Question d'actualité sur la labellisation bio bis
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Joël Labbé. Ma question s'adresse à M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture.
Le marché bio s'est développé à un rythme important au cours des dernières années, et cela va continuer. De plus en plus d'agriculteurs adoptent ce mode de production, qui répond aux attentes de nos concitoyens et qui contribue à la préservation de la santé humaine, de l'environnement, de la biodiversité, mais aussi de l'emploi.
Dans un entretien accordé récemment à l'Agence France Presse, l'AFP, vous avez salué cette évolution, monsieur le ministre, tout en appelant parallèlement à ne pas « industrialiser la filière bio ». Tout comme les acteurs historiques de cette filière, je me réjouis de cette prise de position, qui ne me surprend pas, mais j'attends de savoir si ces déclarations seront suivies d'actes politiques forts et immédiats.
Le 3 avril prochain, votre gouvernement sera appelé à se prononcer, au sein du Comité national de l'agriculture biologique, sur la question de la production en bio de fruits et légumes sous serres chauffées. L'enjeu de cet arbitrage est d'interdire le label bio aux légumes produits à contre-saison, tels que les tomates en hiver.
Les autres États européens encadrent encore peu ces pratiques ; c'est donc à la France d'envoyer un signal fort, en montrant l'exemple et en défendant cet encadrement auprès de l'Union européenne.
Cet arbitrage, déjà reporté une fois, ne saurait l'être à nouveau. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'Ademe, la culture sous serres chauffées émet près de dix fois plus de dioxyde de carbone qu'une production respectant les cycles naturels.
Ma question sera donc simple et directe, monsieur le ministre : comptez-vous soutenir l'interdiction du chauffage des serres pour la production à contre-saison de légumes labellisés bio ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur Labbé, vous m'avez annoncé une question simple. Or non seulement elle n'est pas simple du tout, mais elle est même très compliquée !
Ce sujet concerne trente-huit entreprises, produisant 9 500 tonnes de produits. Le comité de réglementation de l'agriculture biologique y travaille depuis des années, et le Comité national de l'agriculture biologique s'est réuni en octobre dernier, sans pouvoir trancher. Il doit donc se réunir de nouveau le 3 avril prochain, mais, comme il ne pourra pas davantage trancher cette question, le traitement de celle-ci sera reporté au mois de juillet. Voilà le problème !
L'alternative est simple : vous dites qu'il faut interdire cette pratique, mais la France doit-elle surtransposer les directives ? (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Certainement pas !
M. Didier Guillaume, ministre. Aujourd'hui, l'agriculture biologique répond à une demande forte de nos concitoyens ; il faut la soutenir. L'agriculture biologique en serre existe aussi ; nous devons également la soutenir. Faut-il chauffer les serres avec de l'énergie fossile, par exemple au fioul ? La réponse est non ! Devons-nous autoriser le fait de chauffer des serres au moyen de panneaux photovoltaïques ou de toute autre énergie renouvelable ?
M. Jean Bizet. La réponse est oui !
M. Didier Guillaume, ministre. C'est cette discussion qui est sur la table ; le monde agricole et l'ensemble de la profession ne se sont pas encore mis d'accord. C'est pour laquelle nous devons encore en discuter, afin de trouver une position de compromis.
Nous devons faire attention à deux risques en la matière : à la surtransposition et au fait de nous mettre en difficulté économique par rapport à d'autres pays. La France est un pays leader dans l'agriculture biologique, nous devons continuer à l'assumer.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Didier Guillaume, ministre. Évidemment, cultiver des légumes et des fruits hors saison ne correspond pas à ce que nous devons faire dans le cadre de l'agroécologie – c'est pourquoi j'ai indiqué que je n'étais pas favorable à l'agriculture industrielle biologique, et c'est la position du Gouvernement –, mais, pour répondre tranquillement et sagement à votre question, le président du Comité national de l'agriculture biologique proposera de se donner encore trois mois de réflexion afin de rapprocher les points de vue. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, il est désolant de devoir encore reporter l'examen de cette question. On le sait, cette pratique est le fait d'industriels qui veulent s'approprier le marché du bio (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), alors que, pour nos concitoyens, notre agriculture bio doit être exigeante.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Joël Labbé. Nous voulons une bio de saison, locale et qui reste en lien avec le sol ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Sophie Primas proteste.)
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