Proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités territoriales, rapporteure de la commission des lois
Mme Nathalie Delattre, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la troisième fois depuis 2019, notre assemblée est réunie pour examiner un texte dit Balai, issu des travaux du Bureau d’abrogation des lois anciennes et inutiles créé en 2018 sur l’initiative de notre collègue Vincent Delahaye, dont je salue l’engagement sans faille au service de la clarté du droit.
Lors de l’examen de la première proposition de loi Balai en 2019, pour laquelle j’étais également rapporteure, j’avais pu mesurer à quel point la complexité du droit est susceptible d’égarer les administrés. Comme le relevait Jean-Marc Sauvé, alors vice-président du Conseil d’État, dans son rapport publié en 2016, la simplification et la qualité du droit constituent « la garantie d’une compréhension et d’une prise en charge utile des besoins d’intervention publique [et l’un] des ressorts de la confiance de nos concitoyens dans la légitimité de l’action publique ».
En dépit de ce constat, la quantité de normes applicables ne cesse de croître. En 2023, d’après le secrétariat général du Gouvernement, 347 017 articles législatifs et réglementaires étaient en vigueur, soit 27 000 de plus que lors de l’examen de la proposition de loi Balai I, voilà pourtant moins de cinq ans.
Cosignée par quatre-vingt-dix collègues, la proposition de loi de Vincent Delahaye est l’une des traductions de la volonté du Sénat d’œuvrer en faveur de la qualité du droit, conformément aux principes constitutionnels d’intelligibilité, de clarté et d’accessibilité de la loi.
Les deux premières lois Balai répondaient à une logique chronologique : la loi Balai I a abrogé quarante-huit lois obsolètes adoptées entre 1819 et 1940, tandis que la loi Balai II a abrogé cent quinze lois adoptées entre 1941 et 1980.
La présente proposition de loi Balai III vise également à améliorer la lisibilité et la clarté du droit, mais diffère des deux précédentes lois Balai sur deux points.
D’une part, la proposition de loi Balai III obéit à une logique sectorielle, ciblée sur le droit des collectivités territoriales. En conséquence, l’étendue chronologique des modifications apportées au droit en vigueur est particulièrement large, puisqu’elle débute en 1942 et touche à des articles parfois très récents, comme les articles 55 et 58 de la loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec.
D’autre part, la proposition de loi Balai III se démarque par l’ampleur et la nature des modifications qu’elle entend apporter au droit en vigueur. Elle comporte en effet dix-neuf articles. Parmi ceux-ci, le seul article 15 tend à abroger une soixantaine de lois jugées obsolètes.
Outre l’abrogation de lois obsolètes, la proposition de loi prévoit également, de façon inédite, de codifier des articles de loi, d’abroger des articles du code général des collectivités territoriales et de procéder à des corrections de mentions erronées ou devenues obsolètes au sein de lois ou codes encore en vigueur.
Je ne reviendrai pas sur les effets néfastes d’un droit trop complexe – de très nombreux rapports ont insisté sur ce sujet. Je formule cependant le vœu que la démarche que sous-tend ce texte soit systématisée : lors de l’examen de chaque texte, nous devons nous efforcer d’avoir le réflexe de chercher à abroger une norme antérieure qui serait rendue caduque par la nouvelle.
Le risque inhérent à une opération Balai est d’abroger par erreur un texte d’apparence obsolète, mais qui constituerait toujours le fondement légal d’un acte en vigueur ou d’une situation d’actualité. Les conséquences d’une abrogation accidentelle peuvent s’avérer particulièrement lourdes et préjudiciables.
C’est la raison pour laquelle la commission s’est astreinte à la plus grande rigueur et à la plus grande prudence lors de l’examen des mesures d’abrogation suggérées par cette proposition de loi, le doute sur les conséquences juridiques concrètes la conduisant toujours à renoncer à l’abrogation d’un texte.
En outre, la commission a estimé que ce texte ne devait procéder qu’à droit constant : les modifications de fond nécessitent un débat dédié.
Je vous précise par ailleurs, par souci de transparence, que la commission a conduit ses travaux sur la base de l’avis du Conseil d’État et en étroite collaboration avec les administrations centrales concernées, afin d’aboutir à un texte qui, je l’espère, n’induira aucun effet indésirable et améliorera la lisibilité du droit.
Suivant la position ainsi énoncée, la commission a adopté cinquante amendements. Ces dispositifs, qui œuvrent tous à droit constant, ont permis soit d’ajouter de nouvelles abrogations de dispositions caduques ou de procéder à de nouvelles corrections de références erronées, soit d’effectuer des coordinations manquantes, soit – et c’est la majorité des cas – de revenir sur des abrogations, codifications ou corrections suggérées par la proposition de loi lorsque, par exemple, le caractère obsolète du dispositif n’était pas suffisamment évident.
Dans la continuité de la position de prudence énoncée précédemment, je vous proposerai d’adopter un amendement supplémentaire à l’article 15 afin de rectifier une erreur matérielle et d’éviter l’abrogation d’un dispositif encore utilisé à l’heure actuelle.
Enfin, il est temps, à mon sens, d’évaluer les trois textes Balai et de tirer une méthodologie pour cette demande utile, mais périlleuse et chronophage.
Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l’adoption de l’amendement que je vous présenterai, la commission des lois vous propose d’adopter la proposition de loi ainsi amendée. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, UC, INDEP et Les Républicains.)
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