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Proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Fialaire, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues : « Rien n'est moins naturel que la démocratie, qui consiste à remplacer la violence, verbale ou physique, par des discussions, des compromis et des efforts collectifs. »

 

Ces propos de Dominique Schnapper témoignent de l'importance d'entretenir la flamme de la culture citoyenne pour que la démocratie reste vivante.

Aussi, je salue les travaux de la mission d'information visant à redynamiser la culture citoyenne, présidée par Stéphane Piednoir et dont Henri Cabanel était le rapporteur.

Celle-ci a identifié un parcours citoyen constitué de cinq étapes clés : l'école, la journée défense et citoyenneté, vestige du service militaire, les dispositions d'insertion sociale et les élections. Ce parcours forme un projet collectif fondé sur des références partagées par chacun.

Or, aujourd'hui, chacune de ces étapes s'effrite. Par conséquent, les références partagées s'étiolent et le projet collectif se délite. Il en résulte une « archipélisation de la société », pour reprendre l'expression de Jérôme Fourquet.

La mission d'information a cherché à identifier les maux dont souffre notre démocratie. Elle a formulé vingt-trois recommandations pour renforcer le lien entre le citoyen et les institutions, la proposition de loi de notre collègue Henri Cabanel reprenant celles dont la portée est législative.

Nous en sommes tous conscients : ce texte ne permettra pas, à lui seul, de réconcilier les citoyens, notamment les plus jeunes, avec la participation à la vie démocratique. Néanmoins, il permet d'agir afin d'éduquer et de former à la citoyenneté et de repenser les pratiques démocratiques. Voilà cent vingt ans déjà, Ferdinand Buisson disait : « Le premier devoir d'une République est de faire des républicains. »

L'article 1er de ce texte vise à recentrer l'enseignement moral et civique sur des objectifs concis. Je ne peux que saluer cette volonté politique.

La commission de la culture n'a eu de cesse, à chaque modification de cet article, de regretter la tendance du législateur à définir dans la loi le contenu des programmes.

Aujourd'hui, l'EMC souffre d'un contenu pléthorique, accentué par l'absence d'heures qui lui sont dédiées. Cela conduit à une perte de valeurs et de références partagées au sein de l'ensemble d'une classe d'âge.

En effet, par manque de temps, l'enseignant pioche des chapitres dans le programme en fonction de ses appétences, de sa maîtrise du sujet ou de ce qu'il estime intéressant pour ses élèves.

Comme le dirait Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur de l'éducation nationale, c'est la volonté collective qui pâtit d'un enseignement dépendant des choix du professeur.

La nouvelle rédaction de l'article L. 312-15 du code de l'éducation répare un oubli, celui de la mention du fonctionnement de la vie démocratique et des institutions. Or il s'agit de l'un des objectifs premiers de cette discipline.

Si la question de la formation des enseignants n'est pas abordée par ce texte, il semble primordial de mieux outiller les enseignants.

La commission de la culture l'a rappelé à de nombreuses reprises, qu'il s'agisse de la formation initiale ou de la formation continue.

Je suis ainsi frappé de voir que les épreuves du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (Capes) en histoire-géographie ne comportent aucune épreuve d'EMC.

Cette discipline incombe pourtant quasiment toujours aux professeurs de collège. Du fait de son absence au concours, les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) ne sont pas incités à approfondir cet enseignement lors de la formation initiale.

Il paraît essentiel que l'État joue pleinement son rôle de futur employeur et reprenne ainsi la main sur le contenu de la formation initiale des enseignants.

Par ailleurs, la défense des valeurs de la République ne doit pas être laissée sous la seule responsabilité des professeurs d'histoire-géographie. Elle doit fédérer l'ensemble de l'équipe pédagogique. Nous devons être attentifs à faire de leur transmission un projet partagé par l'ensemble de la communauté éducative.

L'article 2 concerne la journée défense et citoyenneté, qui a connu les mêmes dérives.

Initialement, elle était destinée à être un rendez-vous obligatoire pour l'ensemble d'une classe d'âge avec les personnes participant à la défense du pays. Aujourd'hui, le temps consacré aux questions de défense et d'engagement est inférieur à trois heures.

L'armée est consciente de la nécessité de faire évoluer cette journée et y travaille.

Je rappelle que notre assemblée a adopté, en juillet dernier, lors des débats sur la loi de programmation militaire, un amendement de notre collègue Henri Cabanel reprenant la rédaction de l'article 2 de ce texte.

Cet amendement a d'ailleurs été maintenu dans la suite de la navette parlementaire, avant d'être finalement censuré, car considéré comme un cavalier législatif.

La proposition de loi vise également, à l'article 3, à faciliter l'insertion des jeunes suivis par les centres de l'Épide. Comme un certain nombre d'entre vous, j'ai eu l'occasion de me rendre dans un de ces centres et de constater le travail important qui y est réalisé pour accompagner des jeunes en grande difficulté vers l'insertion.

Nous examinerons dans quelques minutes un amendement de la commission visant à préciser que l'accueil complémentaire de trois mois se fait dans la limite des places disponibles.

En effet, selon les informations qui m'ont été transmises par le ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion, le taux d'occupation dans les centres de l'Épide varierait, en fonction des établissements, entre 90 % et 95 %.

Je me réjouis de ce succès. En effet, la mission d'information avait souligné la nécessité de mieux faire connaître ces établissements, qui souffraient d'une visibilité insuffisante parmi les dispositifs proposés aux jeunes sans qualification ni diplôme.

Il me semble également important de renforcer le maillage territorial, en lien avec les collectivités locales, souvent demandeuses de l'installation d'un centre de l'Épide.

La directrice générale de l'Épide soulignait ainsi qu'une dizaine de départements avaient envoyé moins de cinq jeunes en cinq ans, en raison d'un maillage territorial trop faible.

J'en viens maintenant aux articles 4 et 5, qui visent à moderniser le processus électoral.

La société évolue. Aussi, je me félicite que le Sénat puisse débattre, en séance, d'une évolution de notre système électoral.

Force est de constater que nous nous déplaçons de plus en plus. Il faut donc s'adapter, et c'est ce que permet la double procuration.

En ce qui concerne l'envoi dématérialisé de la propagande électorale, je tiens à vous rassurer : il ne s'agit nullement de passer à une dématérialisation généralisée et obligatoire pour les électeurs.

Un tel système aurait au contraire un effet pervers, quatorze millions de Français ne maîtrisant pas le numérique.

En revanche, un certain nombre de nos concitoyens, notamment les plus jeunes, se disent intéressés par la perspective de recevoir ces documents de manière dématérialisée.

Nous sommes également tous conscients des difficultés logistiques que pose la distribution, dans un temps très court, de près de quarante-huit millions de plis.

Dans l'esprit des travaux de la mission d'information, la commission a élargi la possibilité d'un envoi dématérialisé des documents de propagande électorale à l'ensemble des scrutins locaux, ainsi que pour les élections européennes.

Enfin, ce texte vise à mieux reconnaître l'engagement des jeunes dans les mandats électoraux. Il est en effet parfois difficile de concilier l'exercice du mandat avec le déroulement des études. Or, à la différence des élus salariés, il n'existe pas, dans le code électoral, de garanties spécifiques pour les étudiants.

Le code de l'éducation ne prévoit pas non plus d'aménagements d'études en cas d'exercice d'un mandat électoral, alors même que d'autres engagements – associatifs, militaires, civils, professionnels – sont pris en compte.

La commission a donc réécrit l'article 6. Il lui a semblé plus judicieux de s'appuyer sur un dispositif existant qui a fait ses preuves, et qui répond aux besoins spécifiques des étudiants concernés.

Par ailleurs, elle a étendu ce dispositif aux mandats nationaux et européen. Le rajeunissement de la classe politique concerne également nos assemblées. D'ailleurs, deux de nos collègues députés étaient étudiants au moment de leur élection.

Mes chers collègues, cette proposition de loi s'inscrit dans un processus visant à guérir les fractures qui ont vu le jour entre les citoyens et les institutions.

En conclusion, permettez-moi de saluer en votre nom l'engagement de l'ensemble des élus locaux, et notamment des maires présents en tribune, qui sont un maillon essentiel de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

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