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Débat sur le thème : « Le contrôle des investissements étrangers en France comme outil d’une stratégie d’intelligence économique au service de notre souveraineté »

M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat attire notre attention sur le sujet du rapport d’information intitulé Anticiper, adapter, influencer : l’intelligence économique comme outil de reconquête de notre souveraineté, remis au nom de la commission des affaires économiques en juillet 2023.

Ma première remarque portera sur la définition de l’« intelligence économique » : les rapporteurs évoquent la nécessité de se « mettre en alerte » afin de préserver la « compétitivité » de notre économie.

Il s’agit, plus simplement, d’un aspect du renseignement économique, pratiqué par tous les États, et qui constitue une composante à part entière de la guerre économique. L’intelligence économique s’inscrit dans le champ plus large du contre-espionnage pratiqué de tout temps. Le renseignement économique est d’usage entre puissances étrangères, y compris alliées, intéressées par les technologies et les savoir-faire, en l’occurrence français.

Il serait faux d’affirmer que notre pays est désarmé face à l’espionnage économique. Je pense notamment au dispositif d’autorisation préalable des investissements étrangers en France, mentionné dans le rapport.

Ce cadre juridique et administratif donne au ministre de l’économie la faculté de contrôler en amont les projets d’investissement d’origine étrangère et extra-européenne dans les secteurs relevant de notre souveraineté.

Défini principalement par décret, le champ de cette autorisation préalable avait été élargi par le volet sur la protection des entreprises stratégiques de la loi Pacte du 22 mai 2019. Il s’agit d’une exception au principe de libre circulation des capitaux, consacré par ailleurs dans le droit international, que tous les États soucieux de leur souveraineté, y compris les plus libéraux, mettent toutefois en œuvre.

Depuis 2019, sont entrées dans le champ du contrôle préalable les entreprises des secteurs de l’aérospatial et de la protection civile, ou encore la recherche et développement en matière de cybersécurité, d’intelligence artificielle, de robotique, ainsi que les activités liées aux semi-conducteurs et celles des hébergeurs de certaines données sensibles.

D’après les informations de la direction générale du Trésor, ce renforcement réglementaire ne s’est pas fait au détriment de l’attractivité économique française.

Enfin, a été pérennisé le contrôle du franchissement du seuil de 10 % des droits de vote dans les sociétés cotées sur un marché réglementé par des investisseurs étrangers.

Des trous dans la raquette demeurent toutefois.

Si le cadre réglementaire et législatif existe, les enjeux portent davantage sur sa mise en œuvre. Il faut désormais améliorer le suivi a posteriori des engagements des investisseurs.

Plus largement, et cela nous distingue de nombre de nos partenaires et concurrents internationaux, une véritable culture de la sécurité économique nous fait encore défaut à ce jour. Cela inclut bien sûr la cybersécurité, point sur lequel le Sénat s’était penché dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique.

La défense de notre souveraineté ne saurait donc reposer exclusivement sur l’action de l’administration. Elle doit être l’affaire de chacun, avec une formation nécessaire dans tous les secteurs, qu’il s’agisse des étudiants, des chercheurs, des salariés ou des chefs d’entreprise, en particulier de PME.

L’on se réjouit des bons résultats de l’attractivité économique de la France depuis plusieurs années, mais connaissons-nous toujours les réelles intentions des investisseurs ?

Quid du foncier agricole de notre pays, qui aiguise l’appétit de nombreux investisseurs étrangers ? Ce sujet a déjà fait l’objet d’initiatives législatives, ici même, au Sénat.

Quid des investissements opportunistes visant à bénéficier de subventions publiques sans volonté de s’implanter durablement sur le territoire français ?

Le temps me manque pour revenir sur d’autres points intéressants du rapport, tels que la place de la France dans les comités internationaux d’élaboration des normes.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le thème de notre débat est au cœur de notre souveraineté. Dans un contexte international préoccupant, sa prise en compte doit présider à la nécessaire réindustrialisation de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Hélène Conway-Mouret ainsi que MM. Pierre-Alain Roiron et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Vous parlez d’or, monsieur le sénateur : s’il convient d’instaurer des dispositifs, d’édicter des règles et d’allouer des moyens – et nous l’avons fait –, il nous faut désormais changer de logiciel national, car la sécurité économique est aussi affaire de culture.

Je me réjouis donc de constater que la représentation nationale se saisit de ce sujet. Il convient que les entreprises s’en saisissent également et que les chambres de commerce les accompagnent sur le terrain en les sensibilisant à cet enjeu.

Il en va de la sécurité économique comme de la cybersécurité. Cette problématique a émergé au cours des dix à quinze dernières années et elle est en passe de devenir un véritable danger, mais aussi un véritable atout pour les entreprises qui s’en saisissent.

Cette révolution culturelle doit avoir lieu. Le dispositif complet dont nous disposons désormais, le rapport que vous citez, monsieur le sénateur, et les débats que nous avons régulièrement y contribuent.

Ce débat est pour moi l’occasion d’engager toutes les entreprises, notamment moyennes et petites, à se saisir de ce défi majeur, qui, s’il est envisagé avec prudence, peut devenir un avantage comparatif considérable.

Des fonctionnaires du service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse) sont présents dans chaque région, sur le terrain, et prêts à accompagner nos entreprises dans ce processus.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.

M. Christian Bilhac. Nous sommes presque d’accord, monsieur le ministre. Permettez-moi toutefois de vous faire une suggestion : plutôt que d’enquiquiner à longueur de journée, à longueur de mois, à longueur d’année les chefs d’entreprise à coups de paperasserie et de dossiers, l’administration devrait consacrer son temps à former les chefs d’entreprise dans ce domaine.

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