Question d'actualité sur la réforme des retraites
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Notre système de retraites par répartition est un grand acquis social, mis en place après la Libération de par la volonté des concepteurs de notre système de protection sociale. Il constitue un pan essentiel de notre pacte social fondé sur la solidarité entre tous, sans distinction de catégorie professionnelle ou de génération. C'est à juste titre que nos compatriotes y sont très attachés.
Pourtant, on ne peut ignorer les changements profonds qui touchent notre pays : le vieillissement de la population, la diminution du ratio entre actifs et retraités, ou encore des déficits budgétaires difficilement soutenables.
M. Pierre-Yves Collombat. Et le chômage !
M. Jean-Claude Requier. Ne rien faire serait irresponsable, alors que les incertitudes minent notre cohésion nationale. Nos concitoyens le savent bien, eux qui attendent aujourd'hui de l'équité, de la clarté et de la confiance afin de se projeter dans l'avenir avec plus d'optimisme.
Mon groupe est particulièrement attentif à ce que cette réforme ne soit pas uniquement paramétrique et à ce qu'elle ne se fasse pas à court terme ; c'est ce que nous avons appelé de nos vœux lors de l'examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cette réforme doit intégrer non seulement les projections démographiques de long terme, mais aussi les transformations des modes de vie qui découlent de l'allongement de l'espérance de vie.
Non, les seules considérations budgétaires ne constituent pas un dogme indépassable ! Nos compatriotes aspirent à vivre pleinement une retraite en bonne santé après une vie d'efforts.
Vous avez annoncé ce matin, monsieur le Premier ministre, un train de mesures fondé sur les principes d'un système se voulant universel et tenant davantage compte des pénibilités et des disparités de carrières ; ces mesures seraient plus favorables aux femmes et leur entrée en vigueur se ferait progressivement. Nous nous réjouissons, en particulier, que le Parlement soit associé à la définition de la valeur du point.
Il appartient désormais aux partenaires sociaux de débattre de ce projet dans le cadre d'un dialogue social apaisé. Pour l'heure, les Français sont très attentifs, à juste titre. Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous garantir qu'aucune catégorie professionnelle ne sera perdante ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Requier, vous avez raison : c'est une réforme d'ampleur que nous voulons mettre en œuvre. Peut-être serait-il d'ailleurs plus juste de parler de refondation du système des retraites.
En effet, nous souhaitons en réalité substituer aux 42 régimes existants un seul régime qui permettrait que chaque euro cotisé par n'importe quel Français, quels que soient son métier, son statut ou son âge, puisse produire le même effet et ouvrir les mêmes droits.
Au lieu d'organiser la solidarité nationale par statut ou par profession, nous voulons l'organiser sur l'ensemble de la Nation. Cela ne me semble pas une mauvaise idée quand il s'agit justement de la solidarité nationale.
En outre, vous comprenez bien, monsieur le président Requier, que c'est une sorte de retour aux sources du projet initial de création d'un système de retraites. On se souvient – je ne m'en souviens pas personnellement, mais du moins l'ai-je lu – que les ordonnances Parodi de 1945 avaient in fine pour objectif la création d'un système universel. Nous estimons utile et même indispensable de créer aujourd'hui ce système universel.
C'est donc bien une refondation d'ensemble que nous proposons. Nous avons indiqué, dès le début de ce processus, que notre objectif n'était pas de faire, çà et là, telle ou telle petite économie, mais de dire la vérité aux Français.
Compte tenu des transformations du monde professionnel, du caractère haché des carrières, des changements d'activité professionnelle de nos concitoyens, du nombre de polypensionnés, de la complexité actuelle des systèmes, ou encore de la perte de droits que chacun subit quand il change trop souvent de système de retraite, il nous est apparu plus adapté aux temps qui viennent de créer ce système par points et par répartition, un système véritablement universel.
Nous avons très tôt dit que la France n'était pas soumise à des conditions démographiques radicalement différentes de celles que connaissent l'Allemagne, la Belgique, ou le Royaume-Uni. Ce sont les conditions auxquelles sont soumises toutes les grandes démocraties européennes, lesquelles ont, sans exception, tiré les conséquences des évolutions démographiques et conclu que la seule façon de préserver le pouvoir d'achat des actifs comme des pensionnés est de faire en sorte, progressivement, que chacun travaille un peu plus longtemps.
Il faut évidemment le faire de la façon la moins brutale possible, en respectant les choix de vie de nos concitoyens et les orientations qu'ils ont adoptées, dans leur vie professionnelle comme dans leur vie familiale, en fonction des prévisions qu'ils pouvaient faire.
Il fallait le dire clairement : c'est ce que nous avons fait, c'est ce que j'ai fait, tout à l'heure, devant le Conseil économique, social et environnemental, quand j'ai présenté un projet de réforme dont j'ai bien conscience qu'il est complexe : je ne saurais vous le présenter ici en deux minutes. Je m'excuse à ce propos d'avoir déjà largement dépassé mon temps de parole, en dépit des très justes exhortations de M. le président.
M. le président. Vous nous coûtez cher, monsieur le Premier ministre, mais on vous offre la TVA ! (Rires.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Que je ne veux pas augmenter ! (Mêmes mouvements.)
Le projet que nous avons mis sur la table va donner lieu à des discussions avec les organisations syndicales. J'ai bien noté que certaines d'entre elles étaient totalement opposées au principe d'un système universel, mais aussi que d'autres, sans y être opposées, ne voulaient peut-être pas assumer le fait que l'équilibre global du système dans les années qui viennent reposerait sur la nécessité, pour chacun, de travailler progressivement un peu plus.
Nous allons discuter : ma porte est ouverte, ma main est tendue ! Vous aurez remarqué que le projet que nous avons présenté à la suite des travaux de M. le haut-commissaire aux retraites contient beaucoup d'avancées, ce qui montre bien que notre objectif est de travailler avec les partenaires sociaux, bien entendu, mais aussi, le moment venu, avec l'Assemblée nationale et le Sénat.
M. René-Paul Savary. Ah !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. En effet, ce débat aura évidemment lieu au Parlement. J'ai même indiqué que je souhaitais que cette discussion ait lieu rapidement, car j'estime que ce sujet passionne et, parfois, inquiète les Français : il faut donc que le Parlement en traite. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – MM. Jean-Marc Gabouty et Olivier Cadic applaudissent également.)
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