Débat sur la mixité sociale à l'école
M. Bernard Fialaire. Monsieur le ministre, « la principale injustice de notre pays demeure le déterminisme familial, la trop faible mobilité sociale. Et la réponse se trouve dans l'école, dans l'orientation ». Ces mots sont ceux d'Emmanuel Macron lors de ses vœux aux Français en 2023.
Le secteur privé compte 40 % d'élèves très aisés, contre 20 % dans le public. Quelque 42 % des élèves du public sont issus de milieux sociaux défavorisés, contre 18 % dans le privé. Ces écarts se creusent à un rythme accéléré depuis les années 2010.
Vous avez indiqué vouloir impliquer l'enseignement privé sous contrat dans la poursuite de l'objectif de mixité sociale, consubstantiel à celui d'égalité des chances. Le taux de boursiers dans les écoles privées sous contrat est actuellement inférieur à 10 %, « un chiffre trop faible au regard de la composition sociale de nos effectifs scolaires », selon vos propres mots.
L'intégration, depuis la rentrée 2022, des lycées Louis-le-Grand et Henri-IV dans le système d'affectation Affelnet semble prometteuse. Les candidats parisiens y sont recrutés non plus sur dossier, mais en fonction de leur proximité géographique et de caractéristiques sociales, et des quotas d'élèves boursiers sont désormais appliqués. Parmi les secondes, la part d'élèves de catégories moyenne et défavorisée est ainsi passée de 13 % à 29 % à Louis-le-Grand et de 12 % à 22 % à Henri-IV.
L'entrée de ces deux établissements dans Affelnet semble avoir produit un effet incitatif sur les élèves parisiens, qui sont plus nombreux à avoir candidaté – +29 % – par rapport à l'an dernier, et qui proviennent de collèges plus divers.
Devant la délégation sénatoriale à la prospective, Jacques Attali a recommandé la présence de 20 % à 30 % d'élèves issus de familles défavorisées dans tous les établissements. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à imposer ce niveau de mixité sociale dans le public et dans le privé sous contrat ? Si tel est le cas, comment comptez-vous y parvenir ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Fialaire, vous avez souligné l'écart entre les taux de boursiers dans le privé sous contrat et dans le public : il est inférieur à 10 % dans le premier, alors qu'il avoisine 29 % dans le second, soit un rapport d'un à trois.
Il faut le réduire, et c'est le sens du protocole que j'espère signer dans quelques semaines, avec des engagements précis de la part des établissements privés sous contrat. Je vous confirme l'intérêt de leurs organisations représentatives pour cette question. Il reste un certain nombre de points à régler, concernant, notamment, la restauration scolaire, mais nous avançons, avec l'aide des collectivités.
Vous avez très justement mentionné le cas des lycées Louis-le-Grand et Henri-IV. Dans la situation issue de la réforme d'Affelnet, des lycéens de Louis-le-Grand, par exemple, peuvent venir de zones distantes du lycée, parce que le quartier dans lequel celui-ci est situé ne garantit pas une mixité sociale très intense.
Nous utilisons les moyens de transport très denses de Paris, en particulier la ligne du RER B, pour acheminer vers ce lycée des élèves qui en sont géographiquement éloignés. Ceux qui habitent dans le nord de Paris peuvent ainsi s'y rendre en une demi-heure environ. La proximité géographique compte moins que le temps de transport, ce qui offre beaucoup de possibilités dans une ville comme Paris.
Cette réforme a donné d'excellents résultats ; sa mise en œuvre nécessite un travail très fin, avec des calculs impliquant les modes de transport, et aboutit à une carte à l'allure parfois baroque. Mais c'est à cette condition que nous avons pu obtenir des résultats probants pour des lycées qui étaient en quelque sorte hors normes par leur recrutement, mais également par leurs résultats scolaires.
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