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Proposition de résolution visant à encourager le développement de l'assurance récolte

Dans la discussion générale, la parole est à M. Yvon Collin, auteur de la proposition de résolution.

 

 

 

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en pleine crise sanitaire, la filière agroalimentaire a démontré sa capacité à garantir aux Français confinés l'accès à une diversité de produits agricoles et alimentaires – j'ai déjà eu l'occasion de le dire pendant les questions d'actualité au Gouvernement.

Si beaucoup de nos concitoyens ont dû cesser leur travail, la grande majorité des agriculteurs ont continué, sur leur exploitation, d'assurer la production, malgré les difficultés et les risques. Le maintien de la chaîne alimentaire dans son ensemble, de l'amont à l'aval, a en effet pris, dans cette épreuve difficile, un caractère éminemment stratégique. En témoigne l'inquiétude de certains de nos concitoyens qui – on s'en souvient –, au début de l'épidémie, ont cru bon de stocker des aliments.

Aussi n'est-il pas inutile de rappeler l'impérieuse nécessité de préserver cette richesse agricole qui irrigue notre territoire et pèse dans l'économie du pays. La France est en effet riche de ses agriculteurs, mais pour combien de temps encore ? Chaque semaine, deux cents fermes mettent la clé sous la porte. Quant à tous ceux qui restent, force est de leur reconnaître un certain courage, et même un courage certain, allant parfois jusqu'à l'abnégation, car – on le sait – l'horizon agricole est fait de nombreux aléas, menaçant parfois l'investissement de toute une vie. Problèmes sanitaires, volatilité des marchés, aléas climatiques : ces fléaux frappent régulièrement les agriculteurs, et parfois de façon cumulée.

Aujourd'hui, je veux évoquer plus particulièrement l'aléa climatique, qui est au cœur de la proposition de résolution que le RDSE a décidé de soumettre à votre examen. On le constate chaque année : les intempéries sont de plus en plus fréquentes. Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a rappelé, dans son dernier rapport, qu'il fallait s'attendre à ce que « le réchauffement climatique provoque des événements météorologiques extrêmes plus intenses, tels que des sécheresses, des pluies diluviennes et des ouragans plus fréquents ».

Cette réalité, hélas, nos agriculteurs la vivent depuis quelques années. Souvenons-nous de l'année 2018, particulièrement difficile, avec, l'été, une sécheresse atypique, et un déficit hydrique qui s'était prolongé durant l'automne. L'année dernière encore, 86 départements avaient été concernés par des restrictions d'eau, et de violentes averses de grêle avaient dévasté, parfois en totalité, des vergers dans la région de Bordeaux, en Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi qu'en Occitanie. Cette année, ce n'est guère mieux : une sécheresse s'abat un peu partout sur des sols fragilisés par les épisodes des années précédentes.

Face à cette situation, les exploitants tentent de garder la tête hors de l'eau, si je puis m'exprimer ainsi. Ils essaient de protéger leurs champs. Quand cela est possible, ils ont recours à des moyens de protection préventifs, notamment en arboriculture et en viticulture, par exemple la pose de filets anti-grêle. Mais ces techniques ne suffisent pas à limiter les dégâts. Et quand le drame arrive, les récoltes sont bien souvent totalement abîmées, parfois anéanties.

Dans ces conditions, de nombreux exploitants voient leurs revenus affectés. En moyenne, un agriculteur subit actuellement une perte de revenus de 20 % tous les trois à quatre ans – pour les arboriculteurs, la perte est de 30 % tous les 3,6 ans.

Comme vous le savez, mes chers collègues, le risque climatique est partiellement pris en charge à la fois par les assurances et par l'État. Mais, comme je l'ai rappelé, ce risque étant de plus en plus prégnant, on doit se poser la question de l'efficience du système actuel d'assurance et d'indemnisation des dommages et des pertes d'exploitation.

Aujourd'hui, ce système est composé de deux piliers.

Les agriculteurs peuvent se tourner vers le régime des calamités agricoles, qui a été créé en 1964, financé par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Ce régime permet d'indemniser les agriculteurs en cas d'aléas climatiques non assurables. En tant qu'élus, nous connaissons bien ce régime – ce n'est pas sans fébrilité que nous attendons le fameux arrêté ministériel de reconnaissance de l'état de calamité agricole lorsque notre département est concerné par des intempéries.

En 2005, l'État a transféré une partie du risque aux assureurs. Depuis, l'offre a été améliorée, avec le lancement, en 2015, du contrat dit « socle ». Dans le cadre de ce contrat socle, en cas de sinistre, l'agriculteur est couvert au niveau d'un prix de vente calculé sur les trois dernières années ou sur la moyenne olympique des cinq dernières années.

Je rappelle que ce premier niveau, qui peut être déclenché à partir d'un seuil de 30 % de pertes, bénéficie d'une subvention publique au taux maximum de 65 %. Il permet ainsi à l'assuré de poursuivre son activité et de relancer un cycle de production après avoir subi des pertes de rendement dues à un événement climatique.

Un second niveau de couverture, subventionnable à un taux inférieur allant jusqu'à 45 %, permet à l'agriculteur d'être indemnisé sur la base de son chiffre d'affaires.

Enfin, un troisième étage, non soutenu par des aides publiques, permet de souscrire une garantie complémentaire comprenant par exemple une réduction ou un rachat de franchise, ou encore une prise en compte des frais de resemis.

L'Union européenne participe aux deux premiers niveaux de garantie par la prise en charge partielle des primes ou cotisations d'assurance, via les aides puisées dans le second pilier de la politique agricole commune (PAC).

Malgré ce soutien, qui s'est amélioré au fil des décennies, la diffusion de l'assurance récolte progresse très lentement et inégalement selon les cultures : 30 % des surfaces viticoles et 26 % des grandes cultures sont couvertes par un contrat multirisque climatique, tandis que le taux de couverture est très marginal pour les exploitations d'arboriculture, et nul pour les prairies. Par conséquent, de nombreux agriculteurs se trouvent le plus souvent démunis face à un sinistre.

Plusieurs raisons expliquent ce manque d'attractivité.

Les exploitants agricoles considèrent le coût des primes comme trop élevé, et l'exigence d'un taux de perte de 30 % est jugée trop haute.

Pour ce qui est de l'indemnisation au titre des calamités agricoles, plusieurs reproches lui sont adressés. Parmi ceux-ci, les sinistrés pointent la lenteur des procédures – le délai avant prise en charge peut aller jusqu'à dix-huit mois –, l'inadaptation des seuils, notamment ceux qui s'appliquent à la couverture des exploitations en polyculture – ce problème est récurrent –, les limites du zonage de l'indemnisation, ou encore le fait que le prix de vente assurable soit calculé sur la moyenne olympique.

En outre, pour l'arboriculture et les prairies, l'assurance récolte et le régime des calamités agricoles entrent en concurrence, ce qui peut engendrer des situations inéquitables : il arrive qu'un agriculteur assuré soit moins bien indemnisé que celui qui est dédommagé par le Fonds national de gestion des risques en agriculture.

Certes, l'exploitant peut aussi compter sur d'autres outils pour faire face à un sinistre. Je pense en particulier au dispositif de déduction pour épargne de précaution. Ce dispositif suppose toutefois de pouvoir mobiliser de la trésorerie sur plusieurs années ; il exige donc un niveau de revenu permettant cette épargne.

Monsieur le ministre, vous connaissez bien tous ces obstacles, et vous savez la faiblesse du taux de couverture des risques climatiques chez les exploitants. Aussi avez-vous lancé, en juillet dernier, une concertation entre le monde agricole et les assureurs afin d'améliorer les choses. Sans doute aurez-vous des éléments à nous communiquer sur l'état de ces négociations.

Quoi qu'il en soit, les pouvoirs publics doivent rester mobilisés pour construire un système plus attractif que celui qui a cours aujourd'hui.

Le Sénat est globalement vigilant sur cette question. Au-delà de la proposition de résolution que le RDSE présente aujourd'hui, je rappellerai le travail de nos collègues de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation, qui a fait des propositions pour mieux protéger le secteur agricole face aux intempéries.

Il y a donc là, du moins sur le principe, un sujet qui nous rassemble. C'est pourquoi mon groupe souhaiterait que soit clairement exprimée la nécessité d'encourager la couverture des risques climatiques auxquels sont confrontées les exploitations. Pour parvenir à cet objectif, nous avons fait quelques recommandations que mon excellent collège Henri Cabanel développera au cours de la discussion générale.

En attendant, mes chers collègues, je vous invite à porter un regard bienveillant sur notre texte, qui s'attache en somme à mieux sécuriser l'avenir des acteurs du monde rural, en réponse à leur investissement. Cet investissement contribue à faire de notre pays une grande nation agricole ; et, bien sûr, nous entendons le demeurer. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, LaREM et UC, ainsi que sur des travées des groupes SOCR, Les Indépendants et Les Républicains.)

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