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Projet de loi de finances pour 2020 : mission "travail et emploi"

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

 

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après deux années de baisse préoccupante du budget de la mission « Travail et emploi », le projet de loi de finances pour 2020 semble enfin stabiliser ses crédits à leur niveau de l'année dernière.

Les autorisations d'engagement s'élèveront ainsi à 13,52 milliards d'euros et les crédits de paiement à 12,78 milliards d'euros pour l'année prochaine.

Un soulagement peut-être, mais de courte durée. En effet, les crédits consacrés à l'action de l'État en faveur du travail et de l'emploi restent inférieurs de 2,6 milliards d'euros à ceux de 2018. Lorsque l'on analyse la situation du marché de l'emploi aujourd'hui en France, c'est d'autant plus inquiétant.

Le contexte actuel témoigne d'une forme de chômage paradoxale. Globalement, il semble diminuer : au deuxième trimestre de 2019, il enregistrait une baisse de 0,2 point, avant de remonter à 8,6 % de la population active au troisième trimestre. Une tendance dont l'équilibre reste déjà précaire.

Ces indicateurs masquent une triste réalité : ils gomment les fortes disparités qui fracturent notre territoire, la précarisation de l'emploi et l'éloignement toujours plus important des chômeurs les plus fragiles. En effet, derrière le taux de chômage le plus bas enregistré depuis juillet 2018 par l'Insee se cachent le recul du taux d'emploi à temps complet et la diminution des taux d'emploi et d'activité des jeunes.

Pour les publics les plus éloignés de l'emploi, l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) semble avoir tenu ses promesses. Les trois rapports qui vous ont été remis le mois dernier, madame la ministre, concluent à un bilan positif sur les dix territoires tests.

L'augmentation de 6 millions d'euros des crédits pour ce dispositif est donc la bienvenue. Mais la question qui se pose aujourd'hui porte avant tout sur l'extension des TZCLD. Quels ajustements, nécessaires, devront être mis en place ? Le ciblage des personnes éligibles, éloignées de l'emploi, est-il à revoir ? La viabilité économique de ce programme est-elle encore à démontrer ?

Si la mission « Travail et emploi » permet aussi de conforter le grand plan d'investissement dans les compétences lancé par le Gouvernement, les maisons de l'emploi restent, cette année encore, mises à l'écart de la politique de lutte contre le chômage des plus jeunes.

Pourtant, les missions locales chargées de la mise en œuvre de la garantie jeunes partagent l'objectif du PIC d'agir en faveur de la formation et de l'accompagnement de 2 millions de jeunes de 18 à 25 ans d'ici à 2022. Ce plan était attendu et constituait une véritable opportunité pour les acteurs de l'emploi. Néanmoins, il semble être arrivé trop tardivement. Comment armer ces jeunes pour satisfaire aux nouvelles exigences du monde du travail alors que les pratiques des entreprises, dans leur façon de détecter et de recruter, évoluent continuellement ? On observe déjà un basculement de la « recherche de compétences » vers la « recherche de potentiels » des employeurs.

Dans ce contexte, les maisons de l'emploi constituent des outils souples et simples qui peuvent être mobilisés rapidement, efficacement, et ce de manière innovante aux fins de répondre aux besoins sans cesse renouvelés du marché de l'emploi.

Ces maisons de l'emploi permettent de garantir un socle de services universels de proximité et de remédier aux « angles morts » des politiques publiques. Car le combat contre le chômage et la précarisation du travail ne peut être mené exclusivement par l'État ; ces politiques territoriales sont d'ores et déjà orchestrées dans les métropoles comme en milieu rural, où les élus locaux agissent, sur le terrain, en faveur de l'emploi et des compétences. Le PIC ne saurait atteindre les objectifs qui lui sont fixés sans les fers de lance que représentent ces plateformes locales d'animation et d'ingénierie que sont les plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi (PLIE) et les maisons de l'emploi (MDE).

La pertinence de ces outils en termes de plan de formation, d'analyse des besoins des entreprises et de gestion prévisionnelle territorialisée des emplois et des compétences n'est plus à démontrer.

Aujourd'hui, ce sont 83 maisons de l'emploi portées par 3 811 communes avec au total de plus 6 millions d'habitants concernés ; ce sont 147 PLIE au service de 5 740 communes qui ont accompagné l'an dernier 130 000 personnes très éloignées de l'emploi, dont 48 % ont trouvé un emploi durable ; ce sont 448 facilitateurs de la clause sociale d'insertion, pour la plupart formés par le réseau Alliance Villes Emploi, et qui ont développé plus de 15 millions d'heures d'insertion en 2018, soit 38 000 personnes recrutées, dont 53 % l'ont été dans un emploi durable ou en formation au bout de six mois.

Il faut soutenir les maisons de l'emploi, qui n'ont toujours pas de programme dédié. Alors que 82 millions d'euros étaient affectés par l'État à ce dispositif en 2010, ce chiffre tombera encore une fois à 5 millions d'euros en 2020, laissant les collectivités en assumer, quasi seules, le financement.

C'est pourquoi je remercie le Sénat de se mobiliser de nouveau pour garantir le maintien de ces structures, en les dotant a minima de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, et j'espère que le Gouvernement entendra cet appel.

Par conséquent, la grande majorité des membres du groupe du RDSE votera, avec la commission des finances, pour l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l'adoption de l'amendement des rapporteurs spéciaux relatif aux maisons de l'emploi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Indépendants.)

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