Proposition de loi pour un nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse par le vote à 16 ans, l'enseignement et l'engagement
M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, chère Martine Filleul, défiance vis-à-vis de la classe politique, mise en cause de la démocratie représentative, perte de confiance à l’égard des institutions, multiplication des inquiétudes quant à l’avenir, qu’il s’agisse de la crise sanitaire, du réchauffement climatique ou encore des nombreuses fractures qui fragilisent nos sociétés, les explications sont multiples et le diagnostic est aujourd’hui bien établi pour éclairer la crise citoyenne qui affecte notre pays et touche davantage encore les plus jeunes de nos concitoyens.
Je suis de ceux qui pensent que toute initiative qui poursuit l’objectif de trouver des remèdes à cette crise mérite d’être soulignée et encouragée.
Pour répondre à notre collègue Arnaud de Belenet, j’ai moi-même déposé en janvier dernier une proposition de loi pour rendre le vote obligatoire, comme en Belgique et dans d’autres pays du nord de l’Europe, et faciliter l’exercice du droit de vote. J’espère que nous aurons l’opportunité d’en débattre un jour…
Bien évidemment, aucune de ces propositions n’apportera à elle seule de solution miracle et nous sommes tous ici suffisamment aguerris pour être conscients qu’une telle solution n’existe pas. J’en suis persuadé, c’est par la conjonction de nos propositions, la confrontation de nos idées et la convergence de notre volonté commune de recréer cette conscience politique et citoyenne, qui fait cruellement défaut et met en danger notre République, que nous parviendrons à infléchir cette courbe préoccupante, pour ne pas dire dangereuse.
Alors oui, j’entends les objections de notre rapporteure sur les risques attachés à la décorrélation entre la majorité civile et la majorité civique et sur la nécessité d’en passer par une révision constitutionnelle.
Oui, je comprends ses réserves quant à la préservation de la liberté des collectivités et à la nécessité de leur faire confiance pour renforcer l’implication des plus jeunes dans leurs instances participatives.
Et oui, les programmes scolaires prévoient déjà l’enseignement des bases de notre système politique et de l’histoire de nos institutions.
Mais force est de constater que ce n’est pas suffisant. Tant s’en faut ! Les causes de cette crise sont multiples et les solutions doivent l’être aussi.
Pour utiliser une expression devenue commune aujourd’hui, ne faut-il pas provoquer un choc de la citoyenneté ? N’est-il pas temps d’en passer par plus d’encadrement, voire de contraintes, pour accompagner cette transformation nécessaire de notre société ? Sauf à considérer que ce déclin du fait politique n’est pas réversible, ce à quoi je ne me résigne pas !
Je sais parfaitement que la citoyenneté ne se dicte pas et qu’elle doit se construire par un travail de conviction et d’explication, par une compréhension de ses enjeux, par une conscientisation des combats et des sacrifices qui ont permis à chacun de pouvoir aujourd’hui exercer ses droits de citoyen libre et éclairé. Mais chacun sait aussi les dangers qui guettent notre démocratie. Une échéance électorale fondamentale se profile et nous voyons tous se multiplier les discours extrêmes, les provocations et les incitations à accroître les fractures et les tensions.
La crise démocratique devient pour certains un argument de campagne et alimente le climat nauséabond de « dégagisme » général, porté par ceux qui se disent en dehors du système, mais dont le seul but est de le conquérir…
Il est de notre responsabilité de montrer à nos concitoyens que les élus de la République ont pleinement conscience de ces problématiques et qu’ils s’en emparent pour tenter d’y apporter des réponses, aussi imparfaites et insuffisantes soient-elles…
La proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui apporte sa contribution à cette nécessaire réflexion. Et les arguments sont tout aussi nombreux pour la défendre.
Des analyses montrent que voter jeune produit des citoyens durablement mobilisés lors des élections. Notre société a changé : à 16 ans, la maturité et l’autonomie sont déjà très avancées et c’est un âge auquel des responsabilités importantes sont déjà attachées – possibilité de travailler, apprentissage de la conduite, responsabilité pénale, engagement bénévole, etc. D’autres pays se sont déjà engagés sur cette voie et le Conseil de l’Europe s’y déclare favorable.
Enfin, voter à 16 ans n’est-il pas tout simplement une nouvelle étape dans l’histoire de notre droit de vote, qui a été étendu à mesure que la société se transformait ?
Aussi, quand bien même le groupe du RDSE se prononcera en grande majorité contre ce texte, je souhaite soutenir l’initiative de notre collègue Martine Filleul.
Chacun sait que les lycéens ont leurs codes, leur système de réflexion – j’ai la chance d’en avoir deux à la maison… C’est à nous de les comprendre, en les autorisant à s’exprimer. Je ne prendrai qu’un exemple : aux dernières élections régionales, une candidate tête de liste dans les Hauts-de-France a fait une première affiche devant laquelle les lycéens passaient sans s’y intéresser ; elle en a alors placardé une autre sous forme de dessin, de manga d’une certaine façon, et d’un seul coup les jeunes ont « kiffé grave » – veuillez m’excuser pour cette expression. (Sourires.) Cet exemple nous montre bien que, si on ne pénètre pas le monde des jeunes, on ne peut pas les comprendre.
Il me semble que si nous ouvrons le droit de vote à 16 ans, les jeunes de 18 à 25 ans, qui sont dans une période critique de leur vie, deviendront plus facilement des citoyens à part entière. (Mme Martine Filleul applaudit.)
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