Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, personne ne peut ignorer le contexte exceptionnel dans lequel s'inscrit ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : non seulement nous nous trouvons dans une situation sanitaire et économique on ne peut plus particulière, mais nous sommes aussi à moins de six mois de l'élection présidentielle.
La première leçon que nous retiendrons du covid, c'est la place de la santé dans la hiérarchie des valeurs de notre société.
Alors que nous glissions sur la pente de plus en plus financiarisée d'une société high-tech et numérique, nous avons brutalement pris conscience que la santé – la vie, tout simplement – était bien l'essentiel. Sans elle, il n'y a plus de société, les robots ne nous ayant pas encore tous remplacés et éliminés de la planète.
Cette réaction pour notre survie, quoi qu'elle en coûte, a été globalement partagée par nos concitoyens, même si les modalités de protection collective ont pu être débattues et sont encore discutées : la prolongation du passe sanitaire en atteste.
Je tiens à saluer les décisions mesurées et courageuses qui ont été prises, grâce auxquelles la France traverse ces épreuves avec pragmatisme et pertinence.
Je pense au maintien de la présence en milieu scolaire comme à l'exceptionnel soutien à notre économie, qui permet, aujourd'hui, un premier redressement de la trajectoire des comptes sociaux que nous avons à examiner.
Dans un contexte de précampagne présidentielle, où les propositions d'extrême rigueur des uns le disputent à la plus grande démagogie des autres, je salue le double signal que constituent, d'une part, le redressement de la trajectoire des comptes et, de l'autre, l'effort de dépenses raisonnable pour la santé.
Il nous revient de veiller au financement des prestations d'aujourd'hui, afin qu'elles ne pèsent pas de manière déraisonnable sur les générations futures.
Le régime général était redevenu excédentaire en 2018. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoyait même un quasi-retour à l'équilibre du régime général et du fonds de solidarité vieillesse d'ici à 2023.
La crise est venue durablement bouleverser ces prévisions, avec un effort de près de 35 milliards d'euros en 2020 et un déficit attendu de 15 milliards d'euros à l'horizon 2024-2025.
Nous le savons tous : les dépenses de santé, dans toute l'acception du terme – bien-être physique, psychique et social –, continueront de croître, parce que nous vivons de plus en plus longtemps et que nombre de soins accompagnent cette augmentation de l'espérance de vie. La prévention et les bonnes règles d'hygiène de vie ne sont ni suffisantes ni suffisamment partagées.
De surcroît, les soins auxquels nous pouvons avoir accès sont de plus en plus sophistiqués et onéreux. Les progrès de la médecine, auxquels nous aspirons tous, ont un coût. Ils impliquent des thérapies chères.
Nous nous réjouissons de l'effort de 1 milliard d'euros d'investissements supplémentaires pour l'industrie pharmaceutique. Ces crédits doivent également permettre des relocalisations et une sécurisation de l'approvisionnement. Néanmoins, cet effort ne saurait nous exonérer d'une extrême vigilance quant à l'évolution des comptes sociaux.
La maîtrise de ces dépenses passe autant par la place effective que doivent retrouver les élus dans les décisions de proximité que par nos amendements au PLFSS.
Les élus ont été exclus des prises de décision. Ils sont cantonnés dans un rôle de bienveillante surveillance. Les pleins pouvoirs ont été donnés à l'administration hospitalière et de santé.
À chaque étage – région, département, ville, territoire de santé, établissements de soins –, les économies seront dégagées grâce à la vigilance des élus de terrain. Ces derniers représentent tous les citoyens, et pas seulement les associations d'usagers particuliers.
Enfin, puisque les déficits de l'assurance vieillesse sont déjà prévus pour plusieurs années – 2,5 milliards d'euros en 2022, 4,2 en 2023, 5,8 en 2024 et 7,6 en 2025 –, les déficits cumulés annoncés s'élevant à 97 milliards d'euros en 2022, contre 113 en 2023, 127,9 en 2024 et 143,2 en 2025, il faudra bien s'interroger sur le financement.
Pouvons-nous continuer de financer la solidarité nationale grâce aux seules recettes définies il y a trois quarts de siècle par le Conseil national de la Résistance (CNR), même avec l'apport de la CSG ?
Au total, 74 % des ressources de la sécurité sociale proviennent des revenus d'activité, au moment même où l'on nous annonce des revenus financiers atteignant des niveaux inégalés : les récents records du CAC40 en attestent.
Si l'on veut diminuer les charges des entreprises, réduisons les prélèvements sociaux afin d'alléger le coût du travail et d'augmenter, en même temps, les revenus de ceux qui fournissent ce travail.
Le Gouvernement l'a fait en 2018, en décidant une baisse des cotisations sociales supérieure à la hausse de la CSG. Cette mesure a permis une progression du pouvoir d'achat des actifs.
En 2018 et 2019, la transformation du CICE en une réduction de six points de cotisations maladie suivait la même logique.
Tout ce qui a pour effet de réduire les prélèvements sociaux sur le travail et de les remplacer par des ressources prélevées dans les domaines où l'activité est florissante va dans le bon sens.
Ainsi, pourquoi le taux de CSG appliqué aux produits des jeux est-il de 6,2 %, bien en deçà de celui qui affecte les revenus d'activité, à savoir 9,2 % ?
De même, le taux de CSG sur les revenus d'activité est égal au taux applicable aux revenus du patrimoine et aux produits de placement : un allègement des prélèvements sur les revenus d'activité permettrait une meilleure reconnaissance du travail. Il aurait, à ce titre, un effet incitatif.
Aujourd'hui, pour un revenu disponible donné, un actif de 45 à 50 ans payera beaucoup plus qu'un retraité de 70 ans. Est-ce bel et bien justifié en matière de santé ? Les retraités ont souvent acquis leur propriété, alors que de nombreux actifs sont encore en voie d'accession et apportent toujours un soutien financier à leurs enfants, étudiants pour certains. Tout en épargnant les petites retraites, bien sûr, il ne serait pas injuste de demander un effort aux premiers bénéficiaires.
Parallèlement, le ticket modérateur, qui ne modère pas les complémentaires, doit être repensé au terme d'une réflexion approfondie sur la « grande sécu » et la place des mutuelles.
Ces réflexions structurelles doivent être poursuivies. Cela étant dit, ce PLFSS contient un certain nombre d'avancées concrètes.
Le présent texte rend notamment immédiate la perception des aides applicables au secteur des services à la personne, lequel va nécessairement croître dans les années à venir, avec l'allongement de l'espérance de vie.
Il est aussi prévu d'assouplir les régimes de déclaration pour les travailleurs indépendants : il s'agit là d'une mesure bienvenue pour ces professionnels, frappés de plein fouet par la crise sanitaire.
On le sait : ce texte vient mettre en œuvre les avancées, attendues et nécessaires, du Ségur de la santé. Ainsi, 9 milliards d'euros sont dédiés à la revalorisation des rémunérations des personnels soignants et non soignants des hôpitaux ainsi que des établissements médico-sociaux, à la suite de la mission Laforcade.
Je salue également la prise en charge dans le droit commun de la télésurveillance par l'assurance maladie, tout comme la poursuite de l'évolution, engagée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, au regard des médicaments faisant l'objet d'autorisations temporaires d'utilisation (ATU) et des dispositifs médicaux numériques.
Ce PLFSS prévoit encore d'attribuer systématiquement la complémentaire santé solidaire aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et d'en faciliter l'accès pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Les élus du RDSE défendront d'ailleurs un amendement visant à étendre la facilitation de cet accès aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Le présent texte instaure également un tarif plancher national de 22 euros de l'heure pour les services à domicile et étend les missions des Ehpad à une offre d'accompagnement à domicile des personnes en perte d'autonomie.
Le travail parlementaire a besoin d'informations claires et précises. En ce sens, la nouvelle loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, votée chaque printemps, sera tout à fait opportune. Elle constituera une évaluation de l'exécution en amont des discussions budgétaires de l'automne.
De même, si la date de dépôt du PLFSS était avancée au 1er octobre, nous disposerions d'un délai supplémentaire bénéfique à la qualité des débats.
Mes chers collègues, l'examen du financement de la sécurité sociale est éminemment technique : il ne doit pas être partisan. Nos seuls objectifs doivent être l'amélioration de l'accès aux soins et l'assainissement des comptes publics.
C'est dans cet état d'esprit que les élus du groupe RDSE prendront part aux discussions de cette semaine ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Daniel Chasseing et Mme la rapporteure générale applaudissent également.)
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