Débat interactif sur la prolongation de l'Etat d'urgence
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, notre pays fait face à une crise inédite, inédite par sa soudaineté, sa gravité, et du fait de notre méconnaissance du virus.
La prolongation pour deux mois de l'état d'urgence est une mesure de prudence nécessaire, car le déconfinement – il faut le rappeler ici – n'est pas synonyme de fin de l'épidémie, une deuxième vague n'étant pas à exclure.
Ces derniers jours, un débat s'est engagé au sein de la société et de notre assemblée sur la ligne de crête qui existe entre la protection des libertés individuelles et la protection de la santé publique. L'efficacité du traçage des cas contacts dépendra en effet de multiples facteurs, dont l'adhésion de la population et des professionnels de santé de première ligne. Or des questions restent encore aujourd'hui en suspens concernant le respect de la vie privée, la protection des données individuelles et du secret médical pour les médecins.
Pour ma part, je m'interroge sur la cohérence du discours des pouvoirs publics : d'un côté, la restriction de certaines libertés publiques est présentée comme indispensable pour lutter contre le Covid-19, de l'autre, l'extension du port obligatoire du masque, justifiée médicalement, est laissée dans le flou.
D'autres pays ont diffusé des messages clairs à ce sujet. Je pense par exemple au Luxembourg, où le masque est depuis aujourd'hui obligatoire dans toutes les situations – transports en commun, magasins –, partout où une distance de 2 mètres ne pourra être respectée.
En France, ce message me semble brouillé. Le masque est recommandé, mais pas obligatoire, sauf dans les transports publics et dans les commerces qui le demandent. Or on sait qu'une information précise conditionnerait le respect des consignes et apaiserait les tensions dans l'espace public. On sait aussi que l'efficacité d'un masque porté, retiré, puis reporté, potentiellement avec des mains n'ayant pu être lavées, décroît considérablement.
Aussi, ma question est la suivante : pourquoi ne pas rendre obligatoire le port du masque dans tous les lieux publics, au besoin exclusivement dans les zones rouges si vous préférez une mesure plus restreinte, conformément aux recommandations du conseil scientifique et de l'Académie de médecine, et comme le demandent de nombreux élus ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Merci pour votre question, madame la sénatrice Guillotin.
Les recommandations sont claires : le port du masque est recommandé en population générale dès lors que les gestes barrières et la distanciation physique ne sont pas applicables. Le pays que vous avez cité le recommande dès lors que la distanciation physique n'est pas possible.
Le port du masque est recommandé dans les magasins, parfois sur le lieu de travail. Il sera rendu obligatoire dans les transports en commun, où il sera plus difficile qu'ailleurs de faire respecter la distanciation physique. On sait également qu'il sera difficile pour les enseignants de faire respecter les règles de distanciation à l'école, car on ne peut pas garantir que les enfants, qui courent partout, les appliqueront en toutes circonstances. En outre, un enseignant pourra être amené à intervenir auprès d'un enfant et à se rapprocher de lui. Pour ces raisons, le port du masque sera donc obligatoire. Dans les autres situations, il sera recommandé, conformément aux préconisations, qui ont beaucoup évolué, je le rappelle, depuis le 1er avril, et que nous avons suivies tout à fait naturellement. Le port du masque fait partie de l'arsenal que nous mettons en œuvre pour lutter contre une reprise épidémique.
Permettez-moi de vous poser une question. Imaginons que l'on rende le port du masque obligatoire dans la rue pour tous les Français : cela signifie qu'un mécanisme de sanction devra être prévu pour ceux qui ne le porteront pas. Or la distanciation physique, le lavage des mains, le fait de tousser dans son coude, de ne pas mettre dans sa poche un mouchoir usagé afin de pouvoir le réutiliser plus tard si on venait à en avoir besoin, sont des gestes barrières absolument essentiels, dont on sait, depuis le début, qu'ils fonctionnent. Pour autant, nous n'avons pas rendu leur application obligatoire dans la sphère publique. Personne ne se verra infliger une amende parce qu'il aura toussé dans sa main sans faire attention ou parce qu'il se sera touché le visage.
Nous sommes aujourd'hui dans la même logique d'accompagnement des Français. Nous leur faisons confiance et nous comptons sur leur sens des responsabilités. Cela étant, vous avez raison, les consignes doivent être claires, y compris concernant l'usage du masque. Nous aurons l'occasion d'y revenir auprès du grand public dans les jours qui viennent, en prévision du 11 mai.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en un seul semestre, notre pays aura connu trois périodes totalement distinctes, et ô combien singulières : celle d'avant le confinement, où on ignorait à peu près tout du Covid-19 ; celle du confinement, à partir du 17 mars, où, à juste titre, l'impératif sanitaire l'a emporté sur toute autre considération ; puis, à partir du 11 mai, la période que nous appelons, un peu vite sans doute, celle du déconfinement, période inédite durant laquelle notre pays devra conjuguer cette fois l'impératif sanitaire et l'impératif économique et social.
Il faut le dire avec gravité, nous abordons des terres inconnues. Les amortisseurs et les dispositifs d'aide publique ont permis d'éviter l'effondrement de notre appareil productif. À présent, il faut impérativement favoriser la meilleure transition pour qu'une majorité de salariés passe du chômage partiel au travail, sans passer par la case Pôle emploi.
C'est un enjeu considérable, qui exige la confiance de tous, celle des Françaises et des Français, celle des entrepreneurs et celle des partenaires sociaux. Il s'agit d'éviter à tout prix une augmentation massive du chômage et une crise sociale sans précédent, un véritable drame. Hervé Marseille l'a dit avant moi, rien n'est plus fragile que la confiance.
Madame la ministre, quelle méthode de dialogue social envisagez-vous avec les partenaires sociaux ? Les sujets à aborder sont nombreux : l'Unédic, les secteurs à l'arrêt – je pense au tourisme, à la culture, aux intermittents du spectacle, aux cafés et aux restaurants – et la participation – pourquoi pas ? –, car il faudra aussi donner des perspectives aux futurs salariés, lorsque la croissance reviendra. Enfin, ne pensez-vous pas que l'ampleur des sujets à aborder mérite l'organisation d'une conférence sociale de sortie de crise ?
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