Proposition de loi visant à garantir l'efficacité des aides personnelles au logement
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette crise sanitaire, avec ses répercussions sociales à moyen et long termes, est inédite. Comme l'a indiqué à juste titre le ministre de l'économie, 'est une affaire non pas de semaines ou de mois, mais d'années. Après avoir favorisé le chômage partiel, la dépense publique ne parviendra pas, malheureusement, à sauver toutes les entreprises qui annonceront leur faillite et les emplois correspondants.
À défaut de revenu universel, les aides sociales constituent un soutien précieux permettant à nos concitoyens d'amortir le choc provoqué par une diminution ou une perte totale de revenus qui risque de compromettre, en particulier lorsqu'ils sont locataires, leur capacité à se loger. Des moyens supplémentaires doivent être pensés pour permettre le maintien dans leur logement actuel, avant que ne s'enclenche l'engrenage de la précarité. Nombreuses sont les associations qui nous alertent sur ce point.
Certes, la vague des impayés n'est pas encore arrivée. Pour autant, elle ne saurait être prématurément écartée. Il est donc fortement souhaitable de l'anticiper et d'éviter les expulsions en cascade.
Vous affirmez, monsieur le ministre, que personne ne peut accepter, en cette période de crise sanitaire, que certains soient expulsés de leur logement. J'ai envie d'ajouter qu'au XXIe siècle personne ne devrait être expulsé de son logement, quel que soit le contexte, lorsque la bonne foi n'est pas en cause, et que tout le monde devrait pouvoir prétendre à un toit.
Permettez-moi, à cet égard, d'ouvrir une parenthèse : je suis choqué de constater que des sans-abri vivent depuis plusieurs années dans une totale précarité tout près du Sénat, devant nos yeux, sous le porche du théâtre de l'Odéon !
Si le prolongement de la trêve hivernale jusqu'au 10 juillet constituait une impérieuse nécessité, je regrette l'absence d'initiative de l'État sur le long terme au profit des locataires, en ces temps incertains marqués par une réelle peur de la perte de logement.
Contrairement à ses voisins européens, la France n'a ni institué de gel sur les prix ou de fonds d'urgence, ni décidé d'un abondement du FSL. Par ailleurs, l'encadrement des loyers n'est pas scrupuleusement respecté, a fortiori à Paris. L'association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV) constate des abus. Les aides personnelles au logement sont des aides sociales ; elles ne doivent pas servir financer les surtarifications de loyers.
Aussi, même si elle ne peut tout résoudre au regard des limites de l'initiative parlementaire, la présente proposition de loi prévoit des aménagements en matière de modalités de versement et de détermination du montant des APL que l'on ne peut que soutenir.
Les deux principales mesures proposées auront un effet positif perceptible pour les ménages.
Tout d'abord, la suppression du mois de carence paraît plus que pertinente, car elle contribuera au paiement du premier loyer des personnes nouvellement éligibles aux APL. Ce n'est pas sans intérêt, au vu de la forte probabilité d'une augmentation des demandeurs dans les mois à venir.
De même, la réindexation des APL sur l'indice de référence des loyers (IRL), soit une revalorisation d'environ 1,5 % au lieu de 0,3 %, est socialement juste et cohérente du fait de l'évolution du poids de la dépense de logement sur les budgets des ménages.
En revanche, nous sommes partagés sur la suppression du seuil minimum de non-versement des APL, qui trouve sa justification dans la couverture des coûts de gestion. Des montants aussi faibles d'APL, en deçà de 10 euros, sont incompréhensibles, y compris pour les bénéficiaires. Peut-être faudrait-il revoir les modalités de leur calcul ? Leur complexité, que vous avez soulignée, monsieur le ministre, n'a pas échappé aux critiques de la Cour des comptes.
La proposition de loi vise ainsi à renforcer l'efficacité des APL. Elle évoque un débat ancien qui subodorait l'existence d'un potentiel effet inflationniste : le risque de la prise en compte par le bailleur du montant de l'allocation dans la fixation du loyer, notamment en période de pénurie de logements. Or cette pénurie est structurelle dans les zones tendues, et le choc de l'offre n'a pas encore eu lieu.
Si un effet inflationniste est démontré, la réalisation d'économies sur les APL de manière uniforme pénalise cruellement les ménages victimes des défaillances d'un marché aux équilibres fragiles. L'optimisation de l'intervention publique dans le domaine du logement est souhaitable, mais elle ne doit pas manquer son objectif premier, qui est avant tout social.
Parmi ces ménages, nous ne retrouvons pas uniquement ceux qui subissent des accidents de la vie. Dans les zones tendues, les travailleurs percevant un salaire moyen, qui sont souvent ceux qui se sont révélés indispensables au fonctionnement du pays et que tout le monde a remerciés, peinent à payer leur loyer.
Je ne reviendrai ni sur le contexte budgétaire ni sur les économies réalisées dans le cadre de la politique du logement au cours de ces dernières années. Les auteurs de la proposition de loi et d'autres intervenants ont pu le rappeler, la donne a changé. Une crise conjoncturelle s'ajoutant à une crise structurelle, il est impératif de se réinventer pour l'avenir.
Le télétravail, qui s'est imposé après une longue hésitation des entreprises, apportera peut-être du lest et permettra de rééquilibrer notre territoire, certains Français ayant pu goûter à des conditions de vie plus sereines en dehors des milieux urbains.
Nous espérons que ces changements profonds auront un effet positif sur l'accès au logement. Mais cela ne nous exonère pas de la responsabilité de donner un coup de pouce immédiat aux locataires.
Le groupe RDSE votera donc en faveur de la présente proposition de loi.
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