Projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français
Parce qu'ils avaient servi la France, ils eurent le choix entre la mort et l'exil. Dans ces conditions, les harkis n'ont pas hésité à passer, quand ils l'ont pu, de l'autre côté de la Méditerranée, où l'horizon leur paraissait plus clair.
Quelle déception ! La terre promise ne s'est pas révélée aussi accueillante qu'elle aurait dû l'être.
Pour une partie d'entre eux, près de 42 000, le passage ou l'installation dans des camps de transit et de reclassement ou des hameaux de forestage a constitué une véritable relégation faite de souffrances et de légitime amertume. Dans ces camps qui, rappelons-le, étaient fermés, précarité, privations, déscolarisation et brimades étaient le quotidien des harkis – notre collègue rapporteure l'a très bien souligné.
Il faut le dire : c'est l'indignité légalisée qui figurait au fronton obscur de ces structures, en lieu et place de la fraternité qui aurait dû y être prodiguée.
Notre pays – patrie des droits de l'homme, dit-on souvent – a clairement raté, à cette époque, le rendez-vous de la compassion à l'égard de ceux qui croyaient en elle et qu'elle aurait dû accueillir avec plus de générosité.
À Bias, en Lot-et-Garonne, à Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales, ou au Larzac, dans l'Aveyron, est-il compréhensible que de jeunes enfants aient longtemps vu la France des barbelés avant de connaître celle des libertés ?
Mes chers collègues, vous le savez : on ne saurait prétendre que le législateur n'a rien fait par la suite pour améliorer leur sort. Entre mesures sociales, indemnisation des biens perdus et aides au logement, de nombreux dispositifs ont pu aider certains d'entre eux à s'en sortir. Mais le compte n'y est pas, ce que n'a pas manqué de rappeler le Conseil d'État en 2018, en condamnant l'État à dédommager un fils de harki ayant séjourné dans l'un de ces camps.
Aussi, l'engagement du Président de la République, prononcé le 20 septembre dernier, permettra d'accorder les réparations qu'exige ce sombre épisode de l'histoire de France.
Naturellement, les élus de mon groupe soutiennent ce projet de loi, lequel institue un mécanisme de réparation financière en faveur des rapatriés ayant transité par un camp ou par un hameau de forestage entre 1962 et 1975.
Nous approuvons également les articles renouvelant ou approfondissant la reconnaissance de la Nation à l'égard des harkis.
Je salue enfin la mesure relative à l'allocation viagère : la suppression de la forclusion permettra à des familles qui ignoraient leurs droits de les exercer.
Toutefois, comme le souligne la commission, « ce texte ne saurait constituer le solde de tout compte ». Une majorité des sénateurs de mon groupe aurait d'ailleurs souhaité étendre le bénéfice du dispositif de réparation à tous les harkis (M. André Guiol opine.), qu'ils aient été logés dans des structures fermées ou ouvertes.
On sait combien des familles rassemblées dans des habitations à loyer modéré (HLM), souvent à l'écart, ont souffert de toutes sortes de discriminations. Mon collègue André Guiol a déposé un amendement en ce sens, relayant ainsi le vœu de la communauté des harkis de ne pas être divisée.
Madame la ministre, peut-être aurait-il également fallu profiter de ce texte pour régler la situation des quelque vingt-cinq supplétifs de statut civil de droit commun dont le sort est régulièrement discuté au titre des projets de loi de finances.
En attendant ces améliorations, le RDSE approuvera le projet de loi qui concrétise la demande de pardon formulée par le Président de la République. Nous le devons avant tout aux harkis et à leurs enfants ; nous le devons aussi au pacte républicain, dont il faut rapidement réparer les fêlures du passé afin de laisser place à une seule communauté de destins.
Je conclurai sur une note personnelle. Lors de son service militaire, à Rodez, en Aveyron, mon frère a été chargé avec ses camarades d'accueillir les harkis arrivant en gare de Millau, puis de les accompagner en camion au camp du Larzac, où ils devaient rester dans le froid et la solitude. Il a gardé un souvenir poignant de ces pauvres bougres venus d'Algérie, que nous avons si mal accueillis.
Je le répète, les élus de notre groupe voteront ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
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