Proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour l'examen d'un texte qui engage notre responsabilité dans la protection de la santé des Français.
Il m'importe de vous faire part de quelques réflexions, auxquelles je ne vous demande pas d'adhérer.
Nous vivons dans une société qui souffre de ses paradoxes. Si je voulais être plus sévère et employer de grands mots, je parlerais de sa schizophrénie. Qui que nous soyons, riches ou pauvres, retraités ou salariés, chômeurs ou étudiants, nous sommes tous des consommateurs.
« La consommation est la seule fin et la seule raison d'être de toute production. » : les Trente Glorieuses ont fait de cette phrase d'Adam Smith dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations une réalité qui organise nos sociétés.
Nous souhaitons tous le mieux, le plus, au fil de nos besoins, des modes, des suggestions publicitaires. Et pour y répondre, les industriels ont usé de substances chimiques assurant à certains produits de la stabilité, de la résistance à l'eau, à la chaleur, des propriétés antitaches ou antiadhésives, etc. Ainsi, pour nos petits travaux, nous exigeons une peinture couvrante, sans odeur, avec un séchage rapide ; pour la cuisine, nous privilégions les casseroles qui n'attachent pas. Et nous pensions naïvement, comme Alain Souchon, que « le bonheur, c'est d'avoir de l'avoir plein nos armoires », ou des vêtements qui ne froissent pas…
Soyez rassurés, mes chers collègues, je ne vous imposerai pas la litanie des ustensiles de cuisine, des produits cosmétiques, des emballages, des batteries en lithium pour nos chers téléphones, ordinateurs portables et voitures ou encore des mousses anti-incendie qui contiennent ces substances.
Nous réalisons aujourd'hui que ce que nous pensions être mieux pour nous faciliter la vie est un plus pour la pollution et un inquiétant moins pour la qualité de notre environnement.
Sont ainsi répertoriés pas moins de 4 500 composés chimiques, appelés scientifiquement les per- et polyfluoroalkylées, ou polluants éternels, utilisés par l'industrie : ils sont toxiques, persistants dans l'eau, dans l'air, dans le sol, dans la chaîne alimentaire et donc dans nos corps.
D'ailleurs, si les premiers cas de pollution aux PFAS révélés dans les années 1990 ne permettaient pas une analyse poussée, force est de constater qu'aujourd'hui personne ne remet en cause leur effet sur la santé humaine : augmentation des risques de lésions hépatiques, de maladies thyroïdiennes, d'obésité, de problèmes de fertilité et de cancers.
Nous consommons, contaminons, polluons collectivement et, dans le même mouvement, nous prenons conscience des conséquences de nos comportements.
De nombreuses études scientifiques et universitaires témoignent de la progression chez les jeunes d'une écoanxiété, c'est-à-dire de la peur chronique d'une catastrophe environnementale.
Je salue et remercie donc Nicolas Thierry, député de Gironde, pour son heureuse initiative parlementaire, qui nous bouscule dans nos certitudes, nous impose de prendre du recul et nous confronte à nos responsabilités.
Certes, l'on peut regretter un certain affadissement du texte ainsi que les suppressions intervenues tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, mais il est temps d'inverser les données, « d'aller à l'idéal et de comprendre le réel », comme le clamait Jaurès, afin de traduire dans nos textes cette prise de conscience environnementale.
Je dis oui à l'interdiction de fabrication, d'importation, d'exportation et de mise sur le marché de certaines catégories de produits à compter du 1er juillet 2026 ; oui à l'interdiction de fabriquer, d'importer, d'exporter et de mettre sur le marché tout produit textile contenant des PFAS à compter du 1er janvier 2030 ; oui au contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables ; oui à une trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de PFAS ; oui au plan d'action pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation.
Il est grand temps de réaliser que le coût de l'inertie, de l'inaction et de l'indécision sera toujours plus élevé que celui de l'interdiction de ces polluants.
Alors, malgré les affadissements et suppressions, le groupe RDSE apportera sa voix à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et GEST. – M. Hervé Gillé applaudit également.)
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