Proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021
M. Raphaël Daubet. Deux ans ! Deux ans depuis le décret d'application de la loi du 4 août 2021 et toujours pas de commission d'évaluation… Il était temps de réagir, d'autant que, en matière d'aide au développement, l'enjeu de l'évaluation est fort : on parle de 15 milliards d'euros par an, d'un budget qui a progressé d'un tiers depuis 2017 et d'une situation internationale extrêmement préoccupante dans de nombreuses régions du monde.
Dans le même temps, cette politique publique, à tort ou à raison, tend à devenir un outil supplémentaire au service de notre diplomatie, dans un contexte – il faut bien le reconnaître – de déclin de notre rayonnement et de notre influence.
Analyser l'impact de nos financements ici ou là dans le monde n'est pas un luxe. Face aux « narratifs » de nombreux états hostiles à la France et à l'Occident, le soutien que nous apportons un peu partout mérite d'être connu et reconnu. Une démarche d'évaluation ne peut qu'être utile et porteuse de progrès.
En outre, on l'a vu récemment, les crédits affectés à l'aide publique au développement sont toujours, quelle que soit l'ambition de départ, la cible facile des coupes budgétaires. Le décret d'annulation du mois dernier ôte 742 millions d'euros de crédits à l'APD, premier poste raboté en pourcentage. Or, beaucoup plus que par le passé, cette politique publique engage désormais la stabilité, la sécurité et la paix.
Enfin, entre le déficit budgétaire et la montée des populismes, cette politique publique devra à l'avenir, n'en doutons pas, faire plus que d'autres la démonstration de son utilité et de sa bonne gestion.
Bref, il est temps de mettre en place la commission d'évaluation prévue par la loi.
Pour ma part, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances pour l'aide publique au développement, je comprends que les enjeux afférents à cette politique ne peuvent être considérés sous la seule focale financière. Il faut prendre en considération les priorités de la politique extérieure de la France et, comme d'autres, je pense que la Cour des comptes n'a pas à juger de l'opportunité politique des choix qui sont faits.
Mes collègues du groupe du RDSE et moi-même ne croyons pas non plus qu'il soit bienvenu de placer cette commission sous l'égide du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Rachid Temal. Très bien !
M. Raphaël Daubet. La mise en place de cette commission devait permettre, dans l'esprit du législateur, de conduire des évaluations portant sur l'efficience, l'efficacité et l'impact des stratégies, des projets et des programmes d'aide publique au développement financés ou cofinancés par la France. Le ministre des affaires étrangères serait donc juge et partie ; ce n'est pas judicieux, car il faut garantir l'indépendance de la commission.
Il était pourtant si facile de rattacher cette commission au Parlement, auquel la Constitution – faut-il le rappeler ? – confie le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques. Nous soutiendrons donc l'amendement allant en ce sens de mon collègue rapporteur spécial pour l'APD, Michel Canévet.
Autre regret pour le groupe du RDSE : aucun échange formel n'est prévu entre les collectivités territoriales et la commission d'évaluation. C'est dommage, car la coopération décentralisée a des choses à nous apprendre. C'est aussi le sens d'un amendement de notre collègue Rachid Temal.
En tout état de cause, ce texte s'inscrit dans une nécessité temporelle et il faut avancer. Le RDSE fera le choix du pragmatisme : ses membres voteront pour ce texte afin de permettre, après deux longues années d'attente, l'institution effective de cette commission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et GEST. – M. Rachid Temal applaudit également.)
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