Proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par cette proposition de loi, dont l'initiative revient à M. Bruno Retailleau et à un certain nombre de ses collègues, nous sommes invités à nous saisir de la question essentielle de la formation des médecins.
Cette dernière doit répondre à la fois à l'acquisition d'une somme importante de connaissances, d'un savoir-être, et surtout à la préparation des jeunes médecins à leur futur exercice professionnel, qui, pour les généralistes, se fera majoritairement sur les territoires, en libéral.
Le sujet n'est pas tant d'aligner le nombre d'années de la spécialité médecine générale sur celle des autres spécialités. C'est plutôt, et surtout, de savoir pourquoi on ajoute une année supplémentaire au troisième cycle des études médicales.
S'il s'agit de déployer un bataillon de docteurs juniors sur des territoires sous-dotés afin d'apporter une réponse politique à la problématique complexe des déserts médicaux, je n'y serai pas favorable.
En effet, le doute persiste sur la finalité de cette proposition de loi, du fait du titre initial du texte, de la communication faite autour de cette mesure, des discussions ayant eu lieu en commission des affaires sociales et dans le cadre d'auditions, jusqu'à l'exposé des motifs du texte, qui débute par l'évocation des déserts médicaux.
Alors que la discussion est entamée depuis plusieurs années déjà sur cette question, que les étudiants, professeurs et doyens n'y étaient pas et n'y sont toujours pas fermement opposés, la finalité à peine masquée de cette mesure a suscité beaucoup d'inquiétudes.
Si l'accès aux soins doit mobiliser chacun d'entre nous, je ne crois pas aux mesures coercitives, y compris quand elle se drape de bonnes intentions, à plus forte raison dans un contexte de manque de professionnels.
Doit-on le rappeler ? En dix ans, la France a perdu 5 000 médecins généralistes. En vingt ans leur densité sur les territoires a baissé deux fois plus que celle des autres spécialités. Aujourd'hui, 84 % de notre pays est sous-doté. Aucune réforme, aucun décret, aucune mesure, aucun plan, n'ont réglé et ne régleront de manière isolée la problématique de l'accès aux soins, tant que le nombre de généralistes en exercice n'aura pas augmenté de manière significative, par une amplification nette du numerus apertus et, surtout, du quota de médecins généralistes dans le cadre de la sélection pour les spécialités.
Alors que cette année supplémentaire doit voir le jour, il faut parler de pédagogie, de professionnalisation et d'une meilleure adaptation de la formation au cœur de métier de la médecine générale.
Une quatrième année professionnalisante, bien pensée et concertée, pourrait et devrait mieux préparer les jeunes médecins à la réalité du métier, qui se fait pour l'essentiel – je l'ai déjà indiqué – en libéral. Si elle est bien menée, elle favorisera les installations sur les territoires.
J'en suis convaincue, cette quatrième année, avec un stage obligatoire en ville, mais aussi un stage libre, par exemple dans un hôpital de proximité, répondrait mieux aux exercices partagés, aujourd'hui plébiscités par les jeunes, et au décloisonnement ville-hôpital que nous appelons tous de nos vœux.
J'y vois aussi un autre avantage : les étudiants devront présenter leur thèse en troisième année de troisième cycle, et ne pourront plus repousser cette échéance, ce qui les éloigne aujourd'hui d'autant d'une installation en cabinet.
Mais cette année supplémentaire doit répondre à plusieurs conditions.
Tout d'abord, elle ne doit pas être un prétexte pour répondre de manière totalement imparfaite à la problématique des déserts médicaux.
Ensuite, elle doit entraîner l'adhésion des étudiants et du Collège national des généralistes enseignants.
Par ailleurs se pose la question de l'encadrement. S'il est bien précisé que ces stages s'effectueront « sous un régime d'autonomie supervisée », ils devraient être obligatoirement encadrés par un maître de stage des universités. Sont-ils suffisamment nombreux dans les territoires pour accueillir ces jeunes de quatrième année ?
Enfin, la dernière condition est liée à la rémunération. La proposition de loi évoque une rémunération à l'acte. Cette option me semble peu aboutie. Ne risquerait-elle pas de créer des conflits entre stagiaires et référents ? Ne faudrait-il pas un socle commun salarial, avec – pourquoi pas ? – une incitation supplémentaire dans le cas de cabinets à forte activité ou pour une pratique en zone sous-dense ?
De manière générale, ne l'oublions pas, ce sont de bonnes conditions de travail, un environnement professionnel stimulant et des territoires accueillants qui sont, je le crois, les critères privilégiés du choix d'installation des jeunes professionnels. Plutôt que d'orienter les docteurs juniors en priorité vers les territoires sous-dotés, dont la définition est imparfaite, orientons-les en priorité vers des lieux d'exercice où il existe des dynamiques de santé, avec des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), des exercices professionnels coordonnés (ESP) et des équipes de soins primaires à même de leur donner envie de poursuivre l'aventure.
Faisons en sorte de former, dès le début des études médicales, de jeunes médecins en proximité.
Sous toutes ces réserves, le groupe RDSE n'est pas défavorable a priori à cette proposition de loi, mais – vous l'aurez compris – pas à n'importe quel prix.
Notre groupe déterminera son vote en fonction de la discussion qui suivra et du sort qui sera réservé aux amendements, notamment les plus coercitifs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
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