Débat sur le bilan de l'application des lois
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat annuel est l'occasion de souligner, d'encourager ou de dénoncer certaines pratiques qui entourent le travail parlementaire, et je souhaiterais profiter de cette intervention pour saluer la qualité du rapport de notre collègue Sylvie Vermeillet.
Ce débat, disais-je, est tout d'abord l'occasion de dénoncer la systématisation du recours à la procédure accélérée. Si elle est censée optimiser le temps parlementaire, celle-ci limite en vérité la réalisation de travaux sereins, approfondis et minutieux.
Cette remarque vaut aussi pour notre assemblée : cédant à la pression, jamais nous ne retenons le délai normal de quinze jours entre l'examen du rapport en commission et la séance publique.
Pour ce qui est ensuite du devenir des textes une fois ceux-ci adoptés, on peut dresser, à partir du bilan de l'application des lois pour l'année 2024, un état des lieux en trompe-l'œil : la baisse du nombre de lois étudiées s'assortit d'une stabilisation de leur taux d'application, alors que leur diminution quantitative aurait dû permettre une augmentation qualitative du point de vue de leur application.
Corrélativement, les mesures réglementaires d'application tendent à être publiées dans un délai raisonnable, inférieur à six mois. Nous ne pouvons qu'encourager le Gouvernement à poursuivre dans cette tendance, et même à accélérer autant que possible la publication des décrets d'application.
Reste que, derrière cette normalité, certains textes sont bloqués et l'exécutif s'offre une trop grande marge de manœuvre.
Par exemple, en février dernier, la présidente de notre groupe, Maryse Carrère, ici présente, a été à l'initiative d'une proposition de loi tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales. Je ne détaillerai pas le fond du dossier – nous avons examiné ce texte il y a quelques semaines et notre assemblée l'a adopté à une large majorité. Mais, en l'espèce, il s'agit de contraindre le Gouvernement à publier avant la fin de 2024 un décret nécessaire à l'application d'une ordonnance datant de 2018 et ratifiée en 2019, qui faisait écho à une proposition de loi que j'avais moi-même déposée à l'époque !
Voilà une spirale mortifère que l'on ne saurait encourager ; madame la ministre, que faire pour l'éviter ? (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice Delattre, je n'ignore pas l'engagement de votre groupe, qui est crucial, sur les enjeux d'accès aux soins et l'inscription, dans l'espace réservé de votre groupe à l'ordre du jour du Sénat, le 11 avril dernier, de la proposition de loi de la présidente Carrère a d'ailleurs témoigné de votre implication sur le sujet.
Les décrets d'application de l'ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 doivent permettre de définir les territoires dits « fragiles » au sein desquels l'accès aux médicaments en France n'est pas toujours assuré de manière satisfaisante pour la population. Leur mise en œuvre a été interrompue par la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19.
Par ailleurs, l'élaboration de ce texte s'est heurtée à des demandes divergentes d'acteurs de terrain. Un travail réalisé avec la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) a établi deux critères d'identification, partagés avec les agences régionales de santé (ARS), permettant d'apprécier la densité de l'implantation des officines ainsi que la difficulté d'accès à une officine.
De plus, il a été proposé un processus d'identification des territoires fragiles en deux étapes : la première consiste à déterminer les parts de la population régionale concernées par ces critères ; la seconde à fixer au sein de ces parts une liste des territoires identifiés comme fragiles. Néanmoins, plusieurs ARS nous ont signalé un risque de rigidité de cette seconde étape et, parallèlement, les représentants de la profession se sont exprimés défavorablement sur cette première version.
La méthodologie de détermination des territoires a donc été retravaillée pour tenir compte de ces différentes observations. Le Gouvernement veillera à ce que cet outil puisse être rapidement mobilisé afin que les territoires fragiles et isolés en bénéficient.
Je vous sais particulièrement attentive, madame la sénatrice, au sort de ces communes – je pense, notamment, à Saint-Quentin-de-Baron, dans votre département –, aux côtés desquelles vous n'avez cessé de vous investir.
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