Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour dénoncer et agir contre les violences faites aux femmes en situation de handicap
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis heureuse de défendre aujourd'hui cette proposition de résolution visant à dénoncer et agir contre les violences faites aux femmes en situation de handicap.
Comme l'ont déjà dit les orateurs précédents, ce texte fait suite à un rapport de la délégation aux droits des femmes. Il nous a semblé important d'étudier en détail la situation de ces victimes parmi les plus vulnérables. Les personnes auditionnées nous ont rappelé l'importance de considérer les individus en situation de handicap non comme des « objets de soin », mais comme des « sujets de droit ».
Pour ma part, je centrerai mon intervention sur la question de l'accès aux droits pour ces femmes, véritable clé de la réussite dans la lutte contre les violences. Il faut, par exemple, permettre l'accessibilité aux structures d'accueil ou encore la prise en charge par les forces de police et de justice.
D'énormes progrès restent à faire en la matière. Si les démarches pour se rendre au commissariat et porter plainte sont éprouvantes pour les femmes victimes de violences, elles peuvent être insurmontables pour les femmes en situation de handicap. Le manque de formation des professionnels et l'inadaptation de certaines procédures aux formes de handicap sont des facteurs de blocage encore plus forts de la libération de la parole des femmes handicapées.
Cette spécificité nécessite une formation particulière, qui fait défaut aux forces de sécurité et aux personnels de la justice. La formation encore insuffisante à la question des violences faites aux femmes comporte encore davantage de lacunes lorsque ces violences concernent les personnes handicapées ! D'après les témoignages, l'accueil par la police des victimes en situation de handicap est largement perfectible : manque d'empathie parfois, attitude condescendante, inadaptation des questions... Comme l'ont dit mes collègues, cela ne s'apprend pas en ligne !
Alors que la crédibilité des victimes est centrale dans la procédure judiciaire, les personnes handicapées sont souvent infantilisées et présumées incapables. Les personnels n'intègrent pas le fait que les victimes puissent être particulièrement traumatisées par les violences subies.
Ces constats faits pour la police valent aussi pour la justice. Comme nous l'a indiqué la directrice de l'association Droit pluriel, les professionnels du droit ne comprennent pas, par exemple, la spécificité des personnes malentendantes. Le nombre de permanences juridiques en langue des signes reste à ce jour très limité, le public concerné est exclu de fait des lieux d'aide aux victimes.
En conséquence, nous plaidons pour le développement d'outils et de procédures permettant aux personnes handicapées d'entamer des démarches judiciaires dans des conditions adaptées. Cet effort doit notamment porter en direction des personnes autistes et des personnes malentendantes.
L'accès aux droits des personnes en situation de handicap passe d'abord par l'accessibilité matérielle des dispositifs destinés aux victimes, comme les centres d'hébergement ou lieux de dépôt de plainte. Mais une meilleure accessibilité suppose aussi la formation et la sensibilisation des acteurs de la chaîne judiciaire aux problématiques du handicap ; construire des rampes d'accès ou des ascenseurs adaptés ne suffit pas.
Un autre volet essentiel des droits des personnes en situation de handicap est celui de leur accès à la santé et de leur autonomie en matière de soins, conditions nécessaires à leur dignité. Le Parlement européen, dans des résolutions de mars 2007 et novembre 2018, a souligné les difficultés liées à l'inadaptation des infrastructures médicales et regretté le manque de suivi gynécologique des femmes handicapées.
Une étude de l'agence régionale de santé d'Île-de-France, publiée en 2018, relative aux besoins et à la prise en charge gynécologique et obstétricale montre un déficit plus important dans le suivi gynécologique des femmes en situation de handicap. Par exemple, 85 % d'entre elles n'ont jamais passé de mammographie.
On ne peut se satisfaire de cette situation ! L'accès aux soins et aux dépistages des cancers féminins est un droit qui ne peut être enlevé aux femmes en situation de handicap. L'une des recommandations de notre rapport porte donc sur le suivi gynécologique des femmes et adolescentes en situation de handicap : il est indispensable qu'il soit régulier, a fortiori dans le cadre d'un traitement contraceptif, qu'elles résident ou non dans des institutions. Nous demandons également que les équipements de dépistage du cancer du sein soient adaptés aux patientes handicapées.
L'information des adolescentes et des femmes handicapées sur la contraception et leur éducation à la sexualité doit s'inscrire dans la prévention des violences, y compris sexuelles, auxquelles elles sont particulièrement exposées et s'étendre à la prévention des maladies sexuellement transmissibles.
Pour conclure, je voudrais citer ces paroles fortes de Brigitte Bricout, alors présidente de Femmes pour le dire, femmes pour agir, association de référence pour la prise en charge des femmes en situation de handicap victimes de violences : « Ce n'est pas notre handicap qui nous définit, c'est d'être femme. Les femmes qui constituent la moitié de la société civile sont des citoyennes, comme les femmes en situation de handicap. Cette position de citoyenne est constitutive de notre engagement. Nous ne sommes pas à côté de la société civile, mais à l'intérieur. »
Il est de notre devoir de garantir la citoyenneté à laquelle les femmes en situation de handicap aspirent légitimement.
Mes chers collègues, je vous invite, tout comme le feront les membres du groupe du RDSE, à voter cette proposition de résolution. (Applaudissements.)
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