nous sommes tous d'accord pour considérer l'AAH comme un outil indispensable à l'inclusion des personnes handicapées dans notre société, les avis divergent quant à une éventuelle réforme de son mode de calcul.

Je m'efforcerai de détailler la position du groupe du RDSE sur ce sujet.

Les auteurs de la proposition de loi déplorent une situation de dépendance financière des personnes handicapées à l'égard de leur conjoint, en raison du caractère dégressif de l'AAH, qui prend en compte l'ensemble des revenus du foyer.

Bien sûr, nous considérons que tout doit être mis en œuvre pour garantir le maximum d'autonomie des personnes en situation de handicap et limiter ainsi le niveau de dépendance à l'égard de leurs proches, à tous les âges de la vie. Malgré une reconnaissance croissante et heureuse de l'engagement des proches aidants – nous en discuterons demain –, c'est bien la société tout entière et dans toutes ses dimensions qui doit être aux avant-postes dans ce domaine, pour permettre l'émancipation de chacun.

À cet égard, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées fait figure de modèle et s'est imposée comme le fondement de toutes les réformes entreprises dans ce domaine. Elle pose notamment comme principes fondamentaux l'émancipation et la pleine citoyenneté des personnes en situation de handicap et rappelle qu'une société plus juste et apaisée est une société inclusive.

La proposition de loi que nous examinons intervient dans un contexte particulier de modification des règles de l'AAH par le Gouvernement. En effet, ce dernier a annoncé plusieurs revalorisations exceptionnelles, qui porteront l'AAH à 860 euros en novembre 2018 et 900 euros en novembre 2019, ce qui équivaut à une augmentation significative de 80 euros pour les allocataires.

Toutefois, nous regrettons que d'autres mesures atténuent son véritable impact. Je veux simplement évoquer la baisse du coefficient de prise en compte des revenus du conjoint, qui entraîne de facto une baisse progressive du plafond de ressources pour les couples, ainsi que l'article 65 du projet de loi de finances pour 2019, qui propose de revenir sur l'indexation de l'AAH sur la hausse des prix.

Nos collègues du groupe CRCE proposent de supprimer la prise en compte du revenu du conjoint dans la base de calcul de l'AAH. Nous comprenons bien la spécificité de l'AAH, laquelle permet de faire face à une situation qui, dans la majorité des cas, n'a pas vocation à s'améliorer. Toutefois, pour la plupart des minima sociaux, comme le RSA, les revenus du conjoint sont également pris en compte : c'est bien la situation familiale dans sa globalité qui est examinée. En ce sens, le traitement des situations au coup par coup que nous proposent les auteurs de cette proposition de loi entraînerait une rupture d'équité entre les minima sociaux.

Par ailleurs, selon ces mêmes auteurs, le principe de l'allocation est de garantir l'autonomie de la personne. Or l'objectif premier de l'AAH est non pas de garantir l'autonomie de son bénéficiaire, mais d'« assurer un minimum de ressources », donc de lutter contre la grande pauvreté des personnes en situation de handicap. À ce titre, il paraît cohérent, en l'état des autres prestations, de prendre en compte l'ensemble des ressources du foyer. Quant à la PCH, elle a pour objectif de compenser le handicap.

Tentons de prendre un peu de hauteur sur la question : nous saluons de nouveau l'augmentation significative de l'AAH et, en même temps, nous mesurons l'ampleur du travail qui reste à accomplir. La lutte contre la pauvreté des personnes handicapées et la compensation par l'État des entraves particulières engendrées par leur situation ne sont que les parties émergées de l'iceberg. L'accueil fragile et imparfait qui leur est réservé dans la société demeure un frein à leur pleine inclusion.

Le handicap, aussi individuel soit-il, est accentué par la faible accessibilité des établissements recevant du public, mais aussi par la faible adaptation du marché de l'emploi et de la formation, tout comme par l'offre encore insuffisante d'activités sportives ou culturelles mises à la disposition des citoyens concernés. Dans cette vision globale, l'environnement familial et social, donc la solidarité familiale, joue bien évidemment un rôle majeur.

En conséquence, penser l'amélioration des conditions de vie des personnes en situation de handicap sous le seul angle de la suppression des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'AAH serait passer à côté de l'enjeu majeur des moyens à mettre en œuvre pour atteindre l'objectif d'une société inclusive, comme doit l'être celle d'un pays comme la France.

Conscients de toutes les difficultés qui demeurent dans la vie des personnes handicapées et de la nécessité d'y apporter des solutions diverses et complexes et mesurant les conséquences que l'adoption de cette proposition de loi aurait sur les autres prestations sociales, la majorité des membres du groupe RDSE s'abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

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