Proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l'apprentissage »
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, infatigable défenseur de la mobilité longue des apprentis en Europe, Jean Arthuis aime à rappeler que les apprentis doivent, eux aussi, pouvoir parler une autre langue que leur langue maternelle, aller à la rencontre du monde, découvrir d'autres cultures et développer une capacité d'adaptation, ainsi qu'une plus grande indépendance.
Créé en 1987, le programme Erasmus est certainement l'un des grands symboles de la construction européenne. Depuis trente-six ans, il a permis à des millions de jeunes Européens de partir dans un autre pays d'Europe pour y effectuer des études ou un stage. Dans ce cadre, près de 600 000 étudiants partent à l'étranger chaque année : c'est indéniablement un succès.
En revanche, bien qu'ils puissent théoriquement accéder à ce programme depuis 1995, les apprentis sont bien trop peu nombreux à en bénéficier, et nous savons pourquoi.
Tout d'abord, la mobilité internationale des alternants se heurte à des obstacles juridiques : pour ce qui concerne les contrats d'apprentissage, il existe autant de législations que de pays européens.
Ensuite, les freins sont d'ordre financier : au-delà de quatre semaines, l'apprenti perd son salaire. Dans ces conditions, il peut difficilement assurer son autonomie.
Par ailleurs, ils sont académiques : on déplore un manque de reconnaissance des acquis dans les établissements d'accueil à l'étranger.
Enfin, ils sont psychologiques : les jeunes dont il s'agit sont souvent inquiets de partir dans un pays dont ils ne maîtrisent pas la langue.
Le présent texte vise à lever un certain nombre de ces obstacles pour favoriser les mobilités longues, qui sont sans aucun doute les plus bénéfiques. C'est une très bonne chose.
Grâce à une immersion de plusieurs mois, les apprentis découvrent d'autres cultures, se donnent la possibilité de maîtriser une autre langue, acquièrent une certaine maturité et prennent confiance en eux.
Pour reprendre les mots de Thierry Marx, la mobilité internationale « offre aux jeunes une clé sur le monde ». Au-delà de l'expérience humaine, elle leur permet de développer des compétences transversales, des savoir-faire et des savoir-être utiles dans de nombreux métiers.
Il n'y a pas si longtemps, l'apprentissage était encore considéré en France comme une voie de garage ; et, bien qu'il ait fait ses preuves, il pâtit encore trop souvent d'une mauvaise image, même s'il faut saluer une nette amélioration.
Cette filière a toujours été le chemin de l'excellence de l'art. Elle a toujours été un véritable tremplin vers l'emploi.
Donner à ces jeunes les moyens de partir à l'étranger, c'est leur permettre d'acquérir une valeur ajoutée indéniable.
Comme le rappelle l'inspection générale des affaires sociales dans son rapport de décembre 2022, le cadre juridique de la loi du 5 septembre 2018 a très fortement limité les mobilités supérieures à quatre semaines. En effet, au terme de cette période, l'apprenti cesse d'être rémunéré : il ne peut donc plus compter que sur ses propres ressources. À l'inverse, en Allemagne ou au Danemark, l'apprenti ne subit pas de perte de salaire. Cette situation est d'autant plus regrettable que les apprentis sont majoritairement issus de milieux modestes.
Aussi, je me félicite que cette proposition de loi rende optionnelle la mise en veille de certaines clauses du contrat d'apprentissage jusqu'à présent obligatoire pour les mobilités de plus de quatre semaines. Il fallait corriger ce point.
Par ailleurs, le présent texte assouplit l'obligation de signer une convention individuelle de mobilité dans le cas où une convention de partenariat préexiste entre les organismes de formation français et étranger.
Il permet également aux apprentis de bénéficier d'une couverture minimale gratuite, quel que soit le pays.
De surcroît, je me félicite que l'Assemblée nationale ait permis aux apprentis originaires d'un État membre de l'Union européenne effectuant une mobilité en France de déroger à la limite d'âge de 29 ans.
Madame la ministre, vous l'avez rappelé : la mobilité internationale de nos apprentis ne peut être envisagée au seul prisme du droit national.
Je n'oublie pas que seul un faible nombre d'apprentis luxembourgeois effectuent une mobilité en France, notamment en zone frontalière. C'est là un sujet que vous connaissez parfaitement.
On peut regretter que le mouvement se fasse presque exclusivement de la France vers le Luxembourg.
Nombre d'employeurs français, comme Renault à Batilly, qui assure l'assemblage du master E-Tech, ou encore Le Bras Frères, entreprise d'exception qui réalise la charpente de Notre-Dame, auraient beaucoup à offrir aux apprentis luxembourgeois. Nous aurions tout à y gagner : nous pourrions valoriser nos entreprises et nos savoir-faire tout en garantissant des flux plus équilibrés entre nos deux pays.
Ce texte est une étape importante pour le développement de la mobilité internationale des apprentis. Il faudra poursuivre les efforts, notamment – je le souligne à mon tour – en améliorant le financement et en poursuivant la professionnalisation des référents mobilité, personnages clés pour atteindre l'objectif de mobilité.
Dans cet esprit, les élus du RDSE apporteront un soutien sans réserve à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions.)
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