Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis sans détour, le débat d’aujourd’hui n’aurait jamais dû exister. Nous aurions dû depuis longtemps, dans cet hémicycle, dire oui ou non au CETA, comme cela est prévu depuis 2016 : le CETA étant « mixte », il requiert l’unanimité et doit par conséquent être ratifié par le Parlement de chacun des États membres de l’Union européenne. Or il n’y a eu qu’un seul vote, à l’Assemblée nationale, en juillet 2019 : on y a recensé 266 voix pour, 213 voix contre et 74 abstentions.
Pendant ce temps, depuis septembre 2017, un CETA provisoire a été mis en place, le Canada ayant posé l’exigence que l’on n’attende pas la validation par les parlements nationaux. Or le provisoire n’est pas censé durer des années ! De qui se moque-t-on ? La situation revient à nier le Sénat, à nier le bicamérisme, à nier notre démocratie, alors que M. le Premier ministre nous a assurés, dans la déclaration qu’il a prononcée à cette tribune hier, qu’il faisait le contraire.
Pourquoi la Haute Assemblée est-elle ainsi privée de vote ? Qu’est-ce qui bloque ?
À cet égard, je remercie très sincèrement notre collègue Fabien Gay de placer cette situation grotesque sous les projecteurs. Sa proposition de résolution « invite » – le mot est faible, puisque cela est obligatoire – le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA.
Nous devons exiger le vote du Sénat. En effet, les conclusions nuancées de la commission Schubert, mise en place en 2017 pour évaluer les enjeux environnementaux et sanitaires du CETA, avaient conduit le Gouvernement à élaborer, la même année, un plan d’action pour sa mise en œuvre. Celui-ci contenait des engagements ambitieux sur le rôle du Parlement. C’est sans doute oublié !
Les enjeux ne sont pas anodins. Le CETA, document de plus de 2 000 pages, comprend des mesures d’accès réciproque des parties à leurs marchés. Au-delà de la baisse ou de la levée des droits de douane, il est question de la réduction des obstacles non tarifaires, de l’assouplissement de l’accès aux marchés publics ou encore d’harmonisation des règles en matière de propriété intellectuelle.
Depuis 2017, les accords de libre-échange dits « de nouvelle génération » ne se limitent pas à des dispositions de nature commerciale relevant exclusivement de la compétence de l’Union européenne. Ces accords intègrent également de nombreuses clauses portant notamment sur l’investissement, la coopération réglementaire ou le développement durable, certaines de ces clauses relevant de la compétence des États membres.
Autre problème soulevé par cette absence de ratification : l’accord de partenariat stratégique (APS) n’est lui non plus toujours pas promulgué par le Canada, bien qu’il ait été approuvé en 2017 par le Parlement européen, en même temps que le CETA. Le gouvernement canadien attend la fin du processus de ratification des États membres de l’Union européenne. On parle peu de cet accord, qui n’a pas cristallisé l’opposition en 2016. Pourtant, il est majeur, car il rassemble le volet politique. Il aborde les valeurs partagées, par exemple les questions de développement durable, la bonne gouvernance fiscale et le rôle de l’OMC.
La proposition de résolution de notre collègue Fabien Gay que nous examinons aujourd’hui est primordiale : elle vise à demander l’inscription à l’ordre du jour du Sénat du projet de loi de ratification du CETA. Nous le savons, une partie de notre assemblée va s’y opposer. Même mes collègues socialistes, qui, lors d’un débat dans cet hémicycle, avaient soutenu cet accord, signé par l’ancien Président de la République François Hollande, ont changé d’avis. Tant mieux ! Il en va de même, d’ailleurs, de la majorité des députés européens Les Républicains et UDI, qui ont voté en faveur de cet accord au Parlement européen.
La proposition de résolution souligne également que l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne affecte de manière notable la politique agricole. En outre, la question environnementale n’est pas suffisamment prise en compte. La Convention citoyenne pour le climat a d’ailleurs demandé au Gouvernement de dénoncer l’application provisoire du texte de libre-échange tant que l’accord de Paris n’y serait pas intégré, alors qu’il figure au sein de l’APS.
Cet accord comporte des incohérences dont il nous faut débattre. Nous devons nous exprimer à ce sujet, poser les questions qui fâchent, comme son impact réel sur notre agriculture. Si les chiffres fournis témoignent d’une hausse des exportations européennes globales vers le Canada et les États-Unis de 15 % en 2018, nous devons objectiver ces données en 2021, plus particulièrement pour l’agriculture, qui paie souvent le prix cher de ces accords internationaux. N’oublions pas, chers collègues, que se dessine le Mercosur, sur le même modèle que le CETA.
La gouvernance de l’Union européenne montre bien ses limites politiques : la Commission décide, les accords sont appliqués et les Parlements des États membres ratifient plus tard… ou pas.
Nos agriculteurs sont toujours sacrifiés sur l’autel d’accords internationaux qui bénéficient, certes, à d’autres secteurs français.
Il est de notre devoir moral d’imposer ce débat au Sénat. Même si le résultat ne correspond pas à la ligne directrice de la Commission européenne, le groupe du RDSE votera pour cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE, GEST et UC.)
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