Proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où des citoyens en mal de reconnaissance s’autoproclament lanceurs d’alerte du fin fond de leur canapé, il nous paraît bien utile de revenir à une définition juridique harmonisée à l’échelle européenne et à l’État de droit.
Lanceur d’alerte n’est assurément pas un titre de gloire personnelle : il s’agit d’un combat étayé, exigeant, solitaire, dangereux, au service de la vérité.
Le statut du lanceur d’alerte était jusqu’à présent régi par les dispositions novatrices de la loi du 9 décembre 2016, dite Sapin II. Or l’association Transparency International France soulignait dès 2020, dans son rapport d’évaluation des articles relatifs aux lanceurs d’alerte, que « leur protection se heurte encore à de nombreux obstacles et [que] le parcours d’un lanceur d’alerte reste trop souvent périlleux et coûteux ». Elle en appelait à la transposition rapide de la directive européenne du 23 octobre 2019, qui est beaucoup plus protectrice pour les lanceurs d’alerte européens.
Chers collègues, la proposition de loi Waserman de transposition de cette directive et son corollaire, la proposition de loi organique renforçant le rôle du Défenseur des droits, que nous examinons ce soir, constituent effectivement des avancées notables. Je ne reviens pas sur le détail de leurs dispositions.
Au mois de décembre dernier, notre commission a proposé quelques avancées auxquelles nous souscrivons, notamment l’extension du bénéfice de la protection aux facilitateurs, ainsi que la création d’un adjoint au Défenseur des droits.
Pourtant, d’autres propositions nous paraissent en retrait par rapport à la proposition de loi initiale, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Nous avons ainsi déposé un amendement afin de revenir à la définition initiale du lanceur d’alerte, qui se révèle plus simple et plus efficace. Nous sommes toutefois sensibles à votre volonté de compromis, madame la rapporteure. Il aurait été dommage que des critères d’appréciation juridiques soient utilisés pour que le lanceur d’alerte ne bénéficie pas de la protection qui lui est due.
Nous souhaitons de la même manière réintroduire la possibilité pour des personnes morales à but non lucratif d’avoir la qualité de facilitateur. Mes chers collègues, le lanceur d’alerte est seul, profondément seul. Se priver de l’appui de syndicats ou d’associations, c’est le plus sûr moyen pour lui de voir son action ne pas aller au bout.
Enfin, nous avons souhaité réintroduire la possibilité de saisir la presse en cas de danger imminent ou manifeste. Le temps de saisine et d’examen du Défenseur des droits est long, jusqu’à six mois, ce qui permet d’apprécier tous les ressorts de l’alerte et d’en circonscrire les abus. Mais il peut se passer beaucoup d’événements avant la mise en œuvre de la protection, y compris le pire. Faisons confiance à la presse, qui sait mener des enquêtes approfondies.
Je terminerai par une inquiétude. La mission du Défenseur des droits est étendue, c’est une bonne chose, et je crois sincèrement que l’institution mériterait des effectifs supplémentaires. Pourtant, que peut faire le Défenseur des droits face à des campagnes de déstabilisation de lanceurs d’alerte venant de territoires extra-européens ou menées sur des réseaux privés virtuels (VPN) extraterritoriaux ? De quels outils d’intervention ou de sanctions disposons-nous réellement ? Nous savons que, sur les réseaux sociaux, la mesure, l’intérêt général et l’exigence de vérité ne sont pas des valeurs totalement partagées.
En conclusion, notre groupe devrait être favorable à ce texte, mais notre position dépendra du sort qui sera réservé à certains amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
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