","width":"400","height":"225","nocookie":"0"}[/embed]
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dès lundi, nos concitoyens retrouveront un peu de liberté après deux mois de confinement. Pour beaucoup, ces moments auront été éprouvants : il est rarement agréable de faire l'expérience des limites de sa liberté. Les mois à venir présenteront à chacun d'entre nous un autre défi : celui de retourner dans les espaces publics et collectifs, où le virus est toujours présent, et d'adopter des gestes barrières irréprochables pour éviter une nouvelle montée en charge des contaminations et une saturation des services de réanimation.
Nous avons été nombreux, sur ces travées, à rappeler notre crainte de voir se pérenniser un droit d'exception – l'une des leçons de l'histoire récente tend malheureusement à étayer cette crainte. Dans le même temps, nous entendons les arguments du Gouvernement, qui souhaite maintenir en place des outils spécifiques tant que nous n'avons pas la certitude d'avoir le contrôle de la situation.
C'est pourquoi, dans notre grande majorité, nous nous rangeons à la décision de prolonger l'état d'urgence pour deux mois supplémentaires et nous satisfaisons que l'Assemblée nationale ait suivi la position du Sénat en retenant la date du 10 juillet.
Nous veillerons à mettre à profit ces deux mois pour poursuivre notre mission de contrôle au service de nos concitoyens. Au moment des ratifications et à la fin de l'état d'urgence, nous serons aussi particulièrement vigilants à ce que la continuité de l'État soit réaffirmée. Aucun arrangement délibéré avec la légalité ne devra être admis.
Pour en revenir aux dispositions précises de ce projet de loi, nous avons été entendus sur quelques points, qui n'ont pas été remis en question par l'Assemblée nationale. En particulier, nous nous félicitons que le retrait de nos concitoyens d'outre-mer du périmètre des mises en quarantaine et à l'isolement systématiques à l'arrivée en métropole, adopté sur notre initiative, et plus spécifiquement sur celle de nos collègues Stéphane Artano et Guillaume Arnell, n'ait pas été remis en question. Compte tenu du faible nombre de cas dans les territoires ultramarins, à l'exception notable de Mayotte, cette disposition portait directement atteinte au principe constitutionnel de l'unité territoriale française.
Nous regrettons que les débats sur l'obligation du port du masque n'aient pas été suffisamment aboutis. De façon générale, nous restons convaincus que la meilleure façon de lutter contre ce virus aurait été d'imposer le port du masque le temps de parvenir à la sortie de crise. De ce point de vue, alors que chacun est en train de s'équiper en masques et thermomètres pour préparer un retour à une vie sociale plus intense, nous regrettons également que notre amendement visant à imposer la transparence des prix contrôlés, destiné à limiter les effets d'aubaine sur la vente d'articles essentiels dans la lutte contre l'épidémie, ne figure pas dans le texte final. Nous le regrettons d'autant plus que nous déplorons conjointement la faiblesse des mesures sociales destinées à accompagner le déconfinement et la suppression de l'amendement relatif aux frais bancaires, qui avait pourtant été adopté par le Sénat à la quasi-unanimité.
Concernant l'article 6, nous restons partagés entre l'impératif médical d'identifier les malades et les cas contacts pour lutter contre la progression du virus et la difficile application de ces mesures face à la résistance d'une partie du corps médical. Malgré les garde-fous introduits par la Haute Assemblée, beaucoup de médecins pourraient considérer que cette nouvelle mission les place dans une position déontologique difficile.
L'ensemble de nos débats comme les discussions que nous avons encore eues ce matin en CMP montrent à quel point la question de la responsabilité est le nœud des préoccupations de notre société face au risque. Cette responsabilité ne peut être opposée à ceux qui sont chargés de mettre en œuvre le déconfinement, vu le peu de certitudes dont ils disposent.
Je pense en particulier aux maires, qui sont en première ligne tous les jours, et plus encore que d'habitude à l'heure de préparer le retour à l'école. Il est important que chacun, dans la société, prenne la mesure du courage qui est nécessaire à nos élus pour garantir l'exercice des libertés de tous, et adopte une conduite responsable lorsqu'il exerce lesdites libertés.
Comme l'a dit lors des débats précédents ma collègue Françoise Laborde, il n'en reste pas moins que la responsabilité morale est un sujet complexe, qu'il faut prendre en compte. À cette fin, il est essentiel d'apporter une réponse à tous ceux qui, demain, vont se trouver confrontés à des décisions difficiles. Nous aurions préféré préserver l'article 1er dans la rédaction initiale du Sénat, mais le compromis trouvé en CMP paraît acceptable.
Il ne faudra pas que nous oubliions, tous autant que nous sommes, que l'heure n'est pas à la recherche de la responsabilité pour faute ; elle est à la responsabilité devant le défi de construire un nouveau projet collectif autour de cette nouvelle donnée qu'est l'existence du coronavirus. Je ne doute pas de l'inventivité dont les Français sont capables pour y parvenir.
Malgré toutes les réserves émises, sachant que les garde-fous introduits par le Sénat en première lecture ont été dans une grande proportion préservés, à l'article 6 notamment, et dans un esprit de responsabilité, la grande majorité du groupe du RDSE votera pour ce texte. (Mme Françoise Laborde et M. Joël Guerriau applaudissent.)