Débat sur « l'opération Barkhane : bilan et perspectives »
M. André Guiol. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a reçu en audition M. Aguila Saleh, président du parlement de Tobrouk. M. Saleh nous a présenté la situation de son pays et les relations ambiguës que le gouvernement de Tripoli, dont il ne reconnaît pas la légitimité, entretient avec la Turquie. Il a notamment évoqué le détournement du produit de la vente du pétrole libyen au profit du financement de milices ou de mercenaires qui sévissent sur ce territoire. Un de ses objectifs, bien légitime, est de mettre un terme, après avoir démocratiquement repris le contrôle du pays, aux actions de ces milices ou de ces mercenaires, installés avec la complicité de la Turquie et avec la connivence du gouvernement de Tripoli.
Dans le même temps, plus au sud, nos soldats se battent contre un ennemi diffus, sur un territoire immense. Ils sont confrontés à des attentats et à des embuscades lâches et meurtriers.
Je regrette que les pays européens, eux aussi concernés par le terrorisme, ne soient pas significativement à nos côtés au Sahel, malgré la mise en place de la task force Takuba. Même si Mme la ministre nous a donné quelques éléments positifs à cet égard, je rappelle que, depuis le Brexit, la France est la seule puissance de l'Union européenne à siéger comme membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU et à disposer de la dissuasion nucléaire, qui contribue à la sécurité de tous. Je formule ce rappel à l'intention de ceux qui, constamment, comparent aveuglément notre déficit public à celui de nos voisins.
Pour ce qui concerne le sujet qui nous occupe aujourd'hui, ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, que ces milices ou ces mercenaires, une fois empêchés d'intervenir en Libye, ne viennent renforcer d'une manière ou d'une autre les groupes armés terroristes au Sahel, mettant de fait en danger nos soldats de l'opération Barkhane ? Vous ne manquerez pas d'analyser la pertinence d'un tel risque : s'il est réel, comment l'anticiper, afin que nous prenions dès aujourd'hui les mesures qui s'imposent pour ne pas exposer plus encore nos soldats au Sahel ? (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Guiol, il est compliqué de parler de la Libye en deux minutes, tant son histoire est complexe, tant sa réalité politique, administrative, militaire et économique est confuse.
Cela étant, il peut arriver que l'on reçoive de bonnes nouvelles de Libye. Ainsi, le cessez-le-feu acté le 23 octobre dernier est respecté et l'organisation d'élections le 24 décembre prochain reste d'actualité.
M. Aguila Saleh, dont vous avez parlé longuement, a effectivement été reçu au Sénat. La seule difficulté pour ce qui le concerne, c'est qu'à l'instar de M. Bashagha il a été battu aux élections internes du Conseil national de transition, forum politique réunissant les différentes composantes représentées au sein des partis libyens.
Il importe maintenant que le nouveau président du Conseil présidentiel, M. Menfi, et le Premier ministre potentiel, M. Dbeibah, soient investis par le parlement de Tobrouk et par le Haut Conseil d'État de Tripoli. J'espère que tel sera le cas. Ce processus politique positif pourrait dès lors se poursuivre, sous réserve que la clause de l'accord du 23 octobre prévoyant le départ des forces étrangères soit effectivement respectée.
Pour notre part, nous souhaitons faire valider l'ensemble de ce processus par une résolution des Nations unies. C'est notre rôle. Cette question a effectivement un lien avec le Sahel, car la sécurité de la frontière du Fezzan, au sud de la Libye, ne pourra que renforcer les garanties pour éviter les porosités et les trafics en tout genre.
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