Proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le texte que nous étudions affecte un grand nombre de nos concitoyens. La mort tragique d’une personne dans un accident impliquant un véhicule ne saurait plus être réduite à un fait divers.
Nous savons – les statistiques le confirment – que trois facteurs augmentent particulièrement le risque d’accident : la vitesse, l’alcool et les stupéfiants.
Ces trois éléments sont d’ores et déjà réprimés par notre droit pénal, puisqu’ils constituent des infractions en propre, mais également des circonstances aggravantes dans la caractérisation des infractions d’homicide et d’atteinte à l’intégrité physique de la personne.
Il nous est ici proposé de créer de nouvelles infractions routières pour éviter que celles-ci puissent être qualifiées d’involontaires.
Tant pour les auteurs de la proposition de loi que pour le comité interministériel de la sécurité routière, la principale mesure proposée est symbolique.
Dans son équilibre initial, cette proposition de loi ne remettait pas systématiquement en cause le caractère involontaire de l’homicide, mais soulignait la faute de l’auteur par une distinction entre infractions.
En effet, notre société ne supporte plus qu’un chauffard qui s’est lui-même placé dans une situation qui augmente dramatiquement les risques pour autrui soit condamné pour une atteinte ou un homicide dits « involontaires ».
C’est bien dans cet esprit que le texte a été adopté, à l’unanimité, par l’Assemblée nationale.
Lorsque nous créons de nouvelles qualifications pénales, nous devons nous prémunir de deux effets pernicieux. D’une part, il faut bien se garder de rendre floues les frontières établies, en l’espèce, entre l’intentionnalité et la non-intentionnalité de l’atteinte aux personnes. D’autre part, ne perdons pas de vue que la fonction première du droit pénal est de réparer les dommages causés à la société et de sanctionner les atteintes inacceptables.
Au regard de cela, le texte adopté par l’Assemblée nous semblait opérer une juste conciliation entre la nécessité de moderniser le droit pénal, notamment pour mieux répondre aux attentes des victimes, et la préservation de ses grands principes.
Cette version de la proposition de loi conservait, dans une certaine mesure, un caractère supplétif à l’infraction d’homicide routier, pour sanctionner d’abord la faute intentionnelle qui a pu conduire à l’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique. Elle répondait aux attentes des victimes, sans entrer dans une dérive.
Hélas ! le texte adopté par notre commission des lois ne donne pas le même sentiment.
Notre rapporteur, dont il faut souligner le sérieux et la qualité des travaux, a proposé d’élargir le dispositif à tous les homicides commis lors d’un accident routier, avec ou sans circonstance aggravante. Certes, nous comprenons cette démarche, mais elle risque de dénaturer le dispositif au point de lui faire manquer sa cible. Le symbole n’est plus là et ceux qui se mettent en mesure de tuer relèvent à nouveau de la même infraction que les autres.
Pour pallier cette difficulté, il est proposé de réintroduire dans notre droit des peines planchers. J’évoque ici l’article 1er ter A, issu d’un amendement de notre rapporteur.
Chacun le sait, les peines planchers vont à l’encontre de principes fondamentaux qui guident le droit pénal français. C’est notamment le principe à valeur constitutionnelle d’individualisation de la peine qui est en jeu.
Notre rapporteur, en juriste averti, a certes introduit un garde-fou constitutionnel en prévoyant d’ores et déjà qu’il serait possible de déroger à la peine plancher. Ce nouvel ajout devient ainsi, lui aussi, un simple symbole, et l’introduire à l’égard d’une seule infraction, au détour d’un amendement, me paraît discutable.
Les sénateurs du RDSE, en accord avec leurs principes, détermineront leur position une fois achevé l’examen des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
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