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Proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un sujet aussi sensible, les débats sont bien souvent empreints d'une part d'idéologie ; quant à nous, membres du groupe RDSE, nous faisons le choix de fonder notre opinion sur la science.

Que nous dit-elle aujourd'hui ?

Loin de la « pandémie » régulièrement invoquée, les transitions médicales ne concerneraient que quelques centaines de mineurs en France. Si l'on a connu, il est vrai, une forte augmentation des consultations entre 2013 et 2020, jusqu'à un niveau qui tend, depuis lors, à se stabiliser, cette tendance s'explique probablement avant tout par le fait qu'il n'existait pas auparavant de consultations spécifiques et par la déstigmatisation qui prévaut aujourd'hui. Il n'y a donc là ni mode ni lubie, pour reprendre les termes de deux médecins spécialistes.

À l'article 1er, le rapporteur a proposé de supprimer l'interdiction des bloqueurs de puberté ; c'est une bonne chose.

Concernant les traitements hormonaux, à l'heure actuelle, l'ensemble des recommandations internationales et des sociétés savantes préconisent leur utilisation « au moment où c'est opportun pour chaque jeune ». À aucun moment ces recommandations n'introduisent de barrière d'âge en deçà de laquelle les équipes médicales ne pourraient pas administrer un traitement hormonal. Il est en effet prouvé que ces traitements permettent de réduire la souffrance et l'anxiété du jeune, parfois d'éviter le recours à la chirurgie – c'est l'un des enjeux de cette proposition de loi –, en limitant l'apparition de caractéristiques sexuelles secondaires telles que la poitrine ou la pilosité.

De nombreuses études montrent par ailleurs le peu d'effets secondaires de ces traitements ; mais, à titre personnel, je ne connais aucun traitement qui ne présente pas d'effets secondaires.

Reste la question des transitions chirurgicales de réassignation, qui ne sont pas pratiquées en France sur les mineurs, à l'exception des torsoplasties, qui demeurent exceptionnelles et sont réalisées dans des cas très particuliers.

La réalité est aussi que « l'éligibilité au traitement médical et/ou chirurgical est individualisée, validée collégialement au cours de réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) et après plusieurs consultations » – je cite des propos reproduits dans une revue médicale parue en 2021. Il se passe en moyenne un an, sans compter les délais inhérents aux prises de rendez-vous, entre la première consultation et la première prescription, quand elle a lieu, car ce n'est pas systématique. Cet intervalle laisse, de fait, un délai de réflexion au jeune et à sa famille.

Voilà ce que nous dit à ce jour la communauté scientifique. Rien de ce que j'ai pu lire ne m'a montré une quelconque légèreté dans la prise en charge par les équipes pluridisciplinaires concernées. Rien ne m'a convaincu que le législateur devrait aujourd'hui s'emparer de ce sujet et opposer aux équipes soignantes des interdictions assorties de peines de prison et d'amendes.

J'en viens à ce qui nous est dit dans le rapport qui a conduit à la présentation de cette proposition de loi. Ce rapport, qui se situe à rebours des positions largement majoritaires de la communauté médicale et scientifique, a été corédigé par une psychologue et une pédopsychiatre toutes deux militantes d'une association qui lutte contre toute transition de genre chez les mineurs, ce qui pousse naturellement à s'interroger quant à la neutralité de ce document. Certaines personnes auditionnées dans le cadre de ce travail dénoncent même des retranscriptions partielles, voire des déformations de leurs propos.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C'est faux !

Mme Véronique Guillotin. Toutefois, ce sujet soulève de nombreuses questions éthiques, que nous ne nions pas ni ne minimisons. Ces questions ont trait au regret et à la nature du consentement de l'enfant ; il nous faut bien sûr les examiner avec le plus grand soin, notamment parce que l'identification transgenre est moins stable chez l'enfant.

Aussi, même si l'administration de bloqueurs de puberté ou de traitements hormonaux peut être partiellement réversible, il existe des effets sur la fertilité qui doivent être pris en compte dans la décision de traiter.

Faut-il pour autant poser une interdiction de minorité, alors que ces traitements, dans la très grande majorité des cas, produisent une baisse des pensées suicidaires, de la dépression et de la phobie scolaire ? Peut-on sanctionner un médecin de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende pour des soins qu'il proposerait à un adolescent de 17 ans et demi présentant un risque suicidaire, auquel, ce faisant, il se pourrait qu'il sauve la vie ?

À ces questions, notre groupe répond par la négative. Nous sommes, vous le savez, mes chers collègues, particulièrement sensibles au problème de la santé mentale des jeunes. Nous avons fait adopter par le Sénat, au mois de janvier dernier, une proposition de résolution invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale.

Pour autant, nous pensons que l'article 3, qui traite de la pédopsychiatrie, n'a pas sa place dans cette proposition de loi : la dysphorie de genre n'est plus classée dans la liste des affections psychiatriques. Le maintien de cet article entraînerait une confusion inutile et une forme de retour en arrière auquel nous ne pouvons nous associer.

En conclusion, nous considérons qu'il est préférable de confier ces jeunes particulièrement vulnérables aux bons soins des professionnels de santé compétents. Nous pensons qu'il est urgent d'attendre les recommandations actualisées de la HAS : 2025 n'est quand même pas un lointain horizon !

L'organisation des soins, c'est-à-dire la tenue de consultations spécialisées et la prise de décision en réunion de concertation pluridisciplinaire, cadre dans lequel doivent avoir lieu les primoprescriptions, nous semble répondre aux impératifs de prudence que tout le monde fait valoir et au nécessaire besoin de collégialité – je suis complètement d'accord sur ces points avec Alain Milon.

Aussi, malgré le travail d'équilibriste de notre rapporteur, qui a apporté de la nuance à la proposition de loi initiale, notre groupe défendra plusieurs amendements visant à modifier le texte en profondeur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

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