Proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « toute influence est immorale ; influencer quelqu'un, c'est lui donner son âme ». En 2023, à l'heure de la prolifération des comptes Instagram et TikTok, qui sont devenus de véritables plateformes marketing, cette citation d'Oscar Wilde peut faire sourire. L'influence est devenue un métier, sans état d'âme.
Si cela peut choquer certains d'entre nous, qui ne comprennent pas l'engouement suscité par plusieurs milliers d'influenceurs, l'image et la notoriété se monnayent désormais.
En toute honnêteté, reconnaissons-le : ce phénomène n'est pas nouveau. Depuis des décennies, les acteurs et les sportifs, entre autres, au-delà de leur art ou de leur discipline, mettent leur image au service de la publicité.
Personnes connues ou anonymes devenus célèbres, souvent par le truchement de la téléréalité, les influenceurs leur ont emboîté le pas. Néanmoins – là est toute la différence –, leurs médias ont changé : ils utilisent des vecteurs nouveaux, peu encadrés et méritant de l'être. Nous examinerons d'ailleurs très prochainement une proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.
L'activité de l'influence commerciale méritait de sortir de l'opacité. À cet égard, les chiffres rappelés par notre commission des affaires économiques sont éclairants : on estime à quelque 150 000 le nombre d'influenceurs présents en France et, dans ce domaine, la DGCCRF a procédé à quatre-vingt-sept contrôles depuis 2022...
Ce texte entend répondre à ces enjeux de clarification : il offre un cadre à une activité qui est devenue une profession et dont les rémunérations sont au sommet pour certains.
Depuis qu'il a été monétisé – auparavant, les influenceurs recevaient plutôt des avantages en nature ou des cadeaux –, ce secteur exige, avant tout, une définition de l'activité et un rappel de la loi. En effet, certains ignorent manifestement les règles de base du commerce et de la publicité.
De même, les influenceurs sont bien entendu soumis aux dispositions législatives concernant les mineurs et les jeux d'argent, ou encore à la loi Évin. Ils représentent des secteurs très variés, car aujourd'hui l'influence est partout : des animaux de compagnie à la santé, rien n'échappe aux influenceurs, qui ont tout compris à la société de consommation.
Si nous pouvons nous interroger sur ces évolutions, nos états d'âme n'ont pas leur place dans ce débat. Dans le secteur de l'influence, seuls la protection des publics fragiles, c'est-à-dire essentiellement les jeunes, en particulier les mineurs, et le respect du droit doivent primer et nous guider.
À cet égard, j'ai proposé à mes collègues du RDSE un amendement visant à rétablir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale : notre commission des affaires économiques ne mentionne que les communications à titre onéreux, ce qui exclut les avantages en nature. Or ces derniers, qui peuvent être très fréquents et d'une ampleur considérable, doivent être expressément pris en compte et assimilés à des rémunérations.
Un montant minimal des avantages en nature serait fixé par décret, par exemple à 150 euros, seuil applicable aux parlementaires et aux représentants d'intérêts.
Voilà pourquoi il est nécessaire d'imposer un contrat clair entre les parties.
Aujourd'hui, le commerce d'influence s'inscrit parfaitement dans des stratégies marketing qui, jusqu'à présent, sont souvent passées sous les radars : je défendrai, partant, deux autres amendements tendant à accroître la responsabilité des influenceurs.
Le premier vise à étendre aux personnes physiques ou morales qui sollicitent les services des influenceurs les interdictions et, en bonne logique, les sanctions applicables lorsque ces dernières sont violées.
Pour être efficaces, les sanctions doivent s'appliquer à tous ceux qui bénéficient de cette influence commerciale. Ne jetons pas l'opprobre sur une seule catégorie de personnes : c'est l'ensemble de la chaîne de l'influence qu'il faut assainir, car tous les acteurs sont interconnectés, des influenceurs jusqu'aux annonceurs, en passant par les plateformes.
Dans certains secteurs où la publicité est interdite, comme en matière de santé, par exemple, d'aucuns recourent à l'influence pour enfreindre les règles. Les polémiques qui sont apparues, notamment au sujet d'interventions chirurgicales, nous incitent à réfléchir aux questions de déontologie. Il faut alerter les consommateurs, a fortiori les plus fragiles d'entre eux.
Au-delà de l'aspect commercial, il est également crucial de prévoir des garde-fous. C'est la raison pour laquelle la mise en place d'une formation et d'une charte éthique engageant tout influenceur me semble nécessaire.
Qu'il s'agisse d'aliments in vitro, comme nous l'avons vu en commission, d'intelligence artificielle ou de réseaux sociaux, ces nouveaux sujets sont parfois clivants. Ils nous font peur, mais mieux vaut anticiper et refuser toute politique de l'autruche. Que l'on soit pour ou contre, ces phénomènes existent et existeront.
Nous devons nous adapter et réfléchir aux moyens de clarifier et d'encadrer ces évolutions techniques et scientifiques qui font apparaître de nouveaux métiers. Nous devons surtout protéger le consommateur, afin qu'il ait conscience de ces évolutions et que s'instaure une relation de confiance.
Cette proposition de loi répond en partie à ces exigences, raison pour laquelle, sans vouloir influencer quiconque, le groupe RDSE la votera. (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
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