Débat interactif sur les innovations numériques dans la lutte contre l'épidémie de Covid-19
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Au détour de la dramatique crise sanitaire du Covid-19, le numérique entre à grands pas dans le monde de la santé.
En particulier, le projet d'une application de traçage des personnes touchées par le virus a suscité de nombreuses réflexions et discussions publiques. Le Gouvernement a finalement décidé de lancer l'outil StopCovid, dont nous parlons ce soir, pour compléter sa politique de lutte contre la propagation de l'épidémie.
Je ne reviendrai pas sur la question de la protection des données, si ce n'est pour rappeler que mon groupe, comme l'a précédemment souligné Françoise Laborde, est bien entendu attaché au respect des libertés individuelles et qu'il prend acte des dernières recommandations de la CNIL, en particulier sur les précautions à renforcer autour du volet concernant les destinataires et les accédants aux données de l'application.
Dans le cadre de ce débat, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais vous poser, au nom d'Yvon Collin, une question d'ordre technique.
La France a choisi le protocole Robert ; les groupes Apple et Google développent également leurs propres applications, qu'ils considèrent comme étant plus respectueuses de la vie privée que les applications existantes.
Je ne jugerai pas le choix de l'application Robert. Celle-ci s'inscrit dans le cadre de l'initiative européenne Pan European Privacy-Preserving Proximity Tracing ; c'est donc une bonne chose, d'autant que l'on peut comprendre, et même partager, l'enjeu de souveraineté qui se noue autour de cet outil de traçage.
Néanmoins, Apple ne permettant pas l'accès au Bluetooth en continu en arrière-plan d'une application, l'outil StopCovid ne pourrait pas, semble-t-il, être utilisé sur un iPhone. Il pourrait donc être installé sur peu de téléphones. Or nous savons que l'efficacité d'une application de traçage repose sur son adoption par un nombre critique de nos concitoyens – idéalement au moins 20 % d'entre eux.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, quelle est votre cible d'utilisateurs ? Par ailleurs, quel impact aura l'application, si elle reste ouverte à l'arrière-plan, sur la batterie du téléphone ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique. La question que vous posez, monsieur le sénateur Requier, a été au cœur des tests réalisés au cours des deux dernières semaines. Pour rappel, nous avons testé les 100 portables les plus utilisés par les Français, de 17 marques différentes.
Effectivement, une des complexités à laquelle nous nous heurtions était de faire en sorte que l'application, une fois en arrière-plan sur l'iPhone, ne soit pas éteinte automatiquement.
La solution technique que nous avons trouvée – la même que celle que les Anglais utilisent – est la suivante : quand vous aurez votre iPhone dans la poche et qu'il s'éteindra graduellement, le fait de croiser une personne ayant un Androïd le réveillera. Je rappelle que la part de marché des iPhone est légèrement inférieure à 20 %, quand celle des Androïd dépasse 80 % ; vous croiserez donc très régulièrement des gens ayant un Androïd.
C'est un moyen détourné, qui n'est pas totalement satisfaisant ni ne fonctionne à tous les coups. Mais les tests des derniers jours ont pu montrer, d'une part, qu'il n'y avait pas d'effet dirimant sur la batterie – on constate une petite hausse de la consommation, de l'ordre de quelques pour cent, donc sans que cela vide la batterie du téléphone –, et, d'autre part, que ce mécanisme de contournement fonctionnait bien néanmoins. Pour vous donner une idée globale, nous sommes aujourd'hui en mesure de dire que nous captons entre 75 % et 80 % des gens que nous devons capter.
Évidemment, nous ne pouvons nous en satisfaire et nous allons continuer à améliorer le protocole. D'ailleurs, nous travaillons au niveau européen sur cette question du Bluetooth, avec les Allemands et les Anglais, ainsi qu'avec certains acteurs américains, qui, semble-t-il, ne sont pas forcément si avancés que cela sur le sujet. En tout cas, ils ne le sont pas forcément plus que nous !
Toutefois, nous avons considéré qu'avec 75 % à 80 % de personnes captées, que ce soit dans le métro, à l'air libre ou dans un supermarché, le dispositif était suffisamment solide.
D'ailleurs, nous en avons tiré une conséquence qui n'est pas sans importance : une personne notifiée pourra prendre contact avec son médecin et avoir accès à un test et un arrêt de travail. Si nous acceptons une telle conséquence, c'est bien que nous avons confiance dans la solidité et la fiabilité du système informatique.
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