Projet de loi relatif au retour de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette, comme vous tous, que la commission mixte paritaire n'ait pu aboutir à un accord sur le projet de loi relatif au retour de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal. Je partage l'avis du Sénat, avec d'ailleurs nombre de députés, mais, hélas, pas la majorité des députés de la majorité !
Même si, par principe, le groupe du RDSE ne vote pas les motions tendant à opposer la question préalable, nous soutenons la démarche du Sénat. Nous ne nous laisserons jamais enfermer dans un simple rôle de chambre d'enregistrement d'une décision prise, même avec l'avis du Quai d'Orsay et le consentement de la Rue de Valois.
Nous ne voulons pas davantage être tenus pour responsables de possibles incidents diplomatiques par un avis non conforme à une décision prise, déjà annoncée et parfois exécutée. En effet, si une « restitution » revêt bien une dimension diplomatique, le « retour » d'un bien culturel relève avant tout d'une réflexion culturelle. C'est pourquoi l'avis d'un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels est indispensable. Celui-ci doit recueillir des expertises en histoire, en histoire de l'art, en ethnologie, comme en droit du patrimoine culturel. Ce n'est qu'après ces consultations, plus approfondies que de simples échanges entre fonctionnaires des affaires étrangères et de la culture, que des décisions politiques éclairées pourront être prises et ne pas rester de simples intuitions.
La notion même d'inaliénabilité mérite d'être réinterrogée à l'occasion de ce projet de loi. Comme l'imprescriptibilité l'a été à la lecture du livre La Mémoire, l'histoire, l'oubli de Paul Ricœur, auquel avait contribué le Président de la République, Emmanuel Macron…
Le retour d'un bien culturel n'est pas la restitution d'un bien mal acquis. Ce sont les us et coutumes d'une époque qui nous en ont rendus propriétaires.
Leur retour est un don. Et le don peut être à l'inaliénabilité ce que le pardon est à l'imprescriptibilité. Il acte la légitimité de la propriété. Nous ne pouvons pas donner ce qui ne nous appartient pas. C'est la dimension culturelle d'un bien qui est inaliénable.
Le retour ne peut se concevoir que si les garanties de conservation et de mise en valeur sont apportées. Le retour oblige celui qui le reçoit. Il transforme le bien en vecteur de la culture du donateur.
Certains biens n'auraient jamais acquis leur valeur culturelle sans l'expertise de notre propre culture. C'est le parcours culturel de la France qui amène à ce point d'appréciation permettant de décider si un bien mérite de retourner sur son lieu d'origine ou si, au contraire, il doit rester l'expression d'une culture universelle exposée dans nos musées.
C'est un beau débat, digne, qui mérite mieux que le constat du fait accompli. Il nous faut une réflexion, une analyse, avant qu'un bien culturel ne soit proposé à un retour, sans négliger bien entendu la dimension diplomatique.
Le retour d'un bien culturel est un don qui enrichit autant celui qui donne que celui qui reçoit. C'est la richesse de la culture. Alors, seulement, l'avis du peuple français transmis par les représentants que nous sommes pourra être donné en toute connaissance de cause. C'est le rôle que défend notre assemblée dans ce débat pour la grandeur et le rayonnement de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Jean-Pierre Decool et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
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