Proposition de loi visant à assurer une plus juste représentation des petites communes au sein des conseils communautaires bis
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Maryse Carrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, la présentation de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, due à l'initiative de M. Jean-Pierre Sueur et des membres du groupe socialiste et républicain, est avant tout un symptôme, celui des dysfonctionnements de l'intercommunalité dans certains de nos départements à la suite des dernières réformes territoriales.
Personne ne se préoccuperait outre mesure de rééquilibrer la composition des conseils communautaires si le fonctionnement de l'intercommunalité était toujours harmonieux et si le véritable esprit de coopération qui doit présider à ce fonctionnement n'avait pas été mis à mal par des regroupements forcés, par un agrandissement inconsidéré du périmètre de nombreux EPCI à fiscalité propre et par la multiplication des transferts de compétences obligatoires à leur profit.
On n'accorderait peut-être pas non plus autant d'importance à ce que les conseillers municipaux qui ne sont pas membres de l'organe délibérant de l'EPCI auquel leur commune appartient soient correctement associés au fonctionnement quotidien de cet établissement si la plupart des leviers de décision n'avaient pas été transférés au niveau intercommunal.
Cette proposition de loi soulève donc des questions auxquelles il est urgent d'apporter des réponses.
Je me félicite que le Président de la République, lors de son déplacement dans l'Eure, la semaine dernière, ait fait part de son esprit d'ouverture en la matière. Oui, il est temps de corriger certains effets pervers des dernières réformes territoriales, afin – je cite le Président de la République – de « remettre de la responsabilité au plus près du terrain ».
Cette proposition de loi a un objet plus limité.
Le premier objectif est d'améliorer la représentativité des conseils communautaires. Comme vous le savez, le nombre et la répartition des sièges au sein de l'organe délibérant des EPCI à fiscalité propre sont déterminés soit, dans les communautés de communes et d'agglomération, par accord local d'une majorité qualifiée de conseils municipaux, soit en application des règles de droit commun fixées par la loi.
L'article 1er ne traite que de la répartition de droit commun. Celle-ci obéit aujourd'hui à quatre principes : les sièges doivent être répartis entre les communes sur une base essentiellement démographique ; toutefois, il est attribué au moins un siège à chaque commune, ce qui est la traduction du fait qu'un EPCI à fiscalité propre est un organisme de coopération entre communes ; aucune commune ne peut détenir à elle seule plus de la moitié des sièges, ce qui est la conséquence du principe de non-tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre ; enfin, aucune commune ne peut se voir attribuer plus de sièges qu'elle ne compte de conseillers municipaux.
Des règles complexes de répartition ont été mises au point par le législateur pour concilier, autant que faire se peut, ces quatre principes. Sans entrer dans le détail, je rappellerai que ces règles aboutissent, au regard du nombre d'habitants, à une forte, voire très forte, surreprésentation des petites communes et qu'elles garantissent en général une représentation correcte des communes les plus peuplées. Mais elles ont tendance à pénaliser les communes de taille moyenne, qui sont parfois sous-représentées à hauteur de plus de 70 %.
Pour corriger ces déséquilibres, les auteurs de la proposition de loi ont imaginé une méthode originale. Ils proposent d'adopter une nouvelle règle mathématique pour traduire le principe de représentation proportionnelle, règle que j'appellerai la méthode de l'arrondi à l'entier supérieur. Je vous invite à consulter le rapport écrit pour une présentation exhaustive.
La méthode de l'arrondi à l'entier supérieur produit, par elle-même, de forts écarts de représentation et ne saurait être considérée comme permettant une traduction fidèle du principe de représentation proportionnelle. Toutefois, en l'espèce, les résultats obtenus doivent être comparés avec ceux de l'application de l'ensemble des règles de répartition prévues par le droit en vigueur, qui produit, comme je l'ai indiqué, de très forts écarts de représentation.
Nous avons procédé à de nombreuses simulations, complétées par celles qui nous ont été fournies par l'Association des maires de France et par le Gouvernement. Il est apparu que l'article 1er, dans sa version initiale, aboutissait effectivement à corriger légèrement la sous-représentation des communes moyennes, mais qu'il tendait à diminuer très fortement le nombre de sièges revenant aux plus grandes communes, qui se seraient ainsi trouvées fortement sous-représentées. Reims, par exemple, aurait perdu 34 sièges au sein de la communauté urbaine à laquelle elle appartient.
La commission des lois a estimé qu'une redistribution aussi massive des sièges serait à la fois inopportune et juridiquement fragile, eu égard à la jurisprudence constitutionnelle en la matière. Elle a donc apporté à l'article 1er un correctif indispensable, en combinant la nouvelle méthode de répartition avec un nouveau mode de détermination de l'effectif théorique du conseil communautaire, c'est-à-dire de l'effectif qui sert de base aux calculs de répartition. Cet effectif théorique ne dépendrait plus seulement de la population de l'EPCI, mais aussi du nombre de communes qui en sont membres.
Avec ce correctif, la mise en œuvre du dispositif de l'article 1er aboutirait à un rééquilibrage tout à fait raisonnable de la représentation des communes au sein des conseils communautaires. Les plus grandes communes conserveraient souvent le même nombre de sièges ou elles n'en perdraient que quelques-uns, les pertes les plus fortes concernant de grandes communes qui, compte tenu de la configuration de l'EPCI, sont déjà très avantagées par le droit en vigueur. Les communes moyennes les plus pénalisées par le droit en vigueur recevraient un siège de plus.
Par ailleurs, la commission a voulu emprunter une autre voie pour rééquilibrer la composition des conseils communautaires, en assouplissant les règles relatives à l'accord local de répartition des sièges.
Comme vous le savez, à la suite de la décision Commune de Salbris du Conseil constitutionnel, le régime de l'accord local a dû être revu – ce fut fait à l'initiative de nos collègues Jean-Pierre Sueur et Alain Richard. Ce régime a le mérite d'exister. Néanmoins, il est devenu tellement strict qu'il aboutit à des situations aberrantes. Alors même que le droit commun produit de très forts écarts de représentation entre les communes, les règles régissant l'accord local sont si contraignantes qu'elles rendent illégal un accord qui, pourtant, diminue dans l'ensemble les écarts de représentation...
Cela tient en partie au volant maximal de 25 % de sièges supplémentaires susceptibles d'être créés par accord local. La commission des lois a donc réintroduit, à l'article 1er bis, une disposition adoptée en octobre 2016 par le Sénat, sur votre initiative, madame la ministre, et celle de notre collègue Mathieu Darnaud. Cette disposition consiste à relever à 45 % la part de sièges supplémentaires pouvant être créés, dans le cas où cela s'avère nécessaire pour conclure un accord local. En tout état de cause, cet assouplissement ne pourrait conduire à répartir plus de dix sièges supplémentaires par rapport au droit en vigueur.
En outre, il nous a semblé opportun et conforme à la jurisprudence constitutionnelle d'autoriser les accords locaux qui réduisent globalement les écarts de représentation, en tenant compte non seulement du nombre de communes, mais aussi de la population concernée par ces écarts, sans produire pour aucune commune prise isolément un écart excessif. Nous en reparlerons au cours de la discussion des articles.
J'en viens à l'article 2, dont l'objet est de mieux associer les « simples » conseillers municipaux, ceux qui ne sont pas membres du conseil communautaire, au fonctionnement de l'intercommunalité. C'est un objectif que nous partageons tous. On observe aujourd'hui un grand nombre de démissions chez ces conseillers municipaux qui, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi NOTRe, ont parfois le sentiment que leur mandat a perdu de son sens.
Nos collègues proposaient donc que, dans les EPCI à fiscalité propre comportant au moins une commune de 3 500 habitants et plus, le conseil communautaire ait l'obligation de délibérer pour définir les modalités de participation des conseillers municipaux aux commissions thématiques.
La commission a estimé qu'une telle disposition aurait laissé les EPCI à fiscalité propre dans l'insécurité juridique et qu'il valait mieux, en tout état de cause, s'en remettre à la décision locale. En revanche, elle a voulu consacrer le droit d'information de tous les conseillers municipaux sur les affaires de l'EPCI et des syndicats dont leur commune est membre.
Le Gouvernement a fait part de son intérêt pour cette proposition de loi ; je l'en remercie. Je sais qu'il subsiste quelques divergences d'appréciation entre nous, mais je ne doute pas qu'elles pourront être aplanies au cours de la navette parlementaire.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Maryse Carrère, rapporteur. La commission des lois vous invite, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi ainsi modifiée. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
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