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Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d'un enlèvement parental

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

 

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, neuf ans après l'adoption par le Sénat d'une proposition de résolution sur la situation des enfants franco-japonais privés de l'un de leurs parents à la suite d'un divorce ou d'une séparation, force est de constater que ce dossier demeure toujours très sensible.

L'actualité se fait régulièrement l'écho de la détresse de ressortissants français privés de leur enfant consécutive à un enlèvement ou à la non-exécution d'une décision de justice. Des cas de déchirement familial conduisent parfois au pire, certains parents ne trouvant pas d'autre issue que celle du suicide. D'autres risquent la prison en essayant de renouer le lien avec leur enfant, comme ce fut le cas d'un journaliste australien incarcéré après avoir tenté d'apercevoir ses enfants qu'il n'avait pas vus depuis plusieurs mois. Selon l'association Sauvons nos enfants Japon, près d'une centaine d'enfants seraient privés de contact avec leur parent français.

Aussi, certains collègues représentant les Français établis hors de France sont très actifs sur cette problématique – à cet égard, je remercie Richard Yung d'avoir déposé une nouvelle proposition de résolution. Je salue leurs initiatives pour faire avancer la coopération franco-japonaise sur les droits de ces enfants et de ces parents emportés dans un profond désarroi.

En 2011 déjà, lors du débat en séance publique sur la proposition de résolution précitée, j'avais souligné à quel point la combinaison de la culture japonaise et des standards judiciaires de l'archipel pouvait offrir un cadre favorable au parent japonais. Sur le plan culturel, si la France et le Japon ont en commun le respect des valeurs de liberté et de démocratie, ils n'ont cependant pas la même conception de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Au Japon, la maison est vue comme entité de la famille et considérée comme un pôle de stabilité sanctuarisé, un point d'ancrage important pour l'enfant, qui doit donc y demeurer coûte que coûte. La justice nipponne s'inscrit dans cette tradition de continuité, héritée de l'ère Meiji qui prévoit, en cas de séparation, que l'un des parents sorte de la famille, donc de la maison.

Nos concitoyens concernés par une séparation avec un ressortissant japonais en mesurent concrètement les conséquences. La proposition de résolution le rappelle : le droit nippon de la famille « ne reconnaît ni le partage de l'autorité parentale, ni la garde alternée ».

En France, l'équilibre d'un enfant passe par le lien continu avec ses deux parents, le maintien du contact affectif et relationnel étant considéré comme un facteur du bien-être psychique et moral de l'enfant. Nos juges tentent de le permettre du mieux possible.

Ces deux réalités pourraient paraître irréconciliables, d'autant plus que nous sommes tenus de respecter la souveraineté du Japon.

Cependant, le Japon a montré des signes d'ouverture. Dans la résolution du 25 janvier 2011, nous appelions Tokyo à adhérer à la convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international de l'enfant. C'est chose faite depuis 2014. Cette adhésion est censée apporter des garanties en matière de droit de garde et de droit de visite.

Comme cela a été rappelé par certains collègues, un espoir se fonde sur la loi relative à l'exécution des décisions en matière civile, adoptée par le Parlement japonais le 10 mai 2019 et qui pourrait améliorer aussi les conditions de la remise de l'enfant au parent détenteur de l'autorité parentale.

Malgré ces avancées, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies l'a reconnu, le Japon ne répond pas encore à ses obligations conventionnelles, en particulier en ce qui concerne les déplacements et les non-retours illicites d'enfants, ou encore les cas de déplacement d'enfants à l'intérieur du territoire japonais sans dimension d'extranéité. À cet égard, la présente proposition de résolution évoque à juste titre le défaut d'exécution d'ordonnances de retour en application de la convention de la Haye.

Dans l'intérêt de ces enfants, il convient donc d'amplifier les démarches en direction du Japon. La mobilisation du Président de la République sur ce dossier lors de sa visite officielle au Japon, en juin dernier, mérite d'être soulignée. Elle pourrait bien encourager le rétablissement du comité consultatif franco-japonais relatif à l'enfant au centre d'un conflit parental ; ainsi, tous les cas qui ne sont pas couverts par le droit international actuel pourraient être traités. Nous savons que le Gouvernement œuvre à la réactivation de cette instance qui a, hélas, cessé de fonctionner en 2014.

Enfin, je rappellerai la nécessité de mutualiser les actions diplomatiques avec les pays concernés par la question des enfants binationaux privés de tout lien avec leur parent non japonais. La France n'est pas seule. Le Sénat a adopté, le 18 décembre dernier, une proposition de résolution européenne, dont ma collègue Véronique Guillotin était rapporteure, qui va dans ce sens en appelant l'Union européenne à accentuer sa politique de protection des enfants qui se trouvent au centre d'un conflit parental. Mon groupe avait bien entendu soutenu ce texte.

Aujourd'hui, animés par le même souci de contribuer à la protection de l'intérêt des enfants binationaux, tous les membres du RDSE approuveront la proposition de résolution qui nous est soumise. Dans un monde de plus en plus cosmopolite où se multiplient les couples binationaux, le droit international et la coopération judiciaire doivent se mettre à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et LaREM. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

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