Proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises
Mme Maryse Carrère, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par le président Jean-Claude Requier et plusieurs membres du groupe du RDSE porte sur un sujet assez technique puisqu'elle concerne les règles d'incarcération d'un accusé condamné par la cour d'assises, tant que l'arrêt n'est pas définitif, dans l'attente d'un appel ou d'un pourvoi en cassation.
Cette proposition de loi vise plus précisément à corriger une malfaçon législative figurant à l'article 367 du code de procédure pénale dans un souci de sécurité juridique.
Cette malfaçon s'est produite à l'occasion de l'examen, l'année dernière, du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. L'Assemblée nationale a adopté un amendement, présenté comme rédactionnel, qui est à l'origine de la difficulté que je vous exposerai dans un instant.
Lors de l'examen du texte au Sénat, nous n'avons pas bien mesuré la portée de cet amendement, passé relativement inaperçu au milieu de dispositions plus substantielles que contenait le projet de loi.
Depuis 2011, l'article 367 du code de procédure pénale prévoit que l'arrêt de la cour d'assises condamnant l'accusé à une peine privative de liberté vaut titre de détention. S'il est condamné, l'accusé est donc incarcéré à l'issue de l'audience sans qu'il soit nécessaire de décerner un mandat de dépôt, à moins bien sûr que la durée de la peine soit déjà couverte par la détention provisoire.
La loi pour la confiance dans l'institution judiciaire a assoupli le principe selon lequel l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention afin de tenir compte de la situation des personnes qui comparaissent libres devant la cour d'assises et qui ne sont finalement condamnées qu'à une peine correctionnelle.
Pour ces personnes, une incarcération systématique à l'issue de l'audience n'apparaît pas forcément nécessaire. Dans cette hypothèse, la loi a donc prévu que l'incarcération ne serait plus automatique et elle a laissé le soin à la cour d'assises de décerner un mandat de dépôt si celle-ci estime que les éléments du dossier justifient une mesure particulière de sûreté.
Dans l'hypothèse où l'accusé comparaît détenu, il était en revanche envisagé de maintenir le principe selon lequel l'arrêt vaut titre de détention. Si l'accusé a été placé en détention provisoire, il paraît en effet logique de l'incarcérer à l'issue de l'audience s'il est condamné à une peine privative de liberté.
Le problème tient à la modification introduite par l'Assemblée nationale, qui a restreint l'application de ce principe à l'hypothèse d'une condamnation à une peine de réclusion criminelle. Plus rien n'est prévu, en revanche, dans le cas où l'accusé qui comparaissait détenu est condamné à une peine d'emprisonnement de nature correctionnelle, c'est-à-dire à une peine inférieure à dix ans d'emprisonnement.
Une lecture littérale de l'article 367 du code de procédure pénale pourrait conduire à libérer l'accusé qui était jusqu'alors placé en détention provisoire, alors que celui-ci vient d'être condamné à une peine de prison ferme. Une telle solution n'est ni cohérente ni conforme à l'intention du législateur.
D'après les informations que j'ai recueillies au cours des auditions, cette malfaçon législative n'a pas entraîné à ce jour de conséquence fâcheuse. Aucune libération inopportune n'est à déplorer, et aucun contentieux contestant une mesure d'incarcération n'a été recensé.
Le 25 février dernier, le Gouvernement a pris un décret qui a clarifié les règles applicables, en rappelant que l'accusé qui est détenu au moment où l'arrêt est rendu et qui est condamné à une peine d'emprisonnement ferme doit être incarcéré.
Cette disposition est cependant fragile juridiquement, puisque la procédure pénale relève en principe du domaine de la loi.
C'est la raison pour laquelle je vous invite à adopter la proposition de loi que nous examinons ce soir, en espérant que celle-ci sera inscrite rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
J'indique pour terminer que la commission des lois a adopté, en accord avec l'auteur de la proposition de loi, deux amendements.
Le premier vise à proposer une rédaction plus concise du texte. Les auteurs de la proposition de loi s'étaient inspirés de la rédaction du décret, qui énumère de manière très pédagogique toutes les hypothèses pouvant être rencontrées. Il nous a semblé préférable d'apporter une correction plus ponctuelle afin d'éviter que la loi soit redondante avec le décret.
Le second amendement tend à encadrer l'application du texte outre-mer.
Sous des dehors techniques, vous aurez compris, mes chers collègues, que ce texte a un objectif concret, puisqu'il s'agit d'éviter que des personnes condamnées, potentiellement dangereuses, soient remises en liberté de manière intempestive.
Je ne doute pas qu'il recevra pour cette raison un large soutien sur toutes les travées de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mme Agnès Canayer et M. Marc Laménie applaudissent également.)
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