Question d'actualité sur la prévention des inondations
M. Jean-Yves Roux. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Voilà dix ans, le Parlement adoptait la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam.
Parmi les dispositions de cette loi, figure la création d’une compétence nouvelle : la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi). Pour assurer le financement de cette attribution, la loi Maptam prévoyait la possibilité de lever une taxe optionnelle, dans la limite de 40 euros par habitant, afin de protéger les territoires les plus vulnérables.
En dix ans, mes chers collègues, que s’est-il passé ? Disposons-nous des moyens nécessaires pour nous protéger contre les inondations ? La réponse est non !
En dix ans, mes chers collègues, le dérèglement climatique est allé plus vite que nos décisions politiques.
En dix ans, les intercommunalités exposées au risque n’ont pas eu les moyens de mener les investissements nécessaires.
Dans mon département, comme dans tant d’autres, la donnée est simple : peu d’habitants et de nombreux cours d’eau à protéger. Faute de moyens, les communautés de communes concernées n’arrivent pas même à financer les études préliminaires.
Les conséquences, nous les connaissons : une épée de Damoclès qui pèse au-dessus de nos têtes et, finalement, un coût financier et humain qui alourdira nos charges d’assurances, obérera nos capacités budgétaires, affaiblira les plus fragiles et détruira nos paysages.
Monsieur le ministre, depuis quelques années, les collectivités alertent, mais cela ne déclenche pas de réflexion opérationnelle.
Davantage encore, l’article 59 de la loi Maptam prévoit en 2024 – soit dans deux mois – la rétrocession aux collectivités, par l’État, de la charge d’un grand nombre d’ouvrages de protection.
Aujourd’hui, après moult alertes venues de toutes parts, au travers des amendements déposés et d’une mission d’information du Sénat conduite par Rémy Pointereau et Hervé Gillé, nous arrivons tous à la même conclusion : il faut une solidarité territoriale renforcée pour assurer la prévention des inondations.
Dernièrement, devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le ministre, vous avez également indiqué que cette solution avait votre faveur.
Aussi, monsieur le ministre, mes questions sont simples : allez-vous surseoir à cette disposition de transfert de charges en 2024 ? Surtout, le principe de solidarité étant posé, quand allons-nous le transformer en actes ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Roux, tout d’abord, vous l’avez rappelé, la loi Maptam a près de dix ans.
Comme souvent dans de tels cas, se pose la question de ce qui a été accompli depuis lors. En effet, de véritables disparités territoriales existent.
Dans la nuit du 14 au 15 novembre, en Savoie et en Haute-Savoie, des crues très fortes ont provoqué des dégâts importants, d’un niveau supérieur à ceux qu’a connus le Pas-de-Calais. Ces dégâts sont passés en quelque sorte sous les radars, car ils n’ont pas donné lieu à autant de sinistrés.
Les investissements en matière de Gemapi, notamment le programme d’actions de prévention des inondations (Papi) réalisé en 2020, avec 44 millions d’euros de soutien de l’État sur les 66 millions d’euros engagés, ont permis de ne pas avoir autant de dégâts qu’escomptés, alors que la crue a battu le record de celle de 2015 et atteint le plus haut niveau depuis 1904.
Quelles mesures de court terme ai-je annoncées, voilà quelques jours, devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat ?
Dès le 1er janvier prochain, il sera possible d’utiliser le fonds vert, y compris dans les territoires qui n’auraient pas levé de taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, dite taxe Gemapi, pour accélérer la mise en œuvre de systèmes d’endiguement.
Toutefois, le rendez-vous de l’après-inondation va un peu au-delà. En effet, monsieur le sénateur, vous pointez une taxe qui pèse sur chaque personne, alors que le risque dépend des surfaces, des linéaires de fleuves et des difficultés qu’ils comportent.
Je vous prends au mot, monsieur le sénateur, puisque vous avez vous-même indiqué que les dispositifs allaient moins vite que le dérèglement climatique.
Ainsi, l’enjeu est non pas d’observer, un jour, les inondations, le lendemain, les éboulements, le troisième jour, les sécheresses : il faut adapter globalement notre système. (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
Au début de l’année prochaine, je présenterai, sous l’autorité de la Première ministre, le programme national d’adaptation au changement climatique. Il met fin à un déni : au regard du rythme adopté par les États dans le monde, nous devons nous préparer à un réchauffement climatique de 4 degrés. Ce volet doit s’accompagner d’une refonte du régime des catastrophes naturelles et d’une évolution des dispositifs de solidarité, compte tenu de l’augmentation de la fréquence de telles catastrophes.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Christophe Béchu, ministre. C’est ce rendez-vous de solidarité et de vérité que nous aurons bientôt. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
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