Proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Créée en 1975, l'AAH est destinée à compenser l'incapacité de travailler de plus 1,2 million de personnes, dont 270 000 sont en couple.
Selon les estimations du secrétariat d'État chargé des personnes handicapées, 25 % des allocataires en couple ne bénéficieraient d'aucune revalorisation de leur allocation et 15 % d'entre eux toucheraient un montant partiellement revalorisé. Comme le précise le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), dont je partage l'avis, ces manquements contribuent à renforcer la « relation de dépendance entre les conjoints, concubins ou pacsés, qui est [...] incompatible avec la nécessaire émancipation et le droit à l'autodétermination des personnes en situation de handicap ».
En mars dernier, lors de l'examen du texte en première lecture, nous avions largement voté la déconjugalisation de l'AAH. Il s'agissait, je le crois, d'une avancée majeure pour l'autonomie et l'émancipation des personnes en situation de handicap.
Les parlementaires ont été nombreux à s'offusquer de ce que ces personnes, déjà fragilisées par un handicap, aient à choisir entre une vie de couple au risque de voir leur allocation diminuer, ou le maintien de l'allocation, mais en renonçant à leur union, sur le plan légal.
Permettez-moi, à ce sujet, d'avoir une pensée toute particulière pour les femmes handicapées, victimes de violence, qui n'ont pas d'autre choix que de rester avec leur bourreau, car elles sont dépendantes financièrement.
Faut-il déconjugaliser ou non l'AAH ? Plus précisément, devons-nous considérer cette allocation comme une véritable prestation sociale de compensation au regard de la situation personnelle du demandeur ?
J'entends bien, madame la secrétaire d'État, l'argument du Gouvernement qui souhaite que l'AAH reste conditionnée, au même titre que les autres minima sociaux. C'est pourquoi, au cours d'un débat particulièrement houleux à l'Assemblée nationale, vous avez souhaité remplacer la mesure phare de cette proposition de loi par un abattement forfaitaire, permettant au bénéficiaire de l'allocation dont le conjoint est rémunéré au SMIC de la conserver à taux plein.
Pourtant, comme l'a rappelé à plusieurs reprises notre rapporteur, l'AAH a toujours eu un caractère hybride, entre minimum social et prestation de compensation. Le Président de la République, lors de la conférence nationale du handicap, en février 2020, a décidé de retirer l'AAH du chantier relatif au revenu universel d'activité (RUA), confirmant ainsi que cette allocation n'était pas un minimum social comme les autres.
Par ailleurs, je crains que votre proposition ne suffise pas à résoudre la question de fond. Le fait de se mettre en couple prive en effet brusquement les allocataires de l'AAH de ressources propres, leur assignant un statut d'« assistés » et renforçant parfois un sentiment de dévalorisation.
Vous comprendrez donc que notre assemblée s'indigne – le mot n'est pas trop fort – que nous soyons de nouveau amenés à débattre de ce que nous sommes nombreux à appeler le « prix de l'amour ».
L'ensemble du groupe du RDSE soutient cette mesure de justice sociale, tant espérée, qui met fin au lien de dépendance financière entre le bénéficiaire de l'AAH et son conjoint, et qui permet d'offrir une plus grande autonomie aux personnes concernées. Il s'agit de répondre à l'inégalité qui subsiste entre les différents bénéficiaires de l'AAH selon leur statut marital et de réaffirmer la primauté de la solidarité nationale sur la solidarité familiale.
Aussi, c'est tout naturellement que notre groupe soutiendra à l'unanimité la version adoptée par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
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