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Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis une quinzaine de jours, nous sommes enfin sortis du brouillard politique et institutionnel né de la dissolution de juin dernier.

Je ne reviendrai pas sur l’interminable feuilleton de l’été – recherche Premier ministre désespérément –, qui est désormais derrière nous. Toutefois, je dirai quelques mots pour regretter qu’une situation inédite – une assemblée tripartite sans véritable majorité – n’ait pas conduit à un gouvernement davantage pluriel.

Nous en connaissons les raisons : une culture de la coalition étrangère à certains responsables politiques, un sectarisme bien ancré, l’horizon sacré du scrutin présidentiel, ou encore des arrière-pensées électoralistes incompatibles avec le sens du compromis… Bref, alors que Georges Clemenceau disait que la République est une idée toujours neuve, certains ont préféré ne rien changer.

J’en profite pour vous féliciter, monsieur le Premier ministre, ainsi que votre gouvernement, et vous encourager, en ayant une pensée particulière pour nos collègues sénateurs. La fameuse sagesse sénatoriale, dans un contexte difficile, est opportune, pourvu cependant qu’elle ne s’égare pas…

M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur. Bravo !

Mme Maryse Carrère. Je salue en particulier la ministre Nathalie Delattre, dont l’expérience sera utile au service des relations entre l’exécutif et les assemblées parlementaires.

Le dogmatisme n’est pas la boussole du groupe du RDSE. Notre charte politique prône, dès ses premières lignes, l’esprit de tolérance, par philosophie, mais aussi par volonté de coconstruire. C’est donc sans préjugés que nous examinerons les politiques publiques qui seront bientôt mises en œuvre. Mais cela ne signifie en aucun cas que nous vous signons un chèque en blanc, monsieur le Premier ministre. Nous tenons à notre indépendance.

Fort de cela, c’est au cas par cas, texte par texte, que nous jugerons vos actions et vos propositions, à l’aune des valeurs qui nous sont chères, dans le respect de la diversité qui caractérise notre groupe.

Vous l’avez souligné, monsieur le Premier ministre, la gravité de la situation de la France, compte tenu notamment de sa dette publique colossale, ne doit pas occulter tous les atouts et toutes les richesses dont dispose notre pays.

Si la France a autant brillé cet été dans le monde avec les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris, c’est parce que, derrière l’événement, il y a eu de la richesse humaine, des gens créatifs, des organisateurs totalement investis, des infrastructures publiques à la hauteur, des entreprises ingénieuses, un patrimoine solide et préservé, une sécurité sans faille.

J’ai une pensée émue pour toutes ces personnes, notamment celles qui sont d’origine étrangère, qui contribuent toute l’année à la santé économique de notre pays, à son rayonnement culturel et à ses succès sportifs. À ce titre, elles doivent trouver toute leur place dans la société, sans aucune discrimination.

Alors, si le devoir de vérité sur la situation de la France est une obligation, nous, élus, avons aussi la responsabilité de cultiver l’espoir. Sans tout promettre à nos concitoyens, nous devons mobiliser, repenser parfois toutes les ressources dont dispose notre pays afin de répondre à leurs attentes. Celles-ci sont nombreuses dans les domaines de l’emploi, de l’éducation, de la santé physique et mentale, du logement, de la sécurité ou en matière de lutte contre les discriminations.

Le RDSE est prêt à débattre de nouvelles propositions et à soutenir toutes celles qui porteront le sceau de la justice sociale, de la solidarité et du progrès.

Nous serons à vos côtés sur le chemin d’une école qui remplirait mieux sa mission d’assurer l’égalité des chances et la mixité sociale. Nous serons là pour rappeler aussi que former des citoyens libres est depuis toujours la tâche de l’école républicaine. Je ne surprends personne en disant cela : mon groupe est profondément attaché au respect de la laïcité. Vous déclarez vous en soucier, monsieur le Premier ministre, et c’est une bonne chose. Reconnaissons que votre prédécesseur avait fait preuve de fermeté sur ce terrain.

Il s’agit de mettre en œuvre une politique ambitieuse visant à redonner du sens à la citoyenneté. Nous avons, ici au Sénat, soutenu des propositions : nous demandons au Gouvernement de les regarder.

Vous souhaitez également être au rendez-vous de l’écologie, un combat que vous menez depuis longtemps, comme a pu le faire une grande figure radicale, Michel Crépeau, pionnier de la mobilité douce. J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle : l’écologie doit être non pas punitive, mais intelligente, cohérente, socialement acceptable et soutenable par les forces vives de notre économie, notamment par notre agriculture.

Parmi vos priorités figure le niveau de vie des Français. On ne peut que l’approuver. L’objectif d’atteindre le plein emploi doit être maintenu, mais il doit aussi être accompagné d’une réflexion sur les conditions de travail.

Le niveau de vie des Français est aussi largement déterminé par leurs conditions de logement. Accession à la propriété, investissement locatif, logement social : tous ces chantiers méritent d’être ouverts.

Je n’oublie pas le système de santé, son fonctionnement à deux vitesses par le jeu des mutuelles, ses déserts médicaux et pharmaceutiques. Le Sénat a multiplié les rapports sur ce sujet, à l’instar de celui sur l’avenir de la santé périnatale réalisé dans le cadre de la mission d’information dont mon groupe a demandé la création. Nous vous encourageons à puiser dans le travail de contrôle du Parlement.

Je ne serai pas exhaustive, car toutes les politiques publiques se méritent. Attaquons le vif du sujet, le nerf de la guerre – je veux parler des comptes publics. Une dette de 3 228 milliards d’euros engage « à faire beaucoup avec peu ».

Pour mon groupe, le relèvement de l’impôt n’est pas tabou, tant que l’effort est juste et suffisamment dosé pour ne pas gripper la croissance. Or la contribution est-elle également répartie aujourd’hui ? Non ! Toutes les études démontrent que le taux d’imposition réel des plus riches est inférieur à celui des classes moyennes.

Aussi, je trouve curieux ce refus dogmatique d’augmenter le prélèvement des plus aisés, qui ont tant profité de la crise du covid-19 et de la solidarité nationale. Je trouve également étrange la posture idéologique qui consiste à abaisser massivement les impôts des détenteurs de capital en laissant se creuser les déficits publics pour refuser aujourd’hui tout rééquilibrage fiscal, sans dire, dans le même temps, quelles dépenses publiques il faudrait réduire, quels services publics il faudrait sacrifier. (MM. Yannick Jadot et Thomas Dossus applaudissent.) C’est une posture risquée que de tout miser sur la croissance pour rééquilibrer les comptes. On le voit, cela ne marche pas.

Je ne laisserai pas dire non plus que la solution serait la réduction des dépenses des collectivités locales, comme on a pu l’entendre il y a quelques semaines. Dois-je rappeler que celles-ci subissent de plein fouet à la fois les conséquences de la situation économique et les choix réglementaires et budgétaires de l’État et qu’elles sont enfermées dans des dispositifs rigides, comme peut l’être le ZAN pour certains territoires ? Jouant un véritable rôle d’amortisseur social, les collectivités participent fortement à la création de richesses par l’investissement local, l’intelligence et l’innovation.

J’en profite pour évoquer aussi les territoires d’outre-mer, dont plusieurs rencontrent de grosses difficultés économiques et sociales. Je pense en particulier à la Nouvelle-Calédonie, qui a besoin de soutien pour sa reconstruction. Il faut bien entendu au préalable assurer sa stabilité politique, laquelle doit être consolidée par le dialogue. L’annonce sur le sort réservé au projet de loi constitutionnelle devrait permettre de l’amorcer dans de bonnes conditions.

La France doit relever un autre défi, qui ne dépend pas uniquement de vous, monsieur le Premier ministre : occuper sa place dans le monde, peser en vue de contribuer au rétablissement de la paix au Proche-Orient et en Ukraine, pour ne citer que les conflits les plus brûlants.

Mes chers collègues, cela a été dit, les Français nous regardent. Dans l’intérêt de notre pays, je vous souhaite, monsieur le Premier ministre, de réussir et d’être ce premier de cordée indispensable pour affronter des pentes aussi escarpées que celles de Savoie ou des Hautes-Pyrénées.

Le Gouvernement est certes en première ligne, mais n’oublions pas notre propre responsabilité : rester ouverts tout en demeurant exigeants quant à nos valeurs de fraternité et d’humanisme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)

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