Débat relatif à l'accord de sécurité franco-ukrainien et à la situation en Ukraine
M. André Guiol. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, monsieur l'ambassadeur, mes chers collègues, depuis deux ans, l'Ukraine est sous le feu de son terrible agresseur russe. Alors que la guerre conserve une forte intensité meurtrière, le front semble se stabiliser, après que les Ukrainiens ont connu quelques sérieux revers.
Grâce aux précieuses livraisons d'armes et de munitions en provenance des pays occidentaux, Kiev résiste. Ce n'est donc pas le moment pour les démocraties de s'interroger quant à leur soutien. Le doute ne doit pas s'emparer de nous, alors que Vladimir Poutine n'a aucun état d'âme à poursuivre son projet impérialiste.
Il est aujourd'hui question d'un accord dit de sécurité, signé entre le président Macron et le président Zelensky. Oui, cet accord a un sens : il s'inscrit dans la stratégie de soutien exprimée par la France depuis le début du conflit, ainsi que par l'Union européenne. De plus, il répond aux engagements pris à Vilnius par les pays du G7en juillet 2023.
Concrètement, l'accord ne fait qu'entériner une réalité, celle de l'assistance civile et militaire que Paris distille régulièrement, tout comme ses partenaires occidentaux, depuis le 24 février 2022.
Bien entendu, au-delà de cet accord et de tous ceux qui ont récemment été signés, notamment avec l'Arménie et la Moldavie, la question est de savoir quelles sont les limites de la mobilisation française.
Ces limites sont-elles dictées par les seuls intérêts ukrainiens ? Certainement pas, car nous voyons combien la Russie, par son terrible appétit, déstabilise profondément l'ordre international.
Faut-il rappeler que la Russie n'est pas seulement l'ennemi de Kiev ? Moscou est devenu, malgré nous, l'ennemi de Paris, de Londres, de Berlin et de nombreuses autres capitales qui représentent le monde libre.
Aussi, gardons le cap d'un soutien sans faille et, s'il le faut, d'une fermeté assumée. J'appelle ceux qui trouvent encore des circonstances atténuantes au dirigeant russe à regarder sans masque le chaos qu'il a suscité : cyberattaques, espionnage, ingérence, propagation de fausses informations, menace de guerre nucléaire, empoisonnements, assassinats de ses opposants, enlèvements, bombardements de civils… Nous sommes non pas dans un roman de Ian Fleming, mais bien dans une réalité difficile.
Cette réalité est avant tout difficile pour les Ukrainiens, qui souffrent et meurent pour la liberté – et pour la nôtre… Nous leur rendons hommage.
Cette réalité est également complexe pour la voie diplomatique : Vladimir Poutine n'a jamais cessé de se comporter comme un belligérant, avec comme boussole le mensonge et une soif insatiable de pouvoir.
Clairement, la Russie assume complètement sa stratégie de guerre totale. Nous avons, pendant un certain temps, péché par naïveté. Aujourd'hui, qui peut penser que Vladimir Poutine compte s'arrêter aux frontières de l'Ukraine ?
Le Kremlin ne s'en cache même plus et active ses menaces à l'encontre de la Pologne et des États baltes. Le cas de la Transnistrie doit nous inquiéter. Nous devons, hélas !, nous préparer au pire.
Dans ses conditions, le RDSE comprend la nécessité pour la France de poursuivre et intensifier son soutien à l'Ukraine. C'est une question de cohérence avec l'état du théâtre des opérations. Nous devons aussi apporter aux Ukrainiens des réponses satisfaisantes dans les domaines de l'ingénierie civile et militaire.
Dans cette tragédie qui se joue aux portes de l'Europe, certains seraient bien avisés de mettre de côté les postures politiciennes et de ne pas prendre en otage les élections européennes. Est-il sérieux de prétendre incarner une alternance crédible quand on s'est affiché avec Poutine sur des tracts de campagne et quand on a refusé de condamner la persécution jusqu'à la mort d'Alexeï Navalny ? En tout cas, c'est inquiétant.
Il est plus responsable de prôner l'unité face au piège de plus en plus grossier que Moscou nous tend, en profitant du contexte politique fragile aux États-Unis.
Certes, nous pouvons débattre des lignes rouges, en particulier celle de la question des troupes occidentales au sol. Personne, je crois, ne souhaite une telle escalade, mais nous devons reconnaître que l'espace entre faiblesse et fermeté est mince, face à un dirigeant russe devenu incontrôlable. Hier, l'attentisme face à l'invasion de la Crimée était critiqué ; aujourd'hui, il faudrait tempérer la riposte, y compris verbale.
Rappelons les prémices de l'agression russe : elle a commencé sur quatre fronts en Ukraine, avec pour grotesque objectif sa « dénazification ». Poutine ne supporte tout simplement pas un contre-modèle à son régime autoritaire. Je le répète, les pourparlers n'intéressent pas le président russe : une pause ne serait pour lui qu'une occasion de reconstituer ses forces militaires.
Nous devons un soutien sans faille à tous les Ukrainiens et à tous les Russes en exil. Nous leur devons de faire preuve de fermeté. Nous le devons également aux pays baltes, qui ont envoyé à Paris des signes clairs, parce qu'ils sont en première ligne.
Nous devons lutter contre la volonté du Kremlin d'inscrire ce conflit dans un rapport de force avec l'Occident, en comptant sur le soutien de ses alliés chinois, nord-coréen, iranien et biélorusse. Face à l'alliance, si naturelle, mais préoccupante, des forces les plus autocratiques, conservatrices et théocratiques, c'est bien notre modèle démocratique européen qu'il faut défendre et imposer par l'unité politique.
À cet effet, notre groupe préférera la responsabilité à l'indifférence et se rangera derrière la déclaration du Gouvernement sur cet accord de sécurité franco-ukrainien.
Nous ne souhaitons pas la guerre, et c'est pour cette raison qu'il nous faut la préparer par la crédibilité de nos forces et de nos positions. Je reprends les mots de Robert Schumann : « La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. »
Le groupe RDSE votera cet accord. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC. – M. Rachid Temal applaudit également.)
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