Proposition de loi visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d'une crise sanitaire majeure
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise du covid-19 a révélé les carences de la couverture assurantielle des entreprises pour les pertes d'exploitation ne résultant pas d'un dommage strictement matériel.
La controverse n'a cessé de monter depuis plusieurs mois pour déterminer si ce risque était couvert ou non par les contrats d'assurance multirisque professionnelle souscrits par les entreprises, ce qui a conduit à de nombreuses procédures contentieuses. Plus largement se pose la question de savoir si les pertes économiques pour raison sanitaire majeure étaient assurées ou même assurables.
Dans le contexte exceptionnel que nous connaissons depuis le premier confinement, un appel à la solidarité du secteur assurantiel par rapport aux entreprises les plus touchées par la crise a été lancé : à défaut d'indemniser directement les assurés, les assureurs ont, par exemple, contribué au Fonds de solidarité pour les TPE et les indépendants à hauteur de 400 millions d'euros.
Cette contribution avait été décidée pour des raisons morales, mais aussi eu égard à la baisse de la sinistralité au moment du confinement, qui a entraîné des économies imprévues pour les compagnies d'assurance. Je pense, en particulier, à la baisse des accidents de la circulation.
Toutefois, cette contribution, à laquelle il faut ajouter des aides dites « extracontractuelles » des assureurs – couverture de certaines pertes d'exploitation, investissement en quasi-fonds propres, report d'échéances et autres remises –, dont le montant demande encore à être précisément établi, n'a pas éteint les critiques adressées au secteur, car les pertes des entreprises sont bien supérieures aux aides consenties et se chiffrent à plusieurs dizaines de milliards d'euros.
Pour leur défense, lors de leur audition le 28 avril dernier devant la commission des finances, les représentants de la Fédération française de l'assurance ont rappelé que certains sinistres courants n'avaient pas diminué avec le confinement, notamment les sinistres domestiques. Ils ont également fait valoir que la sinistralité routière repartirait à la hausse après le déconfinement. Il serait intéressant de savoir ce qu'il en est aujourd'hui de ce dernier point, notamment au regard des effets du second confinement.
Les pertes du secteur assurantiel lui-même, du fait de la crise économique, seraient également importantes. Rappelons qu'il s'agit d'un secteur diversifié, comprenant aussi des structures mutualistes.
Le 2 juin dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi présentée par le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, et largement cosignée, tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure.
Elle vise à créer, d'une part, une garantie obligatoire contre les pertes d'exploitation consécutives à une menace ou à crise sanitaire grave et, d'autre part, un fonds d'aide à l'indemnisation de 500 millions d'euros par an, géré par la puissance publique. Le groupe RDSE avait soutenu cette initiative.
La présente proposition de loi de notre collègue Olivier Jacquin instaurerait, elle, une contribution exceptionnelle et « spontanée » sur les assurances pour financer la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales en cas d'état d'urgence sanitaire. Cette contribution serait due sur la hausse du résultat d'exploitation constatée par les compagnies d'assurance par rapport à la moyenne des trois derniers exercices. Le non-paiement de la contribution entraînerait comme sanction la suspension pour au moins un an de leur agrément administratif par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Il faut lire cette proposition de loi à l'aune de l'accord conclu ce lundi entre le ministre de l'économie et les représentants du secteur de l'assurance, mais aussi de l'exclusion annoncée du risque pandémique des polices d'assurance à partir de 2021.
Si le secteur assurantiel n'est peut-être pas en mesure de couvrir l'essentiel des pertes subies par les secteurs directement touchés par les mesures administratives comme l'hôtellerie-restauration, le tourisme, la culture et l'événementiel, nous nous devons aussi d'apporter des solutions à ces derniers.
C'est le sens des amendements adoptés par le Sénat dernièrement, en loi de finances rectificative et dans le projet de loi de finances pour 2021, au sein duquel a d'ores et déjà été instaurée une contribution exceptionnelle de solidarité sur les primes versées au titre de l'assurance dommages.
Le message exprimé par les représentants de la restauration, de l'hôtellerie et des bars lors de leur audition hier par la commission des affaires économiques a été clair. Les différends avec les assureurs peuvent aussi porter sur des risques assurantiels considérés comme normaux…
Dans ce contexte, et à court terme, la présente proposition de loi n'apparaît pas déraisonnable. Elle aurait mérité sans doute davantage de précisions quant à la durée et à l'étendue géographique des restrictions donnant lieu à contribution. Les membres du groupe RDSE détermineront leur vote à l'issue des débats.
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