Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour reprendre un constat évident figurant dans le rapport d'information de mes collègues Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, le milieu de la pornographie est aujourd'hui avant tout un business, et un business qui peut rapporter gros.
Comme pour d'autres secteurs qui se situent souvent au-delà de la légalité, qu'il s'agisse de la prostitution ou des trafics en tous genres, il est difficile d'obtenir des statistiques précises sur l'ampleur et les caractéristiques du phénomène. On sait toutefois que les volumes d'affaires se chiffrent en milliards d'euros.
Ce secteur est aujourd'hui concentré dans les mains de quelques plateformes de diffusion à l'échelle mondiale, souvent d'origine nord-américaine. Leurs sièges sociaux peuvent être établis dans des paradis fiscaux et leurs activités se caractérisent souvent par une certaine opacité financière.
La diffusion et la consommation de contenus pornographiques sont massives et représentent le quart de la bande passante d'internet. Les plateformes dites pour adultes font partie des sites les plus consultés, comparables aux grands moteurs de recherche, aux réseaux sociaux, aux grands médias, etc. La France occupe – hélas ! – la quatrième place mondiale dans la consommation de contenus pour adultes.
Les critiques sur l'évolution de l'industrie pornographique ne sont pas nouvelles, notamment sur ses effets sur les consommateurs, en particulier les plus jeunes, mais pas uniquement, qu'ils soient volontaires ou accidentels. Ces critiques ont pris plus récemment un tour dramatique avec la révélation d'abus particulièrement graves, en France même, sur de jeunes femmes lors de la réalisation de tournages dits amateurs.
La massification et la banalisation de la pornographie peuvent entraîner la recherche de contenus toujours plus inventifs et, par conséquent, des pratiques de plus en plus extrêmes, voire violentes, sans le consentement réel des personnes. Nous devons donc nous interroger davantage sur les conditions de production des contenus pour adultes et sur les règles qui devraient les encadrer, et imposer, par exemple, des médiateurs du consentement ou des dispositifs comparables.
M. Loïc Hervé. Bien sûr !
Mme Véronique Guillotin. Il ressort des travaux de la délégation aux droits des femmes que ces abus touchent particulièrement l'industrie dite amateur, réalité qui cache en fait l'absence totale de garanties pour les jeunes femmes – ce sont elles le plus souvent les victimes – et une organisation digne des labels les plus établis.
La pornographie dite professionnelle n'est pas pour autant exempte de critiques. On sait de longue date que les conditions de travail lors des tournages et les conditions sanitaires les plus élémentaires ne sont pas respectées.
Un point important ressort des auditions menées l'année dernière : les actrices, qui refusent d'être assimilées à des prostituées, demandent à être reconnues en tant qu'actrices. Elles veulent que leur profession puisse s'organiser de façon à mieux défendre leurs droits, au moyen par exemple de syndicats interprofessionnels ou d'agences, à l'instar des acteurs classiques. En tant que cosignataire de la proposition de résolution, qui fait l'objet d'un consensus transpartisan, je me permets d'attirer l'attention sur ce point.
J'en viens maintenant au deuxième axe de la problématique : l'effet de la pornographie sur le public. Qu'on le veuille ou non, la pornographie occupe aujourd'hui une place importante, sans pour autant qu'il faille la considérer comme un produit de consommation classique.
L'accès à la pornographie des mineurs est problématique dans la mesure où ces contenus leur sont interdits par la loi. Le contrôle de l'âge est une difficulté réelle. Un dispositif de certification de l'âge, qui devrait être mis en œuvre cette année, est en cours d'élaboration. Je rappellerai pour ma part la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet, adoptée voilà un an. Sait-on si elle a d'ores et déjà produit des effets ?
L'accès des adultes à la pornographie est quant à lui autorisé en France et, plus largement, dans les pays occidentaux, mais il est souvent interdit ou limité dans le reste du monde. Pour autant, les effets de la pornographie sur les adultes ne devraient pas être négligés, soit parce qu'ils y ont été confrontés pendant l'adolescence, soit parce qu'elle contribue encore à donner une vision déformée de la sexualité. Enfin, les adultes ont naturellement une responsabilité dans leur propre usage de la pornographie et dans les conseils qu'ils doivent apporter aux mineurs. J'évoque là la question de l'éducation.
En conclusion, convaincus de la nécessité d'agir plus efficacement pour lutter contre les dérives de cette industrie, les membres du RDSE voteront cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE.)
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