Projet de loi de finances pour 2024 - mission administration générale et territoriale de l'État
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'administration générale et territoriale de l'État est au cœur de l'action publique et de la stratégie administrative : elle est en quelque sorte « l'État au cœur du territoire ».
Je salue à ce propos les rapports rendus sur cette mission. Nos collègues rapporteures ont su mettre en lumière tant les avancées figurant dans le projet de loi que les difficultés rencontrées pour réformer et moderniser les services publics en vue de les adapter aux réalités des territoires, notamment ruraux.
On peut se féliciter du renforcement des effectifs, quand bien même une augmentation de 232 équivalents temps plein annuel travaillé sur les quelque 30 000 ETPT concernés par ce programme pourrait paraître timide, tant les enjeux sont considérables.
Parmi d'autres avancées notables, je veux citer l'amélioration des délais de délivrance des titres sécurisés, stabilisés à quinze jours de traitement, ou le taux de 45 % de féminisation dans les primo-nominations. Ces résultats démontrent la volonté du Gouvernement d'aller dans le bon sens.
Nous regrettons toutefois le recours massif aux contrats courts : les titulaires de tels contrats sont précarisés et les services s'en trouvent désorganisés.
Concernant l'accueil des étrangers, nous demeurons inquiets. Je ne reviens pas sur les récentes réformes, dont chacun sait qu'elles peineront à résoudre cet épineux problème. Je me contente plutôt de remarquer la timidité des propositions et de déplorer que les délais moyens de traitement avoisinent les deux mois, pour des demandes ayant souvent, pourtant, un caractère d'urgence.
Comme le mentionne notre rapporteure spéciale, l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef) n'a pas apporté la réponse attendue à la crise des services, et rien dans ce budget ne laisse espérer un meilleur traitement des demandes.
Enfin – ce sujet nous concerne tout particulièrement au Sénat –, que dire du contrôle de légalité et du conseil aux collectivités territoriales, sinon que la numérisation des relations continue d'occasionner des perturbations significatives dans le fonctionnement de ces dernières ?
Les élus locaux attendent de l'État présence et réponse à leurs problématiques. La récente réforme du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) en est un exemple : elle a montré combien l'absence d'anticipation, de concertation et d'effectifs suffisants rend complexe la relation qu'entretiennent les collectivités et l'État.
Aussi le RDSE partage-t-il l'avis de notre rapporteure spéciale sur l'évolution inquiétante de l'administration territoriale de l'État. Entre la précarisation des contrats et l'hypernumérisation des relations avec le public, on finit par se demander quelle place sera réservée demain aux usagers, qui sont de plus en plus éloignés des agents et des services, des collectivités et de l'État lui-même.
La Cour des comptes considère que les services de l'État territorial sont à « un tournant de leur histoire ». Seule une réponse forte en matière d'effectifs, de clarté et de présence des services publics sur l'ensemble des territoires, notamment les plus ruraux, permettra de négocier ce virage.
Madame la ministre, vous trouverez le RDSE à vos côtés lorsqu'il s'agira de renforcer les effectifs, d'améliorer l'accueil du public et d'accompagner les collectivités et les élus, tout en se réinventant. C'est à ce prix que l'on renouera avec la confiance et que l'on retrouvera le chemin de la qualité et de la proximité du service ; c'est aussi à ce prix que l'on pourra combattre le sentiment d'abandon dont les élus locaux nous font part, parce que ceux-ci auront pour les aider, pour les conseiller, pour les accompagner, un État territorial qui ne sera plus cantonné, par manque de personnel et par manque de temps, à des tâches de réglementation.
Les membres du RDSE en sont conscients, on ne saurait en un an rattraper des années de disette et de cure d'amaigrissement de l'État territorial ; celui-ci doit se réinventer. Nous saluons à cet égard les efforts consentis, même s'ils ne sont pas à la hauteur de nos attentes, et nous voterons les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)
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