Projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Macédoine du Nord
Mme la présidente. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, madame le rapporteur, mes chers collègues, depuis sa déclaration d'indépendance en 1991, la République de Macédoine du Nord a souhaité intégrer quelques-unes des grandes organisations internationales pour affirmer d'emblée son identité.
Si son entrée à l'ONU a pu se faire dès 1993 sous un nom provisoire, son arrimage à l'OTAN a été compliqué, la Grèce contestant le choix par Skopje du nom de « République de Macédoine ». Les deux pays avaient, en effet, ouvert un contentieux animé par des enjeux identitaires sur fond d'héritage culturel et patrimonial, un désaccord qui a longtemps brouillé les relations entre la Grèce et la Macédoine.
Notre collègue rapporteur, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, l'a rappelé, la recherche d'une solution sur un nom mutuellement acceptable conditionnait l'entrée de la Macédoine du Nord dans l'OTAN, selon le principe affirmé au sommet de Bucarest, en 2008. Je souhaitais souligner que cette posture de prudence, adoptée par les membres de l'organisation, a été la bonne.
Nonobstant l'obstacle du nom, la Macédoine du Nord avait acquis en 1999 le statut de pays candidat à l'alliance atlantique suivi d'un plan d'action pour l'adhésion. La voie était donc ouverte.
En ce qui concerne la Grèce, au regard de ses qualités de membre de l'OTAN depuis 1952 et de l'Union européenne depuis 1981, nous lui devions certains égards. Au sein de l'alliance, la Grèce occupe une position stratégique dans la région Sud, à proximité de l'Europe du Sud-Est, de la Méditerranée orientale, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, une zone dont nous connaissons les enjeux stratégiques pour notre sécurité. Cette situation consacre Athènes comme un acteur important de la stabilité de l'Europe.
Dans ces conditions, oui, il était essentiel de régler le litige gréco-macédonien. C'est chose faite depuis l'accord bilatéral de Prespa, signé le 17 juin 2018 en Albanie. Pour en arriver là, il a fallu beaucoup de volonté de la part des deux chefs de gouvernement concernés, Zoran Zaev, côté macédonien, et Alexis Tsipras, côté grec, face aux droites nationalistes, lesquelles ont été particulièrement actives dans les deux pays pour tenter de saboter l'accord.
Comme l'a rappelé notre collègue rapporteur, au terme des quelques dernières notifications de ratification du protocole d'adhésion signé le 6 février dernier entre l'OTAN et la Macédoine du Nord, cette dernière deviendra le trentième pays membre de l'alliance.
Le RDSE approuvera évidemment le projet de loi de ratification du protocole précité. Je mets de côté la très faible contribution financière de la Macédoine du Nord à l'OTAN : on ne peut guère exiger plus de ce pays, compte tenu de son niveau économique. Malgré cela, son adhésion sera un atout, notamment pour la stabilité des Balkans, une région encore potentiellement fragile, on le sait, du fait de son histoire et de sa diversité ethnique.
Néanmoins, je m'attarderai sur la problématique plus générale de l'élargissement sans fin de l'OTAN. On connaît l'impact sur la Russie de la politique dite de la « porte ouverte » vers l'Est, menée par l'organisation. C'est une préoccupation régulièrement exprimée au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
En effet, depuis la création de l'OTAN en 1949, le nombre des pays membres de l'alliance est passé de douze à vingt-neuf, en sept vagues d'élargissement, les dernières conduisant à intégrer les anciens pays du bloc de l'Est, crispant ainsi les rapports avec Moscou. Lors d'une visite à Belgrade au début de l'année, Vladimir Poutine s'en est pris une nouvelle fois à cette doctrine de l'OTAN, la qualifiant de « vestige de la guerre froide » et de « stratégie militaire et politique mal inspirée et destructrice », qui conduit à « tracer de nouvelles lignes de division sur le continent européen ».
Or, à la fin de la guerre froide, des promesses sur les contours de l'OTAN avaient été faites, qui n'ont pas été tenues. Veillons à ne pas dépasser les bornes, si j'ose dire, pour maintenir le lien russo-occidental. On le sait, la Russie est un acteur incontournable pour la maîtrise des armements conventionnels ou pour résoudre les crises en Syrie, en Iran ou en Ukraine ; l'actualité est là pour nous le rappeler.
Enfin, sans entamer un vaste débat aujourd'hui, la réflexion sur les limites de l'élargissement de l'OTAN pourrait concerner également l'Union européenne, que la Macédoine du Nord demande à intégrer depuis 2004. En juin dernier, la décision relative à l'ouverture des négociations d'adhésion a été reportée. On peut certes arguer que la Macédoine du Nord ne remplit pas à ce jour les conditions pour intégrer le marché commun, mais cela finira par arriver.
Par conséquent, la question est plutôt de savoir si le fonctionnement actuel de l'Union européenne lui permet de s'élargir encore et encore. C'est la position que la France a exprimée mardi dernier au Luxembourg, en rappelant la nécessité de s'interroger sur les bases de l'élargissement avant d'accepter de nouveaux États membres, et qu'elle a confirmée hier en opposant son veto à la Macédoine du Nord, ainsi qu'à l'Albanie. Sachez, monsieur le secrétaire d'État, que les membres du RDSE vous suivent sur cette ligne.
Mes chers collègues, nous soutiendrons ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDSE et LaREM.)
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