Proposition de loi visant au gel des matchs de football le 5 mai
Permettez-moi également de saluer ici la mémoire de Bernard Tapie, dont on se rappelle la bravoure lors de cette catastrophe à laquelle il était présent, lui qui n'a pas hésité à rejoindre les équipes de secours pour tenter de sauver des décombres les supporters immobilisés.
Par-delà la question des effets de ce texte sur les compétitions de football professionnel, je tiens à souligner l'importance des enjeux soulevés par cette proposition de loi que sont la mémoire, la commémoration et la résilience.
Cependant, bien que je sois bien évidemment en accord avec le fond de ce texte, mes collègues du RDSE et moi-même nous interrogeons sur la pertinence de recourir à la loi pour régler cette question. En l'espèce, le législateur tente de réguler une situation qui, à nos yeux, relève d'abord de la compétence des instances sportives autonomes que sont la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel. Ces dernières se disent de leur côté prêtes à étendre les hommages, mais sans interdire les matchs. Je rappelle que la LFP plaide « en faveur d'une commémoration renforcée sur tous les terrains de France ».
Aussi, plutôt que d'interdire la tenue des matchs de football professionnel tous les 5 mai, il m'aurait paru plus convaincant de suivre l'exemple de nos voisins anglais. Après la catastrophe du stade d'Hillsborough qui a provoqué la mort de 96 personnes en 1989, divers dispositifs, tels que l'instauration d'une minute de silence, ont été mis en place en Angleterre.
Toutes les initiatives sont les bienvenues. Je pense par exemple au port d'un brassard noir. Je salue en ce sens l'action de l'AS Saint-Étienne (ASSE) qui, à l'occasion d'un match se tenant le 5 mai 2019, a créé des maillots spéciaux portant l'inscription « L'ASSE n'oubliera jamais, 5 mai 1992 ».
D'autres pays touchés par ce type de drame, comme la Grèce en 1981 ou la Belgique en 1985, ont également mis en place des dispositifs mémoriels équivalents, sans jamais annuler un match en guise de commémoration.
La mémoire ne résonne pas dans le silence. Si l'émulation est l'essence du football, comme le disait Pierre de Coubertin, alors nous devons honorer les victimes par le jeu, par la passion, par la ferveur, par le fait de laisser s'épanouir ce ciment social qu'est le football. Nous le savons, la pandémie de covid-19 a confiné nos stades et nos supporters trop longtemps. Les matchs à huis clos ne sont désormais plus qu'un mauvais souvenir, pour les supporters comme pour les joueurs, qui ont tous reconnu que jouer dans un stade vide ne procurait pas du tout les mêmes sensations.
Laissons vivre le souvenir dans l'action, dans l'émulation collective. Rendons hommage aux victimes en entretenant la flamme de leur passion.
En outre, pourquoi légiférer presque trente ans après le drame ? Il me paraît inopportun d'associer les auteurs de ce texte au phénomène de surenchère législative puisque la production de lois mémorielles relève de notre devoir de mémoire.
Le dispositif principal de cette proposition est à mes yeux contradictoire. Ne commémorons pas nos victimes dans le silence, mais faisons-le ensemble : taisons-nous ensemble pour elles, applaudissons-les ensemble, souvenons-nous ensemble.
Pour toutes ces raisons, notre groupe, à l'exception de l'un de ses membres, Jean-Noël Guérini, qui le votera par solidarité corse, ne prendre pas part au vote, bien que, je le répète, nous ne remettions pas en cause le fond de ce texte.
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