Proposition de loi relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à établir des ratios de patients par soignant dans les hôpitaux publics et les établissements privés à but non lucratif. Elle entend ainsi apporter une réponse aux difficultés de l'hôpital en instaurant, d'une part, une base légale claire aux ratios de sécurité déjà existants dans certains services – réanimation, soins continus –, et en créant, d'autre part, des ratios dits « qualitatifs », décrits par notre rapporteure, Laurence Rossignol, comme des fourchettes cibles à atteindre en fonction des contextes locaux.
Mes chers collègues, l'hôpital va mal ! Les soignants le quittent et des lits ferment. On ne compte plus les exemples de patients restés vingt-quatre, quarante-huit heures sur des brancards dans les couloirs des urgences ; on ne compte plus les témoignages de patients qui ont parfois le sentiment d'avoir été maltraités.
Oui, le système actuel est maltraitant, pour les patients comme pour les soignants, alors que l'humain est au cœur de leur vocation. Et il doit revenir au cœur de leur pratique !
Pour cela, c'est certain, il faut plus d'effectifs dans les services. C'est l'un des vœux exprimés par le Président de la République au début de janvier. Personne ne le contredira sur ce point, car la situation pénalise tout le monde.
Tout d'abord, les patients font face à des risques accrus : infections nosocomiales et réadmissions plus fréquentes, voire mortalité plus élevée.
Ensuite, les soignants doivent, eux, gérer de plus en plus de patients en étant de moins en moins nombreux, ce qui aboutit à une perte de sens, des arrêts maladie et des démissions en pagaille.
Les soignants réclament avant tout une amélioration de leurs conditions de travail, et notamment plus de temps consacré au patient. Aussi, l'intention de nos collègues à l'origine de la PPL est louable, et nous souscrivons évidemment aux objectifs visés, à savoir améliorer l'accueil des patients et les conditions de travail des soignants.
Pour autant, de nombreuses questions se posent quant à son efficacité et des doutes apparaissent.
D'abord, il y a la crainte de voir davantage de services fermer faute de parvenir à atteindre ces nouveaux ratios. La rapporteure a évoqué un délai de trois jours pour alerter l'agence régionale de santé en cas d'incapacité à satisfaire les ratios qualitatifs. Trois jours, et ensuite ? L'ARS devra-t-elle aider l'établissement à trouver une solution ou devra-t-elle lui imposer de fermer des lits ? Comment l'ARS pourrait-elle trouver des soignants quand les responsables de l'établissement n'y parviennent pas ? Les hôpitaux ne seront-ils pas tentés de recourir davantage à l'intérim, alors que nous tentons, vainement pour l'heure, de mettre un coup d'arrêt à ces pratiques ?
Malheureusement, les soignants n'apparaîtront pas d'un coup de baguette magique. Aujourd'hui, les établissements veulent recruter, mais il n'y a pas de candidats. C'est pourquoi nous devons former davantage de personnes et, en même temps, améliorer l'attractivité des métiers. C'est un chantier urgent, à mener notamment avec les régions, pour augmenter le nombre de places de formation dans les Ifsi, redonner du sens au métier, réfléchir sur la validation des acquis de l'expérience, développer la voie de l'alternance, qui est encore insuffisamment utilisée, et revoir le financement des formations dans le cadre d'un parcours professionnel.
Ensuite, améliorer la qualité de vie au travail, c'est aussi revoir le financement et l'organisation des hôpitaux. Si le Ségur de la santé n'a pas été le déclencheur espéré, il y a urgence à réformer la tarification à l'activité (T2A) et à sortir des indicateurs comme la réduction de la durée moyenne de séjour, par exemple.
À mon sens, sans une vision à 360 degrés, qui exige de sortir d'une accumulation de différents projets et propositions, même s'ils ont tous un intérêt certain, cette PPL risque d'être incantatoire. J'entends l'importance d'envoyer un signal positif aux soignants, mais je crois encore plus à la nécessité d'être efficace. On ne peut plus vendre du rêve aux patients et aux soignants.
Vous l'aurez compris, si nous partageons l'intention louable de ce texte, une partie de mon groupe reste sceptique sur ses effets réels. Aussi, une bonne partie du RDSE s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
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