Proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises
M. Jean-Claude Requier, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je le dis sans détour : cette proposition de loi a tout d'un texte aride, strictement juridique et procédural. Elle ne soulèvera sûrement pas les foules. (Sourires.)
Cependant, elle tend à réparer un rouage non négligeable de notre institution judiciaire, puisqu'elle modifie l'article 367 du code de procédure pénale afin de clarifier les conditions dans lesquelles l'arrêt rendu par la cour d'assises peut valoir titre de détention.
En effet, cet article a fait l'objet d'une réécriture il y a un an par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, plus spécifiquement par son article 6 comportant diverses dispositions relatives à la cour d'assises.
L'une de ces dispositions prévoit d'abandonner l'obligation, pour la cour, de décerner un mandat de dépôt à l'encontre de l'accusé ayant comparu libre, lorsque celui-ci est condamné à une peine d'emprisonnement supérieure à dix ans.
À défaut de cette obligation, la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire prévoit que si l'accusé est condamné à une peine de réclusion criminelle, l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention sans qu'il faille décerner un mandat de dépôt spécialement motivé.
Pour obtenir ce résultat, il a fallu réécrire l'article 367 du code de procédure pénale. En toute transparence, cet article est difficile à lire, et il l'est encore plus pour qui n'est pas juriste. Toutefois, c'est dans sa réécriture que se trouve le nœud du problème. Je m'efforcerai donc d'être le plus synthétique possible, mes chers collègues.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 367 prévoit d'abord qu'une personne condamnée à une autre peine que la prison n'est évidemment pas incarcérée, non plus qu'une personne condamnée à une peine de prison déjà couverte par la durée de sa détention provisoire.
Cet article prévoit ensuite qu'une personne condamnée à plus de dix ans de prison, c'est-à-dire à une peine de réclusion criminelle, se verra immédiatement incarcérée à la suite du jugement, qu'elle soit détenue au moment de la décision ou non.
Il prévoit enfin qu'une personne condamnée à moins de dix ans de prison, si elle n'est pas détenue au moment du jugement, pourra se voir délivrer un mandat de dépôt directement par la cour d'assises, et ainsi être incarcérée dès le jour du jugement.
Tels sont les trois seuls cas visés par le texte. Or un autre a été oublié : celui d'une personne détenue au jour du jugement et condamnée à une peine de prison de moins de dix ans.
Ce détail a échappé aux députés, aux sénateurs, aux membres du Gouvernement et à l'ensemble de nos collaborateurs. Et comme – vous vous en doutez – je ne lis pas chaque matin les revues d'actualité juridique de droit pénal, c'est un article d'un journal satirique paraissant le mercredi, que le général de Gaulle appelait « Le Volatile », à savoir Le Canard enchaîné, en date du 27 avril 2022, qui m'a mis la puce à l'oreille. (Sourires.)
Quelle est la conséquence d'un tel oubli légistique ? Elle peut être radicale, puisqu'elle peut entraîner la libération d'une personne condamnée à une peine de détention. Le groupe du RDSE est certes favorable à la liberté, mais il y a des cas où celle-ci n'est, hélas !, plus possible. (Sourires.)
Le Gouvernement a remédié à cette bévue en prenant le décret du 25 février 2022 portant application de l'article 367 du code de procédure pénale. Ce décret règle la difficulté en autorisant expressément la cour d'assises à délivrer un mandat de dépôt lorsqu'une personne est condamnée à moins de dix ans de prison, quelle que soit sa situation au jour de la condamnation.
Cependant, je n'apprendrai à personne la teneur de l'article 34 de la Constitution : « la loi fixe les règles concernant […] la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ».
On ne peut donc pas remédier à cette carence de la loi par un décret, sauf à prendre le risque que celui-ci soit déclaré inconstitutionnel et légitimement annulé par le juge administratif.
La détermination des conditions dans lesquelles l'arrêt rendu par la cour d'assises peut valoir titre de détention relève du domaine législatif.
Le groupe du RDSE étant attaché à ce que la lettre de la Constitution soit respectée, je vous propose d'adopter cette proposition de loi, que notre rapporteure Maryse Carrère a améliorée en simplifiant encore sa rédaction pour que notre droit soit lisible et efficace.
Avant de lui laisser la parole, je souhaite dire un dernier mot sur la cause réelle et profonde qui justifie que nous examinions ce texte. Au-delà des questions de mandat de dépôt, de comparution et de réclusion criminelle, l'autre sujet en jeu est celui de l'inflation législative et de la surcharge du calendrier parlementaire.
Nous indiquons souvent dans cet hémicycle qu'il est de plus en plus difficile de bien écrire la loi. Les procédures accélérées n'ont plus rien d'exceptionnel. Pour ne prendre qu'un exemple, qui se souvient encore que le délai normal entre l'examen d'un texte en commission et en séance publique est, non pas d'une semaine comme c'est désormais toujours le cas, mais bien de deux semaines ? La dérogation est devenue la règle.
Dans ces conditions, les amendements sont rédigés trop rapidement et les articles examinés sans repos. Voilà comment, dans un texte comprenant soixante articles, une telle erreur a pu être commise. Elle est peut-être due à un défaut de vigilance de notre part, mais elle est certainement aussi la conséquence d'une tendance qui jusqu'au mois de juin dernier, était particulièrement flagrante.
Nous examinons trop de textes, ces derniers sont trop longs et ils sont traités dans des délais toujours trop courts. C'est aussi de cela dont il est question au travers de cette proposition de loi.
J'espère que nous l'adopterons et je forme le souhait que nous n'ayons pas à nous réunir trop souvent pour apporter ce type de correction. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SER. – Mme Marie Mercier et M. Marc Laménie applaudissent également.)
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