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Proposition de loi portant réforme de la loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique, dite loi Bardoux – j'ai découvert ce nom grâce à cette loi (Sourires.) – est un texte que son ancienneté pourrait d'ores et déjà condamner.

 

Si le faussaire s'est longtemps vu crédité d'une image romantique, mérite-t-il encore aujourd'hui ce qualificatif ? (Mme la ministre sourit.)

De ces génies d'autrefois aux délinquants de notre temps, il n'en demeure pas moins qu'à l'ancienneté de la réponse du droit doit être opposée la modernité des pratiques des faussaires.

C'est en cela que résident l'enjeu et l'objectif de la proposition de loi présentée par Bernard Fialaire et cosignée par les treize autres sénateurs du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE).

Je rappelle que ce texte désuet, à l'application limitée, aux effets peu dissuasifs et inadapté aux enjeux contemporains du marché de l'art international, cristallise la frustration des ayants droit et professionnels du marché de l'art. Ces derniers sont depuis trop longtemps dans l'attente d'une actualisation des dispositions juridiques permettant de lutter contre les fraudes en matière artistique.

Afin de conserver à la liberté toute sa légitimité, j'appelle néanmoins l'attention sur la nécessité de veiller à ce que nos différents débats ne fassent pas entrer le texte dans une répression trop marquée.

Le monde de l'art a ses propres usages, ses propres traditions, et il n'est pas évident de se positionner de façon tranchée entre ce que le droit peut accepter et ce qu'il doit interdire.

La liberté de la création est essentielle à l'art. Elle est ce que la liberté d'expression est à la pensée.

Cet équilibre fragile entre la nécessité de protéger les œuvres contre leur exploitation frauduleuse et le principe intangible de liberté de création doit donc être recherché en priorité.

C'est ce que le groupe du RDSE a désiré atteindre, sous la plume de Bernard Fialaire et au travers de ce texte, en focalisant notamment la répression sur les atteintes portées aux œuvres d'art elles-mêmes, et non sur la seule protection de l'acheteur ni sur les seuls aspects contractuels.

Le faux artistique ne devrait-il pas être pensé comme une atteinte à la vérité – et de surcroît à l'intérêt général – plutôt que comme une atteinte à un intérêt particulier ?

À l'heure de la démocratisation et de l'internationalisation du marché de l'art et alors que la loi Bardoux se démarque par son caractère inadapté aux enjeux contemporains du marché international de l'art, il était important d'attacher un symbolisme marquant à la nouvelle infraction que crée cette proposition de loi portant réforme de la loi Bardoux.

Nous souhaitons ainsi affirmer que les œuvres d'art ne sont pas assimilables à de simples marchandises, mais qu'elles constituent un bien commun.

Ce bien commun pourrait s'étendre demain non plus aux seules catégories d'œuvres d'art et d'objets de collection en vogue à la Belle Époque, mais à toutes les nouvelles formes de création, d'aujourd'hui et du futur.

La fraude serait désormais étendue aux falsifications relatives à la datation, à l'état ou à la provenance de l'œuvre d'art et ne serait plus limitée aux seules falsifications liées à la signature ou à la personnalité de l'artiste.

Si la finalité est d'améliorer la protection des consommateurs, de restaurer la crédibilité du marché de l'art et d'accroître la transparence et la fiabilité dans ce domaine, reste la difficulté inhérente à l'art d'appréciation de l'altération de sa vérité, tant la vérité en matière artistique est souvent difficile à établir et sujette aux aléas des connaissances et des techniques.

Je finirai en soulignant le signal fort que cette proposition de loi adresse aux auteurs de fraudes artistiques sur le caractère hautement répréhensible de leurs actions.

Si la loi Bardoux se distingue par ses effets peu dissuasifs, l'alourdissement du régime des peines devrait contribuer à rendre toute sa crédibilité à notre marché de l'art – qui occupe le quatrième rang mondial – et à protéger les amateurs d'art contre la tromperie, tout en garantissant la liberté de création des artistes.

Le groupe RDSE se félicite par ailleurs des modifications et enrichissements apportés par la commission. Il votera bien évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

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