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Débat sur la nécessité de former davantage de médecins et soignants

M. Raphaël Daubet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quand on connaît le nombre de villages qui recherchent désespérément un généraliste,…

 

M. Michel Savin. Et de villes !

M. Raphaël Daubet. … quand on voit la situation des services de gérontologie dans les hôpitaux périphériques, quand on sait que nombre de médecins sont contraints, comme cela a été mon cas, de fermer leur cabinet sans avoir trouvé de successeur, l'intitulé de ce débat « sur la nécessité de former davantage de médecins et de soignants » pourrait franchement passer pour une provocation aux yeux de nos concitoyens !

Pourtant, je veux remercier le groupe CRCE-K, car ce débat pose de vraies questions. Les projections démographiques sont-elles suffisantes ? Prend-on en compte l'attractivité des filières ? Comment résorber les inégalités territoriales ?

Je souhaite sincèrement, madame la ministre, que ce débat soit suivi d'effets, pour une simple et bonne raison : au-delà des enjeux de santé publique, la situation médicale est aujourd'hui ce qui alimente le plus, avec le délabrement des services publics, le sentiment de déliquescence, l'angoisse de l'avenir et la colère de nos concitoyens.

Pour les professions médicales, le numerus apertus est essentiel afin de redresser la démographie. Mais je vous le dis tout net : le nombre de places ouvertes au concours n'est pas à la hauteur des enjeux. J'ai examiné les projections de très près. On nous annonce que la densité des médecins généralistes connaîtra une augmentation de 23 % en 2050 – ce n'est donc pas demain –, ce qui la portera à 172 généralistes pour 100 000 habitants. Eh bien, c'est exactement la densité du Limousin en 2012, à une époque où l'on parlait déjà de désertification médicale !

Pour les chirurgiens-dentistes, la densité s'accroîtra de 40 % en 2050. Heureuse nouvelle a priori… On atteindra 78 chirurgiens-dentistes pour 100 000 habitants. Eh bien, c'est huit de moins que la densité actuelle en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) !

Le plus inquiétant, c'est que ces prévisions ne tiennent pas compte des facteurs sociétaux, de l'évolution des pratiques et de la baisse du temps médical, que l'on a évidemment du mal à évaluer.

De surcroît, ces chiffres intègrent le flux des soignants diplômés à l'étranger, sur lequel nous n'avons aucune prise.

C'est particulièrement inquiétant pour les chirurgiens-dentistes, puisque la moitié, j'y insiste, des inscrits au tableau de l'Ordre cette année sont diplômés de l'étranger. Plutôt que d'ouvrir le robinet du numerus clausus, on laisse nos jeunes aller se former dans les pays voisins à 10 000 euros ou 12 000 euros l'année, ce qui exclut de facto les enfants de milieux défavorisés.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !

M. Raphaël Daubet. C'est à la fois une rupture d'égalité scandaleuse, un coup porté à l'excellence universitaire française et une remise en cause de notre souveraineté, puisque, sans ces diplômés étrangers, nous sommes incapables de répondre au besoin de soins de la population.

Notre nation aura renoncé à sa capacité de former la totalité des soignants utiles au pays. Il faut donc augmenter le nombre de places au concours, pour atteindre des seuils de densité suffisants bien avant 2050.

La massification des étudiants est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante pour résoudre les disparités géographiques. Il faut y associer des dispositifs de régulation : l'État, les pouvoirs publics et le monde universitaire doivent se doter d'une stratégie d'aménagement du territoire – créer des options santé dans les lycées, développer les stages dans les territoires, ouvrir les hôpitaux périphériques aux internes.

Bref, il faut se donner les moyens d'une politique déconcentrée pour garantir le déploiement équilibré de l'offre de soins sur le territoire national.

Je n'ai malheureusement pas le temps d'aborder la question des pharmaciens, des sages-femmes, des kinésithérapeutes, des infirmiers, des aide-soignants, autant de professions dont la démographie, le statut ou l'attractivité doivent nous préoccuper.

Madame la ministre, former des soignants, c'est investir dans l'humain et dans l'avenir. Le RDSE vous alerte sur la nécessité de recalibrer les ambitions à la fois sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif. Nous nous tenons à votre disposition pour vous proposer des solutions concrètes. Comment comptez-vous vous y pendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Je fais un peu la même analyse que vous : on a vraiment manqué d'anticipation pour les trente années qui viennent. (M. Pascal Savoldelli s'exclame.)

Depuis 2017, nous enregistrons néanmoins un rebond, grâce à la suppression du numerus clausus et à l'accueil de davantage d'étudiants dans les universités. Pour ce faire, il faut certes des locaux, mais aussi des professeurs, ainsi que des stages à la hauteur de la formation. Tout cela s'est mis en place, mais il existe toujours un temps de latence.

Quoi qu'il en soit, je suis tout à fait favorable à une politique déconcentrée pour les formations, car je crois que c'est cela qui fera connaître les territoires à nos jeunes étudiants.

La loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (OTSS) de 2019 a mis en place une planification pluriannuelle du nombre de professionnels à former pour répondre aux besoins du système de santé, réduire les inégalités d'accès aux soins et permettre l'insertion professionnelle des étudiants. Des objectifs nationaux pluriannuels de professionnels à former pour cinq ans – 2021-2025 – ont été ainsi arrêtés par les ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur après la tenue d'une conférence nationale chargée de présenter des propositions concrètes.

Cette première conférence s'est tenue en mars 2021. Il revient ensuite aux universités et aux écoles de maïeutique, en lien avec les agences régionales de santé (ARS), de déterminer le nombre d'étudiants à admettre chaque année pour atteindre les objectifs de professionnels à former.

Ces objectifs sont quelquefois différents selon les territoires, car la situation n'y est pas la même, mais, au-delà des approches diverses, l'ambition commune est d'avoir une régulation quantitative.

Le numerus clausus fixait directement un nombre d'étudiants autorisés à poursuivre dans les études de santé. À l'inverse, la détermination d'objectifs nationaux pluriannuels de professionnels à former implique la concertation des acteurs et impose une approche territoriale d'analyse prospective des besoins en professionnels, en fonction des besoins de santé.

Fixer un objectif pluriannuel donne donc plus de latitude aux acteurs locaux. Nous travaillerons en 2025 sur la feuille de route 2026-2030.

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