Question d'actualité sur la résilience alimentaire et la sécurité nationale bis
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Françoise Laborde. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Les scandales sanitaires récurrents placent la question du bien manger au cœur des enjeux de santé publique. Un pan du sujet n'est jamais évoqué : l'articulation entre ordre public et continuité alimentaire.
Par le passé, notre modèle agricole reposait sur le foncier nourricier et sur un aménagement du territoire local multifonctionnel. La sécurité alimentaire était une préoccupation des élus.
Aujourd'hui, production et consommation ne sont plus territorialisées, et même les zones rurales sont alimentairement vulnérables, perfusées par le ballet des camions de la grande distribution.
À l'heure des cyberattaques, du dérèglement climatique et du terrorisme, production et approvisionnement alimentaires ne sont pas analysés comme des risques stratégiques. Des signaux nous alertent pourtant. La moindre annonce de blocage routier vide les magasins, avant même toute pénurie, allant jusqu'à provoquer des émeutes, comme il y a peu en outre-mer.
En cas de force majeure, le déficit en capacité de subvenir localement à l'un de nos besoins primaires, celui de se nourrir, est flagrant. Les populations ne sont pas préparées.
Assurer un niveau minimum de sécurité d'approvisionnement alimentaire est un devoir pour les autorités, qui devraient pouvoir garantir une chaîne résiliente allant du foncier agricole nourricier jusqu'au consommateur. Cela doit nous interroger sur la souveraineté et la sécurité nationales, articulées autour des biens communs, alors que les pouvoirs publics perdent peu à peu la main sur des infrastructures d'intérêt vital comme les aéroports, le foncier agricole ou la gestion de l'eau. Il est urgent de s'en préoccuper.
Monsieur le ministre, cette question fait-elle l'objet d'une réflexion de votre ministère ou du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice Laborde, vous m'interrogez sur la stratégie qui serait déployée pour garantir la sécurité alimentaire en cas de trouble grave à l'ordre public. C'est une question dont la probabilité est faible, mais dont le risque est majeur.
Permettez-moi d'évoquer ce que nous faisons en matière de gestion de troubles graves liés à des catastrophes naturelles. C'est évidemment ce modèle que nous pouvons mettre en œuvre en cas de trouble grave à l'ordre public.
Lors des catastrophes naturelles, vous le savez, la chaîne d'approvisionnement est prise en compte immédiatement dans le cadre des plans ORSEC. Les préfets agissent dans ce cadre sous le pilotage du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, pour garantir le bon approvisionnement. Un plan d'action spécifique est mis en œuvre immédiatement pour l'accès à l'eau potable, l'alimentation, l'énergie électrique, les communications électroniques, le gaz et les hydrocarbures. Des contacts réguliers ont lieu entre les différents opérateurs à ce propos.
C'est ce plan d'urgence que nous avons mis en place aux Antilles lors du passage de l'ouragan Irma : 4 millions de litres d'eau et 375 tonnes de denrées avaient été distribués en urgence pour subvenir aux besoins de la population en détresse. Un travail immédiat avait été engagé avec l'armée pour garantir l'accès à l'alimentation et à l'eau potable, mais aussi avec les opérateurs, notamment Orange et EDF.
Dans le cas de troubles à l'ordre public, il peut arriver que les points d'approvisionnement soient visés. Là encore, nos forces de sécurité intérieure ont fait la démonstration de leur capacité à libérer ces points quand cela était nécessaire, sans pour autant provoquer de tensions extrêmement graves. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
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