Proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, madame l'ambassadrice, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler l'avis 111, énoncé en 2010, du Comité consultatif national d'éthique : « La conservation des vestiges humains ne saurait constituer un but en soi, a fortiori lorsqu'elle blesse l'identité des peuples dont ils sont issus. »
Le code civil nous rappelle que les restes humains des collections publiques ne peuvent pas être traités comme des biens ordinaires. Pierre Ouzoulias vient de le rappeler, « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort » et « les restes humains doivent être traités avec respect, dignité et décence ».
Le code du patrimoine les considère comme des biens publics inaliénables et imprescriptibles. Les principes d'inaliénabilité et d'intérêt public compliquent ainsi la procédure de déclassement. À ce jour, seule l'intervention du législateur permet de sortir de l'impasse. Ces dispositions restrictives font obstacle aux demandes de restitution, alors même qu'un large consensus se dégage autour de la nécessité de les rendre possibles.
En 2022, le Sénat a pourtant adopté l'article 2 d'une proposition de loi définissant un cadre général de sortie. Nous pouvons regretter, madame la ministre, qu'elle soit encore dans les tiroirs du Gouvernement et de l'Assemblée nationale.
Le Sénat n'a pas été le seul à évoluer sur ce sujet. Dès 1986, le code de déontologie du Conseil international des musées, reconnu par l'Unesco, a qualifié ces restes humains comme faisant partie des collections sensibles. Par ce faire, il les a exclus des collections classiques.
En 2007, l'ONU a adopté une résolution inscrivant un droit au rapatriement des restes humains.
En 2010, lors des débats sur la restitution des têtes momifiées maories, le législateur avait mené une réflexion sur les voies possibles pour permettre les restitutions sans élaborer des lois spécifiques.
En 2018, un rapport d'enquête a été remis à deux ministères. Il dressait l'inventaire de 150 000 restes humains conservés dans 249 musées de France et 23 universités.
En décembre 2020, la commission de la culture appelait de ses vœux l'adoption d'une disposition législative générale pour faciliter la restitution de restes humains à des pays tiers.
Ces nombreux travaux soulignent la nécessité de cette proposition de loi. À cet égard, je salue la persévérance de Catherine Morin-Desailly. En adoptant ce texte, nous fixons un cadre juridique général attendu depuis longtemps.
Ce texte est en cohérence avec la récente adoption d'un projet de loi-cadre relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.
Il s'inscrit en phase avec notre tradition de restitution. En effet, la France a toujours restitué les restes humains demandés.
En s'appuyant sur les progrès de la médecine et des connaissances sur l'évolution de l'humanité, cette proposition de loi prépare les prochaines demandes de restitutions. Je pense au groupe de travail sur l'Australie, madame l'ambassadrice. En cela, elle participe à l'amélioration constante de nos relations diplomatiques.
Surtout, si un bien culturel n'est pas un bien ordinaire, les restes humains ne sont pas des biens culturels ordinaires.
Au moment où notre société sur la notion de fin de vie, nous pouvons prolonger notre réflexion au-delà du trépas et considérer les restes humains avec toute la singularité et le respect qu'ils inspirent.
Cette proposition de loi nous y invite ; c'est la raison pour laquelle nous la soutenons. (Applaudissements.)
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