Proposition de résolution proposant au Gouvernement de renforcer l'accès aux services publics
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord saluer l'initiative de notre président, Jean-Claude Requier, auteur de cette proposition de résolution qui pointe du doigt un sujet certes bien connu depuis de nombreuses années, mais, hélas ! toujours aussi actuel.
Parler de crise du service public, c'est faire renaître une vieille marotte du discours sur l'administration française. Nous pourrions croire qu'il s'agit d'un phénomène né de l'émergence de ce que certains qualifient de néolibéralisme, qui a pu conduire à une forme de porosité de la frontière entre les sphères du public et du privé. Il y a là du vrai : il semble que le modèle de l'État providence ne soit plus, depuis longtemps, privilégié par nos institutions. Les politiques publiques favorisent désormais les interventions d'acteurs privés et tendent à restreindre l'État à ses seules missions régaliennes.J'ai aussi le sentiment que le service public est né en crise et qu'il a toujours subi des vagues d'attaques et de remises en cause. Aussi, le Sénat en tant que représentant des collectivités territoriales, doit tout mettre en œuvre pour défendre cette pierre angulaire de la solidarité sociale et de la cohésion territoriale.
Le service public est le moyen d'assurer l'égalité dans notre pays : l'égalité de l'accès aux soins, aux transports, à l'école, aux services des impôts, à la sécurité ; d'ailleurs, sur ce dernier thème, nous traiterons dans quelques jours des moyens budgétaires de la justice. Ceux-ci devraient continuer d'augmenter et d'être significatifs dans les années à venir ; cette tendance doit s'élargir aux autres administrations.
Ce n'est pas la première fois que notre groupe s'inquiète de l'état des services publics dans notre pays, comme Jean-Claude Requier l'a rappelé tout à l'heure. Je pense aux travaux de Raymond Vall sur l'illectronisme et à ceux d'Alain Bertrand sur l'hyperruralité : ils soulignaient, l'un comme l'autre, à quel point nos territoires subissaient une forme de précarité administrative que le numérique était bien incapable de combler.
Voici deux ans, nous avons consacré dans la loi le principe de différenciation territoriale. Je crois qu'il faut qu'il soit associé aux services publics.
Le cas de la ruralité l'illustre parfaitement : derrière ce mot, nous trouvons des territoires aux caractéristiques souvent très différentes. La ruralité rassemble, comme les zones urbaines, des populations hétérogènes qui ont des modes de vie très différents.
Cette diversité est source de difficulté pour l'implantation des services administratifs, parce qu'il est nécessaire d'adapter les politiques publiques aux besoins de chaque territoire, au plus près de leurs habitants. Certes, il existe un socle commun de services indispensables, mais il est nécessaire d'adapter les dispositifs nationaux aux populations des zones rurales.
Cela doit passer par un accompagnement des projets locaux. Le groupe RDSE est à l'origine de l'initiative parlementaire qui a permis la mise en place de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. Le bilan de son action est peut-être encore mince, mais cette insuffisance ne tient qu'à l'étendue des défis auxquels l'agence est confrontée.
Nous saluons également, dans un autre registre, la mise en place du réseau France Services, créé en 2019, et l'établissement de maisons de services au public, même s'il reste à parfaire le maillage territorial et à renforcer les services qui y sont apportés. Nous identifions des progrès à accomplir. De ce point de vue, le manque de moyens se fait largement sentir. Nous appelons donc de nos vœux la pérennisation des moyens déjà offerts, voire un accompagnement supplémentaire des collectivités qui ont relevé le défi de créer des espaces France Services.
Oui, la question des moyens est fondamentale. Nous pourrons établir tous les plans et schémas possibles – je pense aux schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services au public, ou encore aux schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires –, mais toute programmation sera vaine si elle ne s'accompagne pas de son pendant budgétaire.
Les réponses apportées à ces problématiques ne se trouveront pas dans le réflexe, hélas trop courant, de la dématérialisation. Certes, celle-ci permet d'éviter des files d'attente aux guichets ou des déplacements chronophages et, de ce point de vue, il faut y voir une facilité incontestable pour de très nombreux citoyens. Mais encore faut-il que l'administré soit à même de recourir à cet outil !
Je crois qu'il est possible de trouver d'autres solutions : le numérique n'a pas le monopole de la simplification. Au contraire, s'il simplifie parfois, il peut aussi priver certains usagers de toute autonomie.
J'entends donc la nécessité de poursuivre le développement de ces services numériques, mais il faut aussi les adapter pour nos concitoyens qui souffrent de ne pas savoir s'en servir. Surtout, il est impératif que la numérisation se fasse en parallèle, et non en lieu et place, du développement des guichets physiques, pour qu'il n'y ait pas de génération sacrifiée.
Toutes ces remarques vont dans le sens de la proposition de résolution dont nous débattons. Notre groupe votera donc unanimement en faveur de son adoption. (Exclamations sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
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